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A la rencontre des geeks qui se bastonnent avec des sabres laser

Le 16 décembre dernier, sortait le nouveau Star Wars. Un film doudou pour les fans de la saga, leur permettant de replonger dans l’univers créé par George Lucas en 1977. J’ai laissé passer les mecs en cosplay des premières séances et me suis dirigé quelques jours plus tard vers mon cinéma préféré, le Max Linder, dans le 9e arrondissement de Paris. Quelle ne fut pas ma surprise d’entendre dans la longue file d’attente, que la veille, des démonstrations de sabres laser, avaient été effectuées dans le cinoche ! Après les deux heures de purge de J.J. Abrams, je me suis empressé de contacter ces génies qui ont comblé le fantasme de nombreux geeks de France. Se bastonner avec des sabres laser.

Rendez-vous est pris, à 20h45 sous le pont Charles-de-Gaulle, au pied de la Cité de la Mode et du Design. Quand je remonte le quai de Seine, il fait déjà la même température que sur Hoth, la planète enneigée de L’Empire contre-attaque. Au loin, dans la pénombre, un petit groupe discute. Soudain, chacun se disperse et commence à courir. L’échauffement vient de démarrer quand Ludovic m’accueille. Le jeune homme de 32 ans, agent de sécurité dans le luxe, a troqué son costard pour une tunique noire et sa ceinture marron d’instructeur.

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Les élèves, ou “apprentis”, portent juste un pantalon de combat et sont emmitouflés dans leurs sweats de sport et leurs gants de protection. « Il fait un peu froid, mais on n’a pas le choix, précise Ludovic. On est allé voir les gymnases privés, quelques mois avant l’ouverture, ils ont rigolé. Tout est complet jusqu’en 2017. Le mardi, c’est sous le pont et le dimanche, grâce à la mairie du 1er, au chaud dans un gymnase à Châtelet. On a une quarantaine d’inscrits, mais on attend d’avoir un lieu d’entraînement définitif pour encore nous agrandir. »

Le LudoSport est apparu en 2006 en Italie. Trois amis fans de Star Wars, geeks sur les bords et avec leur background martial, se sont demandé s’ils pouvaient faire quelque chose avec les sabres laser. En étudiant l’univers autour de la saga cinématographique, ils se sont rendu compte qu’il y avait une vraie mythologie. « L’inspiration vient aussi des techniques de Nick Gillard (chorégraphe des Star Wars, qui a mélangé le chanbara, le kendo avec de l’escrime médiévale, ndlr) et avec l’aide des bouquins de l’univers étendu, ils ont codifié la chose pour créer un sport de combat à part entière », justifie Ludovic. En regardant les élèves continuer leurs pas chassés, je taquine l’instructeur : « Donc le LudoSport c’est vraiment un sport, sérieux ? »

Sourire aux lèvres, il me rétorque : « Absolument, c’est quoi la définition d’un sport ? Pour faire rapide, c’est deux personnes qui s’opposent avec des règles. Les échecs sont un sport. Ici aussi, on est dans la progression, avec aussi de l’affrontement. C’est pour ça qu’il y a quelques protections comme des gants et une coquille pour les mecs. Mais on encourage plus le contrôle, pas de faire les bourrins. »

Les élèves ont maintenant sorti leurs sabres des sacs de sport. Ils commencent à s’aligner sur deux rangées. Pas un mot dans les rangs. Les sabres s’allument un à un et résonnent sous le pont. Les couleurs bleues des armes réfléchissent jusqu’au plafond en tôle du pont, qui ressemble étrangement au ventre d’un croiseur interstellaire de l’Empire. Angela me rejoint, pendant que son compagnon reprend le cours. Elle est cofondatrice et aussi instructrice. Avec Ludovic, ils sont adeptes des arts martiaux, de l’art du déplacement et de l’univers Star Wars. Quand ils apprennent l’existence de ce sport, ils n’hésitent pas un instant à contacter les créateurs, pour ouvrir la branche française. Diplôme d’instructeur en poche depuis l’été 2015, après 10 jours d’épreuves dans la maison mère à Milan, l’école a ainsi pu ouvrir dès septembre.

Avec son accent australien, Angela m’explique le déroulement d’un entraînement : « On commence par un réchauffement musculaire léger, car certains ici ne font jamais de sport. On n’est pas dans la perf, mais dans une première approche. Vient ensuite une partie technique, où l’on travaille des enchaînements d’attaque, de défense, de distance ou de timing. Puis on finit par une partie sparring, comme dans n’importe quel sport de combat. Mais on reste dans le ludique et le respect »

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En effet les combats sont entièrement basés sur le fair-play. Tout se joue à la touche. Le bas du corps, les parties sous les coudes, sabre compris, et sous les genoux valent un HI. Une touche non mortelle. Les autres parties, y compris le dessus de la tête mais pas le visage valent un HO, une touche mortelle. Le match se déroule en trois HO.

