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À la gloire du Porto, le vin portugais qui ne se boit pas qu’à l’apéro

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La cave de chez Portologia et sa collection de vin de Porto. Toutes les photos sont de Léo Bourdin.

« On a surtout l’image de Jeanne Calment qui buvait son petit calice de porto avec son carré de chocolat tous les jours, jusqu’à ses 122 ans… » Julien Dos Santos lève les yeux au ciel, entouré de centaines de bouteilles de porto de toutes les couleurs.

Et il a plutôt raison.

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À l’occasion d’un repas de noel, d’un « apéritif » chez les grands-parents, ou lors d’un repas interminable à base de dinde sèche et de cousins énervants : c’est généralement là qu’intervient dans votre vie le premier verre de porto. Il était rouge foncé, ambré, on y sentait les raisins de Corinthe.

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Une bouteille de Porto blanc Very Old (80 ans), domaine Quinta das Lamelas, une bouteille de Porto Tawny Very Old (60 ans) et une bouteille de Porto Tawny Very Old (100 ans) de chez Quinta do Mourão.

Et puis, plus rien, pendant longtemps. Le porto restait dans les souvenirs comme l’alcool des grandes occasions, celles qui trainent en longueur : une bouteille poussiéreuse – le Porto n’est jamais trop vieux, il reste buvable ad vitam eternam – sortie par mamie à Pâques pour aller avec le chocolat. Mais ça, c’était avant. Car le Porto, ou « vin de Porto » comme on devrait plutôt dire (comme on dit « vin de Bordeaux » et pas « Bordeaux » – à moins d’être pote avec tout le Médoc), effectue un retour de hype savamment orchestré par les grands pontes du genre.

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Car jusqu’à présent, les Français avaient tendance à beaucoup trop associer la boisson à l’unique marque Porto Cruz – « la seule qui s’est réellement implantée au marché français », nous explique Julien Dos Santos. « Quand on achète une bouteille à 6 euros, il ne faut pas s’attendre à un grand vin », poursuit notre expert et patron de Portologia, le seul bar spécialisé de Paris. S’il admet que le prix d’une bonne bouteille a souvent pu freiner certains consommateurs, et en particulier les plus jeunes, il nous jure que c’est désormais de l’histoire ancienne. Le jeune d’aujourd’hui recherche maintenant la qualité.

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Porto revival 2-1 Les vignes qui font le Porto poussent dans les vignobles de la vallée du Douro.

« La France est le premier marché importateur de Porto dans le monde, précise Adrian Bridge, cet anglais installé au Portugal et CEO du groupe qui détient Taylor’s et Croft. Jusqu’à présent, le marché était dominé par le Porto bas de gamme que l’on vend en grandes surfaces. Mais aujourd’hui, la tendance s’inverse et on essaie plutôt d’éduquer le public à la grande variété des vins de Porto. En ce sens, le fait que les Français associent traditionnellement le vin avec le fromage nous aide beaucoup ». Résultat : dès 2010, le marché évolue et 32 millions de bouteilles sont exportées en France. Au cours du premier trimestre 2016, les expéditions de Porto vers l’Hexagone représentaient 25,5 % du marché total, pour un chiffre d’affaires de 23 millions d’euros.

Flashback 1667. Colbert, premier ministre de Louis XIV, freine les importations de denrées anglaises : Charles II d’Angleterre riposte en cessant toute importation de vin français. Très bien mais que vont boire les Anglais ? Du vin de la vallée du Douro, à 70 km de Porto : de longs vignobles verdoyants qui s’étendent sur les côtes du fleuve. Les Anglais en remplissent des barques entières, direction Londres, mais s’aperçoivent vite que le vin tourne pendant la traversée. Faisant preuve d’une subtilité toute britannique, les marchands ajoutent de l’eau-de-vie dans les bouteilles et c’est comme ça que, ni vu ni connu, le vin fortifié est né.

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Julien Dos Santos, patron de chez Portologia.

Aujourd’hui, il existe quatre variétés de Porto. Julien Dos Santos se lève et attrape quelques bouteilles : « Il y a le blanc, qui existe en extra-sec, sec, demi-sec, doux et extra-doux – ce sont les plus complexes –, il y a les fine qui sont des 3 ans d’âge, puis des réserves, minimums 7 ans d’âge et ensuite les 10, 20, 30 ou 40 ans. En rouge, il y a le Towny, ambré, avec des arômes de fruits sec, de fruits confits, et puis le Ruby, d’un rouge très intense, plus fruits des bois. Et puis, depuis une dizaine d’années, le rosé ».

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De gauche à droite : un Porto Ruby LBV 2011 (Quinta das Lamelas), un Porto Tawny 10 ans (Bulas), un Porto Blanc 10 ans doux (Quinta do Mourão) et un Porto rosé (Quinta santa eufemia).

Le rosé ? Parlons-en. « Il permet la consommation de porto en dehors d’occasions formelles, précise Adrian Bridge, très fier de son produit phare, le Croft Pink. C’est une nouvelle technique d’extraction de la fraîcheur du fruit – ça donne un goût subtil rafraîchissant et une jolie couleur rose ». Julien, qui vend aussi du rosé chez Portologia, reste clair sur cette innovation : « C’est purement une invention marketing : ils ont voulu bosser le côté image, viser les jeunes, rajeunir le consommateur et suivre la mode du rosé en France. C’est agréable l’été au bord de la piscine, éventuellement avec des sushis, mais ça se limite un peu à ça. »

C’est surtout l’augmentation du tourisme au Portugal qui a provoqué la mode des vins de Porto […] Les jeunes européens découvrent un nouveau vin et quand ils rentrent à Paris, ils ont envie de s’en procurer.

C’est pourtant grâce à toute la publicité faite autour de cette nouvelle gamme de rosé que les trentenaires lassés par la bière se sont intéressés au Porto. À Londres, la marque Churchill ouvre des pop-ups stores et engage des chefs renommés pour cuisiner des dîners autour du porto. Au Portugal, les quintas (le nom que l’on donne aux domaines viticoles qui produisent du Porto) s’ouvrent au public. Autrefois envahis par les travailleurs pauvres qui rejoignaient les montagnes tous les mois de septembre pour un mois de vendange bien lucratif, les vignobles de Cockburn, Dow ou Graham, sont aujourd’hui pris d’assaut par des millenials aux revenus confortables qui louent des Bed & Breakfast chics au milieu des vignes. Au Yeatman Hotel, le joyau d’Adrian Bridge, entre deux « Vinothérapie Spa Experience », on nage dans la piscine intérieure en admirant le fleuve et ses lumières à travers une baie vitrée XXL, avant de se concentrer sur ce à quoi tout le séjour est dédié : vous faire boire du Porto.

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Un Porto Tonic, le cocktail qui va remplacer le Spritz.

Par exemple, en se vautrant sur un transat de la terrasse avec une Caipi Porto. Ou un Porto Tonic. Ou un Porto Rosé. Qui sont tous les trois des cocktails censés mener la révolution Porto. Sur toutes les terrasses de Porto, dans les ruelles de Lisbonne, les bars de Londres, et au Portologia du Marais : voilà ce qu’on l’on servira l’été prochain. Ryan Chetiyawardana, un anglais élu meilleur barman du monde en 2015, a lui aussi bossé le sujet : du Ruby, un peu de Cointreau, un zeste de citron, une goutte de ginger ale dans un verre glacé… et le tout pour 13£ (l’équivalent de 15 euros).

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Il est 14 heures, Julien Dos Santos réajuste quelques bouteilles, du saucisson et du fromage s’étalent derrière la vitrine, les murs de bouteille patientent en attendant l’heure de l’apéro. « À 60 %, les clients qui viennent ici sont Français, raconte-t-il. Il y a ceux qui connaissent bien le sujet, et qui viennent chez nous pour découvrir des petits producteurs ou des millésimés – mais c’est surtout l’augmentation du tourisme au Portugal qui a provoqué la mode des vins de Porto. En ce moment, le Portugal est devenu tendance, et Porto est l’une des premières destinations pour les petits séjours en Europe, pour les weekends entre potes. Une fois sur place, visiter une cave, c’est un passage obligatoire. Alors, les jeunes européens découvrent un nouveau vin et quand ils rentrent à Paris, ils ont envie de s’en procurer ».

Et pour le coup, à 14 euros la bouteille, vous pourrez débarquer au prochain apéro sans rougir… et avec une petite touche de classe en plus.