Chez Gzzoum-portrait du sandwich
Photos: Thérèse Di Campo pour VICE FR
Casablanca

Le « Gzzoum » a envahi Casablanca

Inventé par une famille berbère, ce sandwich au thon est devenu le casse-croûte le plus populaire de la ville.

Parmi les classiques de la street food casablancaise, il y a le célèbre chawarma ou l’indémodable omelette de la laiterie du coin. Et puis il y a aussi le « Gzzoum ». Moins connu mais non moins omniprésent. Son concept est très simple : du pain, du thon, des olives, des oignons et de la harissa. Une base à laquelle la nouvelle génération ajoute parfois du fromage ainsi qu’un peu de ketchup et de la mayonnaise.

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Impossible de passer à côté de ce sandwich au thon bon marché vendu aux quatre coins de la capitale économique du Maroc. Du petit stand ambulant dans les quartiers populaires aux fast-foods spécialisés dans le sandwich au thon au centre-ville, le « Gzzoum » est dans toutes les bouches.

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Chez Wasskr, l’un des nombreux snacks du quartier Mers Sultan, les clients arrivent sans discontinuer. Deux serveurs souriants, charlotte sur la tête, composent des sandwichs à toute vitesse. Assis sur de hauts tabourets et adossés à un minuscule comptoir, les clients engloutissent rapidement leur sandwich avant de vaquer à leurs occupations.

« À l’origine de ce fameux sandwich au thon, il y a un homme : Gzzoum, fils d’une famille berbère originaire de la région d’Essaouira »

Hayat, une jeune étudiante casablancaise de 18 ans, avoue venir ici « presque tous les midis ». Elle prend toujours le même sandwich : thon, oignons, fromage rouge (Edam) et une pointe d’harissa. « J’adore ces sandwichs. C’est ultra rapide, frais, pas cher et vraiment bon ». Les prix sont presque imbattables. Un sandwich coûte entre 7 et 20 dirhams maximum (0,5 et 2 euros) et on peut l’accompagner d’un verre de limonade à seulement un dirham.

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Quelques mètres plus loin, un autre snack ne désemplit pas. Il s’agit de Jey Gzzoum. Derrière son petit comptoir, le serveur enchaîne les sandwichs. « On a toujours beaucoup de monde ici, se réjouit Yassine le gérant. Il y a vraiment tous les types de clients possibles : du banquier, à l’épicier voisin, en passant par les étudiants et les couples d’amoureux ».

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Un business qui marche tellement bien qu’il a décidé d’ouvrir un deuxième snack deux rues plus loin. « C’est un business beaucoup moins coûteux et contraignant que les snacks classiques », explique Yassine. En effet, nul besoin de friteuse, de barbecue ni même de frigo. Un comptoir, quelques bacs pour présenter les ingrédients et des tabourets suffisent.

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À l’origine de ce fameux sandwich au thon, il y a un homme : Gzzoum, fils d’une famille berbère originaire de la région d’Essaouira. Son snack date des années 1980 et existe toujours. Lorsqu’on grimpe dans le taxi pour s’y rendre, il nous suffit de dire son nom pour que le chauffeur nous y conduise naturellement. À Casablanca, l’homme semble presque aussi connu que son sandwich.

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Le snack se situe dans une petite rue bruyante du quartier populaire de Derb sultan. L’étroit fast-food est noir de monde et le sol recouvert de papiers poisseux. Au fond de la petite pièce carrelée, cinq serveurs s’agitent dans tous les sens.

Derrière eux, une large pancarte où on observe un vieux monsieur portant le bonnet traditionnel appelé taguiya et affichant un doux sourire. « C’est lui "Gzzoum", le vrai », nous lance Hamid son fils qui a repris la gestion des lieux à la mort de son père. Et d’ajouter, ému : « Vous auriez dû le voir, il était majestueux derrière son comptoir ».

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« Tout a commencé dans les années 1970. À l’époque, mon père vendait des livres et des sandwichs au thon devant les écoles », raconte Hamid. Voyant que les seconds se vendaient mieux que les premiers, le jeune Gzzoum décide en 1982 d’ouvrir le premier snack de sandwich au thon de Casablanca. « Au début, il n’y avait pas grand monde. Il faut imaginer qu’à l’époque, il n’y avait pas la culture du sandwich. Les gens qui voulaient manger sur le pouce, allez plutôt dans les laiteries », raconte Hamid.

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Ce sont les collégiens et les lycéens qui, attirés par le petit prix du sandwich (2 dirhams à l’époque), ont commencé à venir régulièrement et à parler du snack autour d’eux. Amina en faisait partie. « Je viens ici depuis plus de vingt ans. J’ai mangé mon premier Gzzoum quand j’étais en primaire et aujourd’hui je viens ici avec ma fille », s’enthousiasme-elle.

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Aujourd’hui, la célébrité de Gzzoum a dépassé les frontières de Derb Sultan. Le snack étant situé à côté de l’un des plus grands marchés de la ville, beaucoup de clients s’arrêtent ici après avoir fait leurs courses. Parmi eux, une famille avoue même être venue spécialement d’Ain Sebaâ, un quartier situé à une dizaine de kilomètres d’ici, pour déguster le fameux sandwich au thon.

« Chaque jour, il y a un ou deux snacks de sandwich au thon qui ouvre à Casablanca. Mais il faut un certain savoir-faire pour le préparer et nous seuls avons le secret » - Hamid

« On a essayé d’en goûter d’autres, mais celui-là reste le meilleur. Alors, quand on en a envie, on fait le déplacement », s’amuse le père de famille, son nouveau-né dans les bras. Hamid, nous raconte même avoir accueilli plusieurs fois des célébrités. « Il y a eu des joueurs de foot, des acteurs… Il n’y a pas longtemps, l’acteur Saïd Taghmaoui est venu. Il adore notre sandwich ! ».

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« Dans les années 2000, beaucoup de snacks de sandwich au thon ont ouvert à Casablanca. D’anciens employés de chez nous avaient le savoir-faire et sont allés travailler chez les concurrents », explique Hamid. D’ailleurs, presque tous les commerçants de la rue se sont lancés dans le même business que leur célèbre voisin. « Là-bas, le Snack Abdellah appartient à mon oncle. Les restaurants Wasskr sont aussi des membres de notre famille », s’amuse Hamid en nous montrant du doigt les différentes enseignes.

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D’autres snacks, en revanche, se sont approprié le nom de Gzzoum sans demander la permission à ses descendants. « Je suis actuellement en procès avec six personnes pour cette raison. Je suis choqué que des gens osent utiliser mon nom de famille et la figure de mon père sans se poser aucune question. C’est vraiment irrespectueux », s’agace-t-il.

Une bataille judiciaire qui lui coûte cher – en argent et en énergie – mais qui ne lui fait pas peur : « Chaque jour, il y a un ou deux snacks de sandwich au thon qui ouvre à Casablanca, c’est vraiment la mode. Mais tout le monde ne peut pas faire ce sandwich. Il faut un certain savoir-faire, dont nous seuls avons le secret », conclut Hamid, fièrement, en balayant du regard son snack plein à craquer.

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