« On marchait sur les Ramblas, et on a décidé d'acheter une bouteille d'eau parce qu'on avait extrêmement soif. On a pris une rue perpendiculaire pour trouver un petit magasin. D'un coup, on a entendu des cris, comme une immense bousculade. Des gens courraient dans notre direction, et là on a vu un van blanc descendre les Ramblas. » Le récit de Pere commence comme ça. Âgé de 23 ans, originaire de Giron, le jeune homme profitait de ses vacances pour visiter Barcelone avec sa petite amie.
Publicité
Son cauchemar a débuté à 16 heures 50, lorsqu'une camionnette blanche a dévalé la longue avenue barcelonaise sur 500 mètres, entraînant la mort d'au moins 15 personnes, et plus d'une centaine de blessés. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a annoncé que 26 Français avaient été blessés, dont 11 grièvement.Comparable au mode opératoire des attaques de Nice ou de Londres, cet attentat a rapidement été revendiqué par l'État islamique via Amaq, son agence d'informations.
La police catalane a confirmé jeudi avoir arrêté deux hommes « directement impliqués » dans l'attaque et dans la location de divers véhicules – le chauffeur du van, de son côté, est encore dans la nature. Un troisième individu a été arrêté ce vendredi matin à Ripoll, et un quatrième en début d'après-midi. Sur ces quatre hommes, trois seraient Marocains et le dernier Espagnol. Les autorités ont demandé à la population de réduire au maximum ses déplacements. Malgré cela, des centaines de personnes ont tenu à donner leur sang en se rendant dans des hôpitaux de la ville. De leur côté, les chauffeurs de taxi ont véhiculé gratuitement de nombreux passants et touristes, dans l'incapacité de rentrer chez eux ou à leur hôtel après la fermeture de nombreuses stations de métro.La fin de journée s'écoulant, le chaos a fait place à un lourd silence, la police ayant évacué les Ramblas et la Plaza Cataluña.
Publicité
UN LIEN AVEC TARRAGONE
AUPRÈS DES TÉMOINS
Publicité
Bien plus tard, un homme surgit de la porte arrière d'un hôtel donnant sur les Ramblas. Pere, accompagné de sa copine et d'une dizaine d'autres personnes, est évacué après avoir attendu plusieurs heures, confiné. « On a été bloqués pendant quatre heures dans l'hôtel, confie-t-il. On avait vue sur les Ramblas – elles étaient désertes. On pouvait voir des chaussures, des chapeaux… Des corps, dissimulés par des draps, étaient étendus sur le sol. »
Présent parmi les passants amoncelés près des barrières, Idriss – un homme de 36 ans origine de Larache au Maroc et habitant dans le Raval – s'inquiète de ne pas pouvoir rejoindre son fils, bloqué dans leur domicile par les mesures de sécurité. Cette inquiétude ne l'empêche pas d'exprimer très clairement – et très spontanément – sa haine viscérale à l'encontre des terroristes. « À cause de ces types, tous les musulmans du monde paient », résume-t-il.
Un autre habitant du quartier s'approche des journalistes. Il s'agit de Banndua, 38 ans, un béret vert espagnol, membre des forces spéciales. Il a rappliqué après avoir entendu l'annonce de l'attaque et a proposé son aide aux forces de l'ordre présentes sur place. « Je suis ce que l'on appelle un béret vert, mais je suis actuellement en repos forcé. Je suis venu pour voir si je pouvais aider à quoi que ce soit. »
Le regard hébété d'Andrea fait quelque peu penser à celui de Pere. La jeune Barcelonaise de 23 ans travaille dans un restaurant très couru des Ramblas. « J'étais au travail lorsque mes collègues m'ont demandé d'aller leur chercher des trucs à grignoter au Starbucks des Ramblas. C'est sur la route que tout s'est passé. »
Publicité
La jeune femme s'arrête et inspire longuement. « Lorsque j'étais sur le point d'entrer dans le Starbucks, j'ai vu tout un tas de gens courir vers moi, et j'ai entendu de nombreux bruits sourds – il s'agissait de la camionnette qui heurtait tout sur son passage. Je me suis précipitée dans le Starbucks et je me suis enfermée dans les toilettes. »
Américaine vissée à son téléphone, Melina a du mal à réaliser ce qu'il s'est passé. « Mon hôtel est sur les Ramblas, et, alors que je me baladais dans les environs de la ville, j'ai remarqué que la police était partout », raconte-t-elle. Cette femme de 35 ans, originaire de San Diego, avoue espérer pouvoir rentrer rapidement à son hôtel, car son avion décolle à huit heures du matin, ce vendredi.L'attaque de Barcelone est le deuxième acte terroriste perpétré en Espagne depuis les attentats qui ont touché Madrid le 11 mars 2004, au cours desquels 192 personnes ont perdu la vie et 2 000 autres ont été blessées – une tragédie qui a contraint les forces de sécurité de l'État à acquérir une expérience significative en matière de lutte contre le terrorisme islamiste. Selon les données publiées par le Ministère de l'intérieur, depuis 2004, plus de 220 opérations de police ont donné lieu à l'arrestation de 723 terroristes présumés. Certains suspects interpellés projetaient de se rendre dans des zones de conflit comme l'Irak ou la Syrie ; d'autres prévoyaient d'attaquer le territoire espagnol.C'était le cas en 2008 à Barcelone lors du démantèlement d'une cellule djihadiste qui s'apprêtait à perpétrer un attentat dans le métro de la capitale catalane. La ville, ainsi que d'autres communes comme Badalona ou Mataró, a été le théâtre de nombreuses interventions policières au cours des dernières années.D'après les chiffres officiels, à la fin de l'année 2016, le nombre de combattants djihadistes originaires d'Espagne était de 204, dont 30 étaient déjà revenus. Une dizaine ont été arrêtés. En raison de ses multiples défaites dans des villes comme Mossoul, l'État islamique a encouragé ses membres à ne plus se déplacer, mais à commettre des attentats dans les pays occidentaux.Cet article sera mis à jour au fil de la journée.Plus d'informations sur VICE News.