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À la rencontre des partisans de la théorie de l’univers électrique

Ils se sont trouvé un nom : le Projet Tonnerre.

Ils souscrivent à une théorie que l’on appelle la « théorie de l’univers électrique, » et affirment parfois qu’ils ont acquis « les yeux de l’Univers Électrique. » Comme s’ils avaient soudain enfilé une paire de lunettes teintées, leur perception de l’univers a été transformée. Les objets et les événements n’ont pas changé de nature. Mais désormais, ils connaissent la vérité. Et selon la théorie UE, la vérité, c’est que dans notre univers, l’électricité gouverne tous les phénomènes.

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Le courant électrique qui circule le long des filaments de plasma forme et anime les galaxies. Ce courant passe dans les étoiles, les faisant briller comme des ampoules électriques. L’électricité et à l’origine de la formation des planètes. Les cratères que l’on trouve parfois à leur surface proviennent des arcs électriques qui, comme des éclairs, impriment des formes variées sur les sols.

Les trous noirs n’existent pas, pas plus que la manière noire. L’énergie noire ? Qu’est-ce que c’est ?

Le Big Bang ne s’est jamais produit.

La théorie de la relativité générale d’Einstein n’est qu’une vaste plaisanterie.

L’électricité peut expliquer l’ensemble des phénomènes cosmiques d’une manière bien plus satisfaisante que les théories que nous possédons déjà.

« L’histoire du cosmos que vous vendent les médias est une pure fiction, » explique Wallace Thornhill, l’un des fondateurs du Projet Tonnerre.

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Le concept d’univers électrique n’a pas les prérequis nécessaires pour satisfaire la définition de « théorie » utilisée par l’Académie des Sciences américaine, à savoir « une explication claire et approfondie d’un aspect de la nature, appuyée par une collection de preuves satisfaisantes » qui puisse « être utilisée pour faire des prédictions sur des phénomènes et événements naturels qui n’ont pas encore été observés. »

En physique, les théories doivent s’appuyer sur les mathématiques. Elles contribuent à la démarche qui consiste à prédire, collecter des preuves, vérifier, falsifier, ou appuyer la théorie. Mais la théorie UE n’est pas très portée sur les mathématiques. En réalité, Thornhill pense que « les mathématiques n’ont rien à faire avec la physique. » Si cette assertion a de quoi invalider sa théorie par principe auprès des astronomes « traditionnels, » à l’inverse, elle a séduit les individus qui, aujourd’hui, adhèrent à une vision électrique du monde.

“They don’t blind you with science,” said Rasjid Smith, who learned EU theory from YouTube. “It is understandable to a capable schoolchild.”

L’idée que des personnes marginales puissent révolutionner la physique tout en étant compris par les autres marginaux est, pour lui, extrêmement puissante.

« Il semble que les mécanismes psychologiques qui poussent des individus à s’impliquer dans le mouvement soient toujours les mêmes. »

« Le peuple, c’est-à-dire le bricoleur du dimanche, l’ingénieur, le technicien et le philosophe, se sont réappropriés la science, » explique Thornhill à Motherboard.

« Les gens me disent que l’UE a changé leur vie, parce qu’enfin, tout fait sens pour eux, » explique-t-il. « Parce que c’est une vraie cosmologie, que tout le monde peut y trouver son compte, universitaire, artiste, ingénieur, ou monsieur tout le monde. »

Pourtant, l’UE s’oppose diamétralement à tout ce que la science moderne nous dit sur l’univers.

« Au milieu, l’univers électrique est une solution qui n’a pas trouvé son problème ; il cherche à expliquer des choses que nous comprenons déjà très bien grâce à la gravité, au plasma, à la physique nucléaire, » explique l’astronome Phil Plait, qui tient le blog Bad Astronomy chez Slate. « Au pire, c’est une escroquerie éhontée comme l’homéopathie, l’astrologie, qui avance des choses clairement contredites par les faits. »

Pourtant, l’univers électrique parvient à inspirer la ferveur dans le cœur des uns et des autres, sans doute plus de ferveur que le Big Bang n’en inspirera jamais. Malgré les failles de raisonnements, les biais logiques, les propositions fallacieuses, et les faits qui contredisent ses affirmation, l’UE amasse toujours plus de disciples, allumant un feu que seuls quelques festivals de musique parviennