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Burkina Faso

Burkina Faso : Le président renversé est de retour au pouvoir

Michel Kafando, renversé il y a quelques jours par un coup d'État mené par le général Gilbert Diendéré, a annoncé son retour à la tête du pays ce mercredi midi. Il a prêté serment en fin de journée.
Pierre Longeray
Paris, FR
Entrée de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. (Photo via Flickr / Jeff Attaway)

Le président de transition du Burkina Faso, Michel Kafando — renversé la semaine dernière par un coup d'État — a annoncé son retour à la tête du pays ce mercredi matin. Il a prêté serment en fin d'après-midi lors d'une cérémonie à Ouagadougou.

Cette annonce intervient au lendemain d'un accord trouvé entre les putschistes, menés par le général Gilbert Diendéré (à l'origine du coup d'État), et les soldats loyalistes du gouvernement de transition. Cet accord permet d'éviter un affrontement entre les deux camps rivaux, alors que les Forces armées nationales loyalistes convergeaient ce mardi vers la capitale, Ouagadougou, pour déloger les putschistes du RSP (le Régiment de sécurité présidentielle) mené par Diendéré.

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« Je reprends du service, » a annoncé Michel Kafando, ce mercredi matin, devant la presse. « La transition est ainsi de retour et reprend à la minute même l'exercice du pouvoir d'État, » a continué le président de transition.

Allocution de Michel Kafando, ce mercredi matin, devant la presse pour annoncer son retour à la tête du pays. (Source : Burkina 24)

Au même moment, ce mercredi matin, c'était pourtant le général putschiste Gilbert Diendéré qui accueillait les représentants des 6 États (Nigeria, Niger, Togo, Ghana, Bénin et Sénégal) membres de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), venus superviser le rétablissement de Kafando au pouvoir. Diendéré avait annoncé ce mardi soir, « C'est moi qui vais accueillir [les chefs d'État de la Cédéao], et Kafando les raccompagnera après, » illustrant ainsi un passage de témoin symbolique du pouvoir, que Diendéré a occupé pendant seulement quelques jours.

Diendéré greets issoufou at airport — joe penney (@joepenney)September 23, 2015

Le général Diendéré accueille Mahamadou Issoufou, le président du Niger et membre de la Cédéao), ce mercredi matin à l'aéroport de Ouagadougou.

Kafando avait été renversé le 17 septembre par un coup d'État mené par les putschistes du RSP qui l'avaient capturé puis placé en résidence surveillée.Le RSP est une unité d'élite de 1 300 hommes qui était à la botte de l'ancien président burkinabè. Blaise Compaoré, dont Diendéré était le bras droit, a été déchu en octobre 2014, alors qu'il essayait de changer la Constitution pour briguer un nouveau mandat. Les putschistes ont justement expliqué avoir fait ce coup d'État pour pouvoir permettre aux anciens partisans de Compaoré de participer aux prochaines élections, qui devaient se tenir en octobre prochain. Ces candidats pro-Compaoré avaient été exclus des élections par le Conseil constitutionnel du Burkina Faso.

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À lire : Burkina Faso : Journée de chaos à Ouagadougou

Le retour de Kafando à la tête du pays avait été annoncé dès mardi soir, par le général Diendéré lui-même, qui l'avait pourtant déchu du pouvoir. Dans la soirée, Diendéré avait en effet annoncé que Kafando serait « remis en selle » dès ce mercredi. Une heure après cette annonce, on apprenait qu'un accord avait été trouvé entre putschistes et loyalistes pour éviter d'arriver à un affrontement. Cet accord en 5 points a été négocié sous l'autorité du Mogho Naaba, le roi des Mossis, qui est l'ethnie majoritaire au Burkina Faso.

L'accord prévoit un « cantonnement » des troupes du RSP dans leur caserne, qui ont aussi accepté de "céder les postes de garde » à Ouagadougou. Les loyalistes ont eux consenti à « reculer les troupes de 50 kilomètres, » alors qu'ils s'apprêtaient ce mardi à entrer dans la capitale. L'armée assure aussi « garantir la sécurité du personnel du RSP et de leurs familles, » afin d'éviter toutes représailles. Ultime point négocié, les deux forces rivales se sont accordées sur un « délai de 72 heures pour établir le point du matériel, » comprendre de l'armement.

Quand le président Michel Kafando a rejoint, ce mercredi après-midi, les chefs d'États de la Cédéao pour participer aux négociations, le général Diendéré était absent d'après le journal local Burkina24.

Amnistie, élections et dissolution en débat

Pourtant, le poids du RSP pèse toujours sur les négociations. Les chefs d'État de la Cédéao doivent encore trancher trois points cruciaux : l'amnistie des putschistes, la possible présence aux prochaines élections de candidats pro-Compaoré et le sort du RSP.

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Les putschistes réclament d'être amnistiés pour le coup d'État — une proposition jugée « honteuse » par des représentants de la société civile. Les violences liées au coup d'État ont fait au moins 11 morts et 119 blessés parmi les manifestants qui s'opposaient à la prise du pouvoir par les hommes de Diendéré, selon un des décomptes hospitaliers. Un millier de manifestants ont justement accueilli les chefs de la Cédéao ce mercredi avec des pancartes refusant « l'amnistie des assassins. »

À lire : Burkina Faso : Les Forces armées nationales convergent vers la capitale pour désarmer les putschistes

Les prochaines élections devaient se tenir le 11 octobre prochain, mais à cause du coup d'État, elles étaient, aux dernières nouvelles, reportées au 22 novembre, au plus tard. La Cédéao va devoir ainsi se décider quant à la réintroduction aux scrutins des candidats pro-Compaoré — comme elle l'avait proposé ce dimanche, lors d'un premier projet d'accord refusé en bloc par la société civile.

Dernier point crucial, quel sort sera réservé au RSP ? Sa dissolution est notamment réclamée par la population et le Premier ministre du pays, le lieutenant-colonel Zida, qui était lui-même un ancien membre de cette « armée dans l'armée ». Interrogé par VICE News dans la nuit de lundi à mardi, le chef des putschistes, le général Diendéré disait que : « Chacun fait tout pour éviter un bain de sang inutile. »

À lire : Interview du chef des putschistes au Burkina Faso : « Fuir ? Non. Ce n'est pas une solution heureuse. »

Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray