Les phoques sont délicieux, alors tuons-les et mangeons-les !

Un bébé phoque (photo via)

La chasse aux phoques a mauvaise presse. Elle évoque, au mieux, des types en bottes qui éclatent la tête de phoques sans défense à gros coups de gourdin, et au pire, Brigitte Bardot tournant un seal porn. Tout le monde, de Morrissey aux cuisiniers américains célèbres, tient à s’énerver de ce que la chasse aux phoques soit encore une tradition vivace dans de nombreux coins du Canada, notamment à Terre-Neuve et au Labrador. L’Union européenne a banni de son marché la viande de phoque, et la Chine n’est plus censée y toucher depuis un accord commercial signé en 2011.

En dépit de cela, le Canada continue à chasser les phoques, pour des raisons qui n’ont pas changé : leur fourrure brillante et douce et leur viande à la saveur unique. La semaine dernière, les gouvernements du Canada, de Terre-Neuve et de Labrador ont annoncé qu’ils avaient investi la bagatelle de 500 000 dollars dans une initiative visant à placer de la viande de phoque sur les rayonnages des magasins d’alimentation.

La façon de chasser le phoque a quelque peu évolué depuis qu’elle existe, et bien que la chasse reste une activité sanglante – dans le meilleur des cas, un phoque est tué d’une décharge dans la tête suivie du coup de grâce au hakapik –, le gouvernement canadien affirme qu’aujourd’hui, la chasse au phoque se fait aussi « humainement » que possible. De plus, il y a tellement de phoques au Canada qu’ils menacent les populations de poissons ; les tuer rendrait service à l’écosystème dans son ensemble. Et, au milieu de toute cette controverse, les restaurants canadiens continuent à servir de la viande de phoque. J’ai parlé avec Todd Perrin, le cuistot du Mallard Cottage, pour savoir pourquoi il restait déterminé à conserver du phoque au menu.

VICE : Vous pensez quoi des cuisiniers US qui ont signé la pétition pour boycotter tous les produits canadiens issus de la pêche afin de protester contre la chasse au phoque ?
Todd Perrin : L’image du bébé phoque en fourrure blanche qui se fait exploser le crâne au gourdin ou à la pioche par les dégénérés de Terre-Neuve– ça, c’est illégal depuis des années. Je pense que ces cuisiniers se sont fait avoir par une certaine propagande, qu’on leur a vendu une image barbare de la chasse au phoque qui n’est plus d’actualité.

Vous pensez que cette pétition aura une influence sur la chasse au phoque ?
Les chefs US peuvent-ils continuer à bosser sans utiliser les produits de la mer canadiens ? La réponse est oui. Signer une pétition contre les produits dérivés de la chasse au phoque ne changera pas grand-chose. En revanche, boycotter l’industrie de la pêche canadienne dans son ensemble pourrait avoir un certain effet.

Aujourd’hui, comment chasse-t-on le phoque ?
On tire sur les phoques avec des pistolets électriques puissants, puis on les achève humainement avec un hakapik. La fourrure, la graisse et toute la viande sont consommés. Le gouvernement régule la chasse – ça ne veut pas forcément dire que tout va pour le mieux. Mais, la chasse au phoque n’est pas pire qu’une autre forme de chasse.

Pourquoi pensez-vous qu’il y a une telle levée de boucliers internationale ?
Que l’Union européenne renforce l’interdiction des produits à base de phoque a focalisé l’attention sur la chasse. Je pense aussi que ce sujet permet aux associations de protection des animaux de lever pas mal d’argent. Mettez sur une affiche un joli petit phoque tout doux. Ces bêtes sont mignonnes, beaucoup plus qu’un poulet, une vache ou un veau. Pas moyen qu’une mère de famille lâche un chèque de 50 $ à une association qui lui envoie une carte postale avec une photo de poulet dessus.

Vous servez de la viande de phoque ?
Oui. On en a au menu quand c’est la saison ; la chasse commence au printemps. On braise les nageoires pour les servir en ragout, ou on sert de la viande de phoque laminée – c’est très similaire, au niveau de la texture, au porc laminé. On fait aussi du carpaccio de phoque, de la viande de phoque fumée, des saucisses fraîches, des terrines, et même de la glace à l’huile de phoque – mais le test n’a pas été très convaincant.

J’ai mangé du carpaccio de phoque. Ça avait un goût de foie, mais avec une touche de sel marin.
La plupart du gibier bénéficie du fait de vieillir, de faisander, mais la viande de phoque se doit d’être fraîche – comme c’est une viande très grasse et très huileuse, il faut la consommer immédiatement parce qu’elle se dégrade très vite.

Vous avez déjà chassé le phoque ? 
Non, mais je compte bien le faire cette année. Il y a environ 9 ou 10 millions de phoques sur les côtes de Terre-Neuve. La population de phoques met en danger l’équilibre des populations de poissons, très menacées. On veut garder cette population sous contrôle. Les phoques ne sont pas une espèce menacée, et ils constituent un produit de qualité, alors quel est le problème ? Si vous voulez vous attaquer à l’industrie alimentaire, vous devriez plutôt manifester contre les conditions de travail des immigrés qui conditionnent la viande aux US, la monoculture, l’agriculture industrielle, les OGM… La liste est longue.