On est ce que l’on mange, on pue ce que l’on digère

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On est ce que l’on mange, on pue ce que l’on digère

Une fois que les aliments sont assimilés par l’organisme, les « produits dérivés » de la dégradation sont expulsés du corps à travers la transpiration et les huiles. Une fois sur la peau, vous êtes foutus.
Hilary Pollack
Los Angeles, US

À 19 ans, je sortais avec un mec un peu crado qui avait décrété que — pour être en harmonie avec son corps — il ne se passerait plus un jour sans qu’il mange au moins six gousses d’ail crues. Au début, sa démarche ne m’a pas plus choqué que cela : l’ail est connu pour ses vertus anti-septiques, anti-inflammatoires, anti-tout et n’importe quoi. Et puis je dois avouer qu’à cette époque-là, j’étais assez indifférente à l’idée de supporter une haleine persillée H24, pourvu qu’elle provienne de la personne qui faisait chavirer mon cœur. Je crois même me souvenir qu’à mes yeux, je trouvais que c’était un complément alimentaire plutôt bienvenu dans son régime presque exclusivement constitué de spaghetti sauce piquante et de hot-dogs au tofu.

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Mais après seulement une ou deux semaines de consommation intensive, mon copain s’était complètement métamorphosé. Une odeur répugnante se dégageait désormais — non pas seulement — de sa bouche, mais aussi de ses aisselles, de ses pieds, de son cou et même de ses cheveux. Je me rappelle d’un traumatisme en particulier : cette fois où, après l’avoir à peine embrassé sur la joue, j’ai été surpris par une puanteur si violente que j’ai failli faire un malaise. En fait, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, l’ensemble des pores et des orifices de son corps crachaient un genre de venin à l’ail très concentré. J’ai fini par poser un ultimatum : ce serait l’ail ou moi.

Heureusement ce fut moi — et le régime à l’ail de mon mec a pris fin. Mais cette anecdote, combinée à d’autres expériences olfactives que j’ai volontairement ou involontairement subies dans ma vie, n’a fait que confirmer mon intime croyance en ce dicton : « dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es ». Car j’ai toujours eu la conviction qu’une partie de ce que l’on mange finissait sa course à la surface de notre peau et se retrouvait irrémédiablement dans la transpiration et les fluides corporels. Visiblement, les scientifiques s’accordent à penser comme moi.

Si l’on a déjà pué de la gueule au moins une fois dans sa vie, on sait qu’il y a des aliments qui ne pardonnent pas — l’ail, l’oignon et globalement, tous les fromages à pâte molle. Mais une étude publiée dans la revue Medical Hypotheses pointe du doigt un produit que personne n’avait soupçonné jusque ici : la tomate. Les résultats des recherches suggèrent que cet aliment de base de la culture méditerranéenne contient une bonne quantité de terpène, la molécule à l’origine de la mauvaise odeur qui passe par la sueur.

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Non contente de trouver enfin une étude qui faisait écho à la réflexion que je m’étais faite pendant toute ma post-adolescence, j’ai contacté Erica Matluck, un genre de naturopathe très diplomée, pour lui demander quel était son avis professionnel sur le sujet. Fallait-il réellement s’inquiéter ? Fallait-il s’interdir de manger des trucs à base de tomate avant un rencard Tinder ? Erica a été très sympa et c’est de manière très pragmatique, qu’elle a tenté de tout m’expliquer.

« La relation entre la nourriture et les odeurs corporelles est déterminée par plusieurs facteurs et résulte d’un processus d’interaction en plusieurs étapes. D’abord, il y a la nourriture en elle-même : chaque aliment que l’on consomme possède sa propre constitution chimique et une odeur distincte. Une fois consommée, la nourriture se décompose alors en plusieurs éléments dans notre corps. Ce processus varie selon le nombre d’enzymes dont chaque individu dispose. Et chaque individu peut en posséder un grand nombre ou très peu, ou même pas du tout », m’apprend-elle. Cela expliquerait déjà pourquoi certaines personnes seraient plus susceptibles d’avoir des problèmes d’odeurs que d’autres.

Mais ce n’est pas tout : « Une fois que les aliments sont assimilés par l’organisme, les « produits dérivés » de la dégradation sont expulsés du corps à travers la transpiration et les huiles. Une fois sur la peau, ces éléments entrent en contact avec des bactéries et provoquent des réactions. La constitution génétique de l’individu détermine l’activité enzymatique — ou la capacité de décomposer certains aliments — mais aussi le type de bactéries que l’on trouve sur la peau. La relation entre certains aliments spécifiques et l’odeur corporelle qu’ils provoquent chez chacun est variable d’un individu à un autre. Ceci dit, il est reconnu que l’espèce humaine est dépourvue de certaines enzymes spécifiques, d’où les réactions et odeurs bien marquées que provoquent certains aliments. »

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D’accord, très bien. Mais pour éviter les situations embarrassantes, il faudrait bien connaître les aliments diaboliques à éviter : Erica affirme qu’outre l’ail et l’oignon, « les légumes crucifères comme le brocoli, le chou-fleur, le chou, mais aussi la viande rouge sont des aliments souvent impliqués dans la formation d’odeur corporelle. »

Les précisions apportées par Erica recoupent les conclusions d’un article sur le sujet paru dans Salon, un site d’information américain, qui affirme qu’en éliminant de leur alimentation les produits laitiers, les fameux légumes crucifères (plus haut, on avait oublié les asperges), l’ail et les oignons, les femmes pourraient changer leur parfum naturel et améliorer sensiblement le goût… de leurs parties les plus intimes.

Car au cas où cela serait encore un secret de polichinelle, les nanas sont souvent complexées par l’odeur émises par leurs parties génitales. Dans les années quatre-vingt-dix, nombreux furent les articles, publiées dans des mastodontes de la presse féminine comme Glamour ou Cosmopolitan, qui conseillaient aux lectrices de consommer de l’ananas pour parfaire l’odeur de leurs fluides corporels. Bon, on n’a jamais vraiment su combien ni à quelle fréquence elles étaient censées en manger, ni tout simplement d’où était tirée cette hypothèse. Pourtant, l’article de Salon évoqué plus haut citait un sexologue établi, le docteur Robert Morgan Lawrence, et nombre d’autres « experts » qui venaient tous appuyer — avec toute la solennité de leur rang — le bien-fondé de cette hypothèse d’apparence absurde.

Dans un article de The Atlantic publié en 2010, l’écrivain Scarlett Lindeman partage son rapport très particulier avec les odeurs corporelles. Elle y raconte notamment cette fois où, à la salle de sport, son corps s’est soudain mis à dégager une odeur de gaufre encore fumante. Elle a découvert plus tard que ce parfum était en réalité celui du Fenugrec, une plante aromatique que l’on utilise dans la cuisine indienne, mais aussi dans la fabrication du faux sirop d’érable. Alors que l’auteur confie dans l’article que sur le moment, elle a trouvé l’odeur à la fois envahissante et mielleuse, dans les commentaires, certains lecteurs vont plus loin et avouent ingérer intentionnellement du Fenugrec parce qu’ils aiment bien l’idée de dégager une odeur de baraque à gaufre.

Il n’y a donc plus de mystères : on est ce que l’on mange, on pue ce que l’on digère. Reste juste de quel côté olfactif du spectre on décide de se positionner. Pour ma part, je m’assure toujours de manger au moins six ananas par jour.

Pour plus de Vice, c’est par ici.