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Crime

Certains pays s'étonnent de faire partie de la coalition antiterroriste saoudienne

Parmi les pays qui se sont étonnés de faire partie de cette alliance contre le terrorisme, on retrouve le Pakistan, la Malaisie ou encore le Liban dont les autorités n’avaient pas été mises au courant.
Photo de Amel Pain/EPA

Un jour après que le royaume saoudien ait annoncé en fanfare le lancement d'une coalition de 34 pays contre le terrorisme, bon nombre de ces pays ont fait savoir qu'ils n'avaient pas vraiment été prévenus.

« Je pense que c'est une bévue de leur part », explique William Hartung, directeur du programme Armement et Sécurité du Center for International Policy. « Ils pensaient qu'en annonçant cette coalition, les autres pays suivraient. »

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Le Pakistan, qui est nommé parmi les membres de la coalition saoudienne, a fait savoir que personne ne les avait prévenus. Le secrétaire aux Affaires étrangères pakistanais, Aizaz Chaudhry, s'est dit « surpris » d'apprendre que son pays faisait partie de l'alliance, d'après le média local Dawn. Plus tard, le ministère des Affaires étrangères a néanmoins diffusé un communiqué dans lequel on peut lire « le Pakistan et l'Arabie saoudite ont des relations cordiales, étroites et fraternelles. »

Pour certains experts, ce n'est pas une surprise de voir le Pakistan hésiter à rejoindre cette coalition antiterroriste qui pourrait impliquer l'envoi de troupes au Moyen-Orient ou de se fâcher avec l'Iran. Le bloc formé par les Saoudiens ne compte aucun pays gouverné par les chiites comme l'Iran, l'Irak ou la Syrie — suggérant l'idée que la coalition est autant un moyen de contrer Téhéran, le rival de Riyad au Moyen-Orient, que de combattre le terrorisme.

À lire : L'Arabie saoudite forme une coalition de 34 pays musulmans pour combattre le terrorisme

Au Yémen, les Saoudiens combattent les rebelles Houthis chiites, qui ont renversé plus tôt dans l'année un régime sunnite. Craignant que les Houthis étendent l'influence iranienne dans la Péninsule arabique, les Saoudiens ont lancé une campagne de frappes aériennes contre leur voisin du sud — avec l'aide d'autres pays de la région et la bénédiction des États-Unis. Alors que les Saoudiens ont pilonné le Yémen, les Houthis ne rompent pas — motivant certains à surnommer ce conflit « le Vietnam saoudien ». Le Pakistan ne veut pas s'impliquer, et a précédemment refusé d'aider les Saoudiens en avril dernier.

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« L'armée pakistanaise est tellement occupée à combattre les Talibans pakistanais dans les zones tribales, qu'elle n'a pas les Ressources pour s'investir sur un autre front, » explique Marvin Weinbaum, expert du Pakistan au Middle East Institute. « Ils essayent de maintenir de bonnes relations avec l'Iran, ce qui pourrait leur causer de gros problèmes. »

Le Pakistan n'a pas été le seul pays à snober les Saoudiens. La Malaisie ne paraissait pas non plus particulièrement enthousiaste quant à sa participation à l'alliance saoudienne. « Il n'y a aucun engagement militaire, il s'agit plus de dire qu'on est ensemble dans ce combat contre le militantisme, » a déclaré le ministre de la Défense, Hishammuddin Hussein.

Le Liban a aussi donné des signaux mitigés. Le Premier ministre, Tammam Salam, a annoncé son soutien pour l'idée d'une coalition, déclarant à la National News Agency que l'alliance saoudienne est une « avancée pour les peuples islamiques contre le terrorisme ».

Mais le ministère des Affaires étrangères libanais a diffusé un communiqué dans lequel on apprend que personne ne les avait mis au courant de cette coalition antiterroriste. Étant donné que le Liban partage une frontière commune avec la Syrie, où les militants de l'organisation terroriste État islamique sévissent depuis plus d'un an, il est normal que les diplomates du Liban soient irrités par l'annonce. « Ce qui est arrivé met à mal le statut du Liban et les pouvoirs alloués au ministère des Affaires étrangères, » lit-on dans le communiqué.

L'Arabie saoudite dépense des sommes extravagantes pour financer la construction de mosquées et d'écoles islamiques (madrasas) dans des pays comme le Pakistan et la Malaisie, et fournit une aide militaire conséquente au Liban. William Hartung estime que les officiels saoudiens ont pensé pouvoir récolter le soutien de ces pays vu l'aide et les financements qui leur accordent. « Parfois, ils ont une vision biaisée de leur importance dans le monde parce qu'ils dépensent leur argent un peu partout, » explique Hartung.

Les madrasas financées par les Saoudiens ont été suspectées de justement prôner l'extrémisme islamique que la coalition du royaume souhaite combattre. Hartung estime aussi que l'implication du royaume au Yémen créé les conditions du développement du terrorisme dans le pays. Pour le chercheur, cette nouvelle coalition est un coup de publicité pour répondre aux critiques qui estiment que la monarchie islamique ultraorthodoxe n'en fait pas assez pour combattre l'EI.

Si l'Arabie saoudite tente de lancer cette coalition antiterroriste, l'EI continue de se diffuser au Yémen, prévient Hartung. « En plus de ne pas combattre l'EI en Syrie, ils aident sans le vouloir l'EI à se développer au Yémen, » explique le chercheur. « C'est le pire des deux mondes. »

Suivez John Dyer sur Twitter : @johnjdyerjr