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LE NUMÉRO AU BORD DU GOUFFRE

Andy Butler Et Hercules & Love Affair

Les Hercules & Love Affair assuraient la première partie de Gossip - un groupe avec une obèse - en décembre à Bercy. En voyant Andy Butler torse nu lever les bras dans la lumière bleue, j'ai réalisé qu'Hercule, le demi-dieu grec, avait traversé les...

Les Hercules & Love Affair assuraient la première partie de Gossip – un groupe avec une obèse – en décembre à Bercy. En voyant Andy Butler torse nu lever les bras dans la lumière bleue, j’ai réalisé qu’Hercule, le demi-dieu grec, avait traversé les âges pour se réincarner sous forme de DJ producteur gay. Il était entouré de ses créatures chanteuses, Kim Ann Foxman, Shaun Wright et Aerea Negrot. Je les ai rencontrés juste avant le

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soundcheck

, et ils avaient l’air plutôt stressés. On a discuté de leur nouvel album sorti en janvier chez Moshi Moshi et d’un certain nombre de choses « séminales » que vous découvrirez après avoir promené sur cette intro un regard fatigué.

Vice : Il y a plein de nouveaux gens dans le groupe, là.

Aerea :

Je vis à Berlin et je sors des trucs sur Bptich Control. C’est un défi de travailler avec Andy, c’est la première fois que je fais des trucs en collaboration.

Shaun :

Moi, je viens de Chicago. J’ai toujours écrit des chansons sans avoir dans l’idée de les enregistrer, c’était « dans l’air », quoi.

T’as rencontré Andy à un concert des Hercules. T’es tombé amoureux de son corps malingre et de sa beauté spectrale ?

Shaun :

Ça n’a pas été aussi intense. On s’est mis à discuter avec Andy, et on s’est bien entendus.

Andy :

Tout vient de l’esthétique. J’ai vu Shaun et je me suis dit : « Merde, il a tout compris. » Je lui ai dit qu’il me rappelait Sylvester. Il m’a dévisagé et m’a dit : « Et je chante comme lui. » Je lui dis : « OK vas-y, prends ce micro. » Là, il me dit : « Bon OK, pas exactement comme Sylvester, peut-être plus comme Jeffrey Osborne. » Et j’ai fait : « C’est mignon ça. Envoie-moi une démo. » Ce qu’il a fait. Mais ce qui a vraiment joué c’est qu’on a passé dix jours en Californie seuls dans la maison de mon père. C’était une période difficile. J’ai pleuré, il m’a consolé et m’a raconté des trucs. C’est quelqu’un de très sensible et de très droit. Je me suis dit que je pourrais compter sur lui.

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Vous avez tous une interprétation très personnelle du genre. Kim Ann, je t’ai vue dans des magazines lesbiens et Shaun, tu me disais tout à l’heure que tu aimais bien porter des habits de femme.

Kim Ann :

On est libres. Moi je suis spéciale sur ces trucs-là. Je n’aime pas être

girly

mais je suis très féminine sur plein de plans. En ce moment ce qui me plaît, c’est d’être un mec gay.

Il y a déjà un certain nombre de mecs gays dans le groupe.

Kim Ann :

Hé je suis l’un d’entre eux en fait.

Andy :

Moi, j’ai parfois l’apparence et les manières d’un mec plutôt macho. J’ai limite l’air hétérosexuel. [

Hilarité générale

] Bon là en effet, ils se foutent de moi. Mais j’ai grandi dans une famille très macho.

Tu as été out tard ?

Andy :

Vers 15 ans. Cela dit, je fais du piano depuis mes 11 ans. J’étais fasciné par la mythologie grecque. Et j’adore Miss Piggy. J’ai des coussins Miss Piggy et un rideau de douche Miss Piggy. J’ai un livre qu’elle a écrit.

Kim Ann :

On a d’ailleurs fait une fête consacrée à Miss Piggy, récemment.

Andy :

J’aime jouer avec les genres, avoir l’air très macho un jour, flamboyant le jour d’après, mettre du maquillage le surlendemain. J’aime avoir le choix.

Shaun :

Moi, je me suis retrouvé dans une fac où il n’y avait que des mecs et j’ai réalisé à quel point j’étais différent. J’ai lu des textes féministes, de la théorie

womanist

, d’autres sur les ­problèmes de masculinité. Il y a des cycles de cinquante ou cent ans qui disent aux gens les vêtements qu’ils doivent porter, et ces normes varient en fonction de la classe sociale. On le constate encore aujourd’hui. Les mecs de la haute sont super F par rapport aux prolos.

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Super quoi ?

Shaun :

Super « F », je veux dire « féminins ». Moi, je suis un homme qui aime bien porter des leggings ou des chaussures à talons, mais ce ne sont jamais que des pompes.

Et toi ?

Aerea :

Je viens du Venezuela, je n’ai pas eu le droit de vivre mon côté féminin jusqu’à mes 22 ou 23 ans. Et après ma ­renaissance en femme j’ai vécu mon adolescence de jeune fille.

Pourquoi est-ce que l’album s’appelle Blue Songs ?

Andy :

Je cite souvent

Another Green World

de Brian Eno. Il y a aussi

Blue

de Joni Mitchell. Sinon en effet, cet album a quelque chose de mélancolique. Et puis j’avais beaucoup utilisé le mot « blue » dans le disque.

Comme « Boy Blue ».

Andy :

Qui est un hommage à Sinéad O’Connor en réalité.

Gay.

Andy :

Oui. Et sinon, notre tournée a vraiment été très éprouvante. J’ai été très ambitieux. J’ai décidé de partir sur la route avec un groupe alors qu’on venait de commencer. Je savais qu’Antony [

ndlr : de Antony & The Johnsons

] ne serait pas sur le prochain disque. Il avait une autre carrière avant nous.

Tu as dit que tu voulais que tous les morceaux sortis sur Mr. International, ton label, sonnent « post-1985 et pré-1994 ».

Andy :

Il y a une raison : la technologie a beaucoup changé pendant cette période. On était en pleine new wave et le power rock se développait. C’est un groupe, Starship, qui définit le power rock. Ça fait : «

We built this city on rock ‘n’ roll.

 » Un truc dégueulasse, avec des synthétiseurs et des batteries rejouées. Heureusement que quelques mecs de Chicago ont chopé des 303 pour faire un nouveau son, brut et profond. La fin de l’âge d’or, c’est 1994. Tu te rappelles des Bucketheads ?

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Ouais, je vois leur tube avec les trompettes, là.

Ça faisait :

«

These sounds fall into my mind… mind…

 » Ouais, c’était horrible. Tous les producteurs de house se sont mis à prendre des loops de disco, à les filtrer et les Daft Punk sont arrivés. Je préfère le son d’avant.