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littérature

Boris Bergmann, écrivain star à 15 ans : « j'étais un petit con... »

Propulsé star de l’édition avant d'avoir fait sa puberté, il revient avec un nouveau roman – et beaucoup de recul sur le phénomène des baby romanciers.
Photo : Charles Morin

Il n’est jamais trop tard pour expier ses pêchés. Il y a dix ans, Boris Bergmann affolait les radars du bon goût avec son look de BHL en couches culottes. Coupe de cheveux stratosphérique, chemise virginale entrouverte sur un pendentif en forme de cœur, regard charbon, foulard de soie blanche… L’écrivain tentait un cross over improbable entre Eddie Barclay et Calogero.

« Mon premier roman, je l’ai éjaculé »

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Installé dans un jardin de la Villa Médicis, Boris profite de la proximité du Vatican pour faire son aggiornamento : « J’ai arrêté les foulards et mon obsession pour le dandysme. Je suis beaucoup moins attaché aux apparences. Plus mature… mais toujours très naïf. » Moins quand même qu’à l’époque du Prix de Flore où ses 15 printemps avaient fait de lui une coqueluche médiatique, baladée de cocktails en plateaux télé. On vous parle d’un temps où les BB Brunes et les Plastiscines embuaient les Ray Ban de Philippe Manœuvre et où le premier roman de Bergmann, Viens là que je te tue ma belle (éd. Scali), racontait l’histoire d’un gamin fan de rock. Mauvais musicien, la comète underground avait décidé d’être écrivain à défaut de rockeur. « Ce premier roman, je l’ai éjaculé. J’étais un petit con mais, aujourd’hui, je me regarde avec tendresse, s’attendrit Boris se regardant lui-même. Je referais les choses exactement de la même manière. A l’époque, je pouvais être au Grand journal de Canal + et le lendemain au lycée. Très vite, on m’a encouragé à écrire la suite, mais j’ai renié ce personnage avec mon deuxième livre, 1000 Mensonges (éd. Denoël).

« Le choix d’écrire, c’est raide et pas vivable »

Barbe naissante et cheveux courts, le kid des Buttes Chaumont fait partie de la promotion 2017-2018 des quinze artistes en résidence à la Villa Médicis de Rome. Son projet d’écriture porte sur le fanatisme : « Mon roman propose une plongée dans ce thème avec trois personnages à trois époques différentes ». Après Déserteur (Calmann-Levy) qui collait aux rangers d’un soldat-hackeur engagé contre le « califat », Bergmann confirme une appétence pour le sujet. « Le fanatisme n’est pas que ce mot sombre que nous vend BFM. Il a sa part d’ombre et de lumière. » La douceur de la Ville éternelle ne l’empêche pas de se mettre la pression : « C’est mon cinquième roman. Je veux qu’il soit charnière dans mon œuvre. » Reste qu’il savoure sa chance d’avoir été sélectionné par la Villa Médicis. « Je suis payé tous les mois ! C’est une super opportunité parce que le choix d’écrire, c’est raide et pas vivable. Pour moi, c’est un métier autant qu’une nécessité ».

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Boris Bergmann et une chatte, photo : Charles Morin

Entre Déserteur et le projet romain, s’insinue un nouvel opus sorti il y a quelques jours chez Calmann-Lévy. Nage libre troque les rangers du bidasse pour le moule-burnes d’Issa, môme de Belleville à qui son ami Élie propose de devenir maître-nageur. Eveil des sens, amitié et brasse coulée, Nage libre ou le portrait d’adultes tout juste sortis de la glaise, comme toujours avec Bergmann. « C’est un roman du corps et de la sensation, décrit son auteur en quittant les jardins de la villa Médicis où ça commence à meuler. Mon personnage vient d’un Paris un peu ghetto, populaire, sale et s’en libère grâce à la nage. » Un Paname qu’il connaît bien : « Je suis né dans le XIXe arrondissement et ma mère y habite encore. Elie est inspiré d’un ami à moi dont la mère s’est maquée à un Loubavitch ». Mais pourquoi affubler son héros d’un slip de bain ? « J’aime la natation. Elle m’a beaucoup aidé suite à une rupture qui m’empêchait d’écrire il y a quelques années. »

« J'ai été élevé au milieu des pédés, dans un quartier popu »

Résumons : un succès littéraire et mondain, quatre romans, une rupture, du poil au menton… À 25 ans, Boris affiche des temps de passage au-dessus de la moyenne pour un bipède de sa catégorie. Mais, justement, dans quelle catégorie boxe-t-il ? « Ma mère, c’est le vilain petit canard de sa famille bourgeoise. Elle a quitté ce milieu pour travailler dans la lutte contre le sida. J’ai été élevé au milieu des pédés, dans un quartier populaire. » Quand il étudie à Sciences Po – où il s’est inscrit pour faire plaisir à maman – il se retrouve à récurer les chiottes d’une brasserie chicos pour payer ses frais. « Ça me donnait la rage contre les gars qui étaient avec moi en cours et qui ne l’avaient sûrement jamais fait. »
Pour son stage de fin d’année, l’énervé refuse New York et choisit la Caroline du Nord. Fuyant le campus, il s’isole quatre mois dans une cabane au milieu d’une forêt. Quand il la quitte, Déserteur a fait son nid dans le disque dur de son ordinateur. « On a tous en nous l’appel de la forêt. Le fait d’avoir réussi à être face à moi-même m’a rendu heureux et fier. Je pensais revenir dès la première semaine. Là-bas, je ne prenais ni alcool, ni drogue et je nageais tous les jours. »

Le Lautréamont sous Biactol transformé en Diogène des rednecks ? Vous n’avez encore rien vu. Ces dernières années, Boris est allé au Maroc pour enseigner la littérature et le français. Au printemps prochain, il sera au Cameroun, pour la semaine de la francophonie au lycée français de Douala. « Mon année à Rome se terminera en septembre. Après, j’ai envie d’aller dans le désert, de voyager, d’écrire. Je n’ai pas de gosse, pas de prêt immobilier : c’est le moment. » En attendant, ce fan du PSG et des disques vinyles peste contre cette époque déglinguée par les réseaux sociaux. « C’est la vie par procuration. Aujourd’hui, je me suis libéré de ce culte de l’image mais, si j’avais leur âge, je ferais sûrement pareil. J’ai vu les débuts de ça avec MySpace et MSN… Il faut imposer la lecture. » Pour un peu, on le traiterait de vieux con.

Boris Bergmann, Nage Libre, Calmann-Lévy, 312 pages.