« Mais la différence ici, reprend Angela, c’est que les arbitres ne sont que des référents. C’est toi qui déclares quand t’es touché. D’où les notions importantes de Jedi et Sith (le côté obscur). Le camp des Jedi est plus dans le fair-play et le respect de l’adversaire. Les Sith, eux, seront plus vers la gagne et vont chercher les points. La progression est un autre élément important du LudoSport. On commence apprenti novice, puis initié, Padawan, Jedi ou Sith, Chevalier/Guerrier, et enfin Maître/Seigneur. Chaque combattant pourra aussi choisir son parmi les sept types de maniement du sabre. »

Les sabres, parlons-en. Les apprentis sont maintenant deux par deux et travaillent plusieurs techniques. « Les armes ont été développées pour le LudoSport, par les pratiquants, m’annonce Ludovic. La marque Lamadiluce (sabre laser en italien, ndlr) a créé d’authentiques objets de combat. Ce ne sont plus des répliques en plastique qui pètent après deux chocs. Maintenant ce sont des lames en polycarbonate, du verre pare-balles, et flexible pour éviter les blessures. Ils sont rétro éclairés, la couleur évoluant selon les camps choisis, et, très important, ils sont sonorisés. Le son est crucial, car on fait des exercices les yeux fermés. » Exactement comme de vrais Jedis.

Entre deux coups échangés j’ai le temps de parler avec Vincent, 23 ans et chef d’entreprise. « J’ai commencé dès l’ouverture de l’académie, après avoir découvert ça sur Facebook. Quand on est gamin, on a tous le fantasme de se taper dessus au sabre laser. Le côté combat est vachement fun, avec la poussée d’adrénaline qui va avec. En plus, je viens de devenir Padawan, et j’ai été formé instructeur. Mais bon, pour moi l’aspect art martial ce n’est pas trop mon truc, mais le reste du clan adore. Je suis beaucoup moins dans le délire de la « Force » que les autres aussi. Parfois les discussions entre nous sont assez bizarres. On est une bande de geeks, mais certains sont plus accros que d’autres. Mais pas besoin d’être à fond Star Wars, au LudoSport on est là pour se faire plaisir »

La geekitude est confirmée par Timothée, qui, après avoir entendu notre conversation m’annonce fièrement : « Moi l’épisode VII je l’ai déjà vu 5 fois ». Tout le monde se marre, avant de se faire recadrer par les instructeurs. « C’est ce côté-là que j’aime bien aussi, on est là pour se marrer, mais ça reste une discipline , m’annonce discrètement Élodie, 23 ans, qui bosse dans la pharmaceutique. A la base moi, je fais des arts martiaux. Du kung-fu, du Tai-Jitsu Do et de l’escrime médiévale. Vu que je suis une grosse fan de Star Wars, ça me permet de combiner le côté martial, et un univers que j’aime. Faut être honnête on est toujours contents d’allumer son arme. Je songe à faire du cosplay du coup, pour prolonger le port du sabre. M’habiller en Marajade, la femme de Luke Skywalker. Une Sith devenue Jedi, me dit-elle, un peu gênée, en souriant. Oui bon OK, je suis un peu trop fan, je sais. »

Notre conversation est coupée quand arrive la dernière phase de l’entraînement. Un grand cercle se forme et deux par deux les apprentis s’entraînent au duel. Angela m’explique : « Les duels sont très encadrés. Les élèves peuvent se défier à tout moment par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne. Ils définissent une heure, un lieu, des règles et commencent leur combat. Après l’affrontement, les résultats sont validés par les deux camps sur le site, ce qui améliore leurs expériences. Trois points pour le vainqueur, et un pour le perdant. Il y a un classement international des combattants et chacun évolue grâce aux points gagnés dans les duels et les tournois. »

L’entraînement touche bientôt à sa fin. Ils se réunissent en groupe, pour échanger un dernier cri de rassemblement et éteindre leurs sabres. Élodie revient vers moi : « Parfois c’est délicat dire que je fais du LudoSport, les gens ne comprennent pas forcément le côté sérieux de la chose. Faut prendre le temps d’expliquer. Ils pensent qu’on s’amuse avec des jouets, il faut leur faire comprendre que ce sont des vrais sabres et qu’on donne des coups avec. »

Ludovic et Angela rangent dans un sac de golf, non pas des fers 7 ou des bois 5, mais les sabres de combats prêtés pour ce soir. « L’avenir pour le LudoSport c’est son expansion, ouvrir plusieurs écoles en France. Tout cela est bien parti puisque des académies s’ouvrent dans toute l’Europe, l’Angleterre, l’Irlande, la Suède, la Russie, la Belgique, l’Espagne, puis à San Francisco depuis le 30 janvier », annonce fièrement Angela. Quand on leur pose la question d’une possible reconnaissance par l’Etat, Ludovic prend le relais. « C’est une association loi de 1901, ça suffit. On n’a pas besoin d’être reconnus. Ça ne servira à rien. »

La seule chose reconnaissable dans tout cela est bien le cumul des passions de ses pratiquants. Peu de sports peuvent se vanter d’une telle hybridité entre rêverie de gamin et performances sportives. Le LudoSport a devant lui un bel avenir, vu le nombre de mecs que je connais, qui rêvent en secret, de se foutre sur la gueule avec des sabres éclairés. Sortez du placard les gars, c’est bon.