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Trump, un an après

Donald VS Kim : une année explosive

Vice revient sur une année de présidence lunaire avec un documentaire exclusif diffusé sur la chaîne Viceland. L'occasion de se pencher sur la guerre entre les États-Unis et la Corée du Nord.
Lia Kantrowitz
illustrations Lia Kantrowitz
Illustration : Lia Kantrowitz

Lors de la campagne présidentielle de Donald Trump, la Corée du Nord a à peine été évoquée. Il faut dire que Trump ne s’est pas vraiment attardée sur les questions de politique étrangère – ni sur la politique de manière générale – et, dans le discours qu’il a prononcé en avril 2016, qui portait sur « la politique mondiale » et qui s’intitulait « America First », il a présenté la Corée du Nord comme un problème pouvant être résolu en faisant pression sur la Chine. À l'époque, le slogan « America First » semblait être de l’isolationnisme démodé, voire du mercantilisme. Quoi qu’il en soit, le président Trump semblait peu enclin à entraîner les États-Unis dans de nouvelles guerres.

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Nous avons donc nourri l'espoir qu'il se concentre sur son agenda national et renonce à des aventures internationales. En vain. Les faucons de la Maison-Blanche semblent à l’affût d’un conflit direct avec l'Iran. Trump a étendu la présence militaire américaine en Afghanistan. Le recours aux forces d'opérations spéciales reste en hausse. Plus terrifiant encore, il semblerait que chaque jour, des signes nous laissent présager qu’une guerre contre la Corée du Nord est en cours.

La Corée du Nord ne pouvait être qu’un problème majeur pour Trump – Barack Obama a explicitement mis en garde son successeur contre le danger que représentait ce pays disposant d’armements nucléaires. Pendant la première année de la présidence de Trump, la Corée du Nord a continué de développer un arsenal permettant d'anéantir des villes américaines entières rien qu’en appuyant sur un bouton. Avec la détonation en septembre d’une éventuelle bombe H, et le voyage inaugural de l'impressionnant missile Hwasong-15 en novembre, la Corée du Nord semble pouvoir faire exploser une ogive n’importe où sur les États-Unis.

Chaque avancée du dictateur nord-coréen Kim Jong-un en matière de nucléaire a été accueillie par une provocation de Trump. En août dernier, Trump a annoncé qu’il allait mettre la Corée du Nord à feu et à sang – célèbre réplique de Fire and Fury – ce qui a manifestement effrayé tout le monde, sauf Kim Jong-un. Puis, en septembre, il a donné à Kim un petit surnom inspiré d'une chanson d’Elton John et d’une réplique de Nicolas Cage dans le film Rock.

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Dans cette atmosphère, la guerre avec la Corée du Nord – autrefois inimaginable à cause des pertes civiles massives que cela causerait en Corée et au Japon – est devenue envisageable. Le Foreign Policy de ce mois-ci affiche un titre provocateur : « Il est temps de bombarder la Corée du Nord ». (L'article qui suivait était un éditorial satirique d'Edward Luttwak, affirmant que si la région de Séoul subissait de lourdes pertes civiles dans une guerre menée par les États-Unis, ce ne serait dû qu’à des années de mauvaise planification du pays.)

Rodger Baker, qui étudie la péninsule coréenne pour le cabinet de renseignement militaire Statfor, pense pourtant que la guerre n'est pas imminente. Pour les États-Unis, « il semble que, globalement, le coût de l'action militaire prime sur les avantages que celle-ci pourrait engendrer », explique-t-il par téléphone, ajoutant que « les Nord-Coréens ne veulent pas la guerre ». Les pourparlers bilatéraux du mois dernier entre la Corée du Nord et la Corée du Sud ont démontré que la guerre n'est pas inévitable. Jusqu'à présent, les points à retenir de ces pourparlers concernent la décision qu’on prit les deux nations de concourir ensemble aux Jeux olympiques d'hiver, ce qui n’est pas rien.

Selon Rodger Baker, Trump est peut-être l’élément déclencheur qui a poussé les deux pays à entrer en pourparlers. « Il a certainement contribué à motiver les Nord-Coréens à dialoguer avec le Sud », a déclaré Baker, avant de s’empresser d'ajouter que le timing « correspond aussi au programme des Nord-Coréens ». Il est tout à fait possible que des discussions comme celles-ci aient lieu, et ce, peu importe le nom de celui qui siège à la Maison-Blanche.

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America First, documentaire diffusé le 23 janvier, sur Viceland, disponible dans les offres Canal

Le dernier point de vue est celui de Karl Friedhoff, expert en politique étrangère pour le « Chicago Council on Global Affairs », auparavant sondeur d'opinion publique en Corée du Sud. « Il était prévu que la Corée du Nord s’adoucisse à l’orée des Jeux olympiques »,déclare Friedhoff, ajoutant : « Je ne pense pas que Trump soit responsable, de quelque manière que ce soit, de ce rassemblement ».

Karl Friedhoff ne perçoit finalement rien de nouveau dans les grandes lignes du plan de Trump en Corée. Trump se contente de présenter la Corée du Nord comme une potentielle menace militaire – comme l'ont fait les anciens présidents – en espérant que les sanctions nuiront au régime. La différence cette fois-ci, c’est que les Etats-Unis ont maintenant « un président au comportement erratique ».

Sur de nombreuses questions de politique étrangère, la boussole idéologique de Trump tourne comme une hélice. Parmi ses plus fervents partisans, beaucoup pensaient qu'il serait moins interventionniste qu'Obama. Ils l’ont néanmoins vu avec horreur lancer des missiles sur la Syrie en avril dernier et se rapprocher de l'Arabie Saoudite en mai. Contrairement à ce que ses adversaires craignaient, il n'a pas été aussi doux que prévu envers la Russie. Il avait pourtant passé sa première année à alarmer les alliés américains, à menacer de quitter l'ALENA, en éviscérant au passage le Département d'État et en provoquant des incidents internationaux sans raison – et, plus récemment, en qualifiant le continent africain de « trou à rats ».

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La position de Trump au sujet des deux régimes qui ont été les antagonistes les plus constants de l'Amérique – la Corée du Nord et l'Iran – n'a jamais vraiment changé. Le programme de politique étrangère de Trump a aggravé les tensions avec les deux pays. Mais tandis que Trump semble prêt à renoncer à l'accord nucléaire avec l'Iran et qu’il pourrait déclencher des hostilités contre le pays, la perspective d'une guerre avec la Corée du Nord est ce qui semble le plus effrayer les Américains. Contrairement à l'Iran, la Corée du Nord possède des armes nucléaires et donc potentiellement la capacité de les utiliser contre les États-Unis, créant ainsi l'une des situations géopolitiques les plus délicates et les plus tendues du monde.

Un récent reportage du New York Times dépeint une armée américaine morose, qui avance à reculons vers une guerre contre la Corée du Nord, en faisant des exercices simulant les conditions de combat. « Nous savons que ces formations existent depuis des mois et des mois », a expliqué Rodger Baker. Et le fait que l’opinion publique s’y intéresse maintenant fait sens. Certains analystes ont émis l'hypothèse que les pourparlers intercoréens pourraient exacerber les querelles entre la Corée du Sud et les États-Unis. Rodger Baker ne semble pas trop inquiet à ce sujet. En effet, la Corée du Nord pourrait suggérer au président sud-coréen Moon Jae-In que l'avenir serait merveilleux sans l'Amérique, mais cela ne devrait pas aller très loin. « À ce stade, il est difficile d’imaginer quelque chose qui puisse saper la force américaine sans porter atteinte à la sécurité nationale de la Corée du Sud », a ajouté M. Baker.

Mardi, le secrétaire d’État des États-Unis, Rex Tillerson, s’est entretenu, à Vancouver, avec les représentants de toutes les nations qui s'étaient alliées aux États-Unis pendant la guerre de Corée. Le mouvement, selon Rodger Baker, visait à créer, « une entité pseudo-légitime ». Mais le sommet a énervé la Chine, qui a été exclue des pourparlers, ainsi que la Russie, autre pays exclu, pour qui ces pourparlers démontraient un « état d'esprit inapproprié et digne de la guerre froide ».

À plus long terme, la grande question est de savoir si les États-Unis décideront oui ou non de coexister avec une Corée du Nord nucléaire. Si les États-Unis refusent d’abandonner la position du « nous ne vous parlerons jamais si vous gardez votre bombe nucléaire », les États-Unis entreront dans ce que M. Baker appelle « une stratégie de confinement à long terme ». Baker souligne, toutefois, qu'il y a tout de même « beaucoup de place pour le dialogue. »

Trump décidera-t-il d’entreprendre ce changement et de revenir sur des mois de tweets colériques ? Il est peu probable que quiconque sur terre – même Trump lui-même – n'en n’ait la moindre idée.

Mike Pearl est sur Twitter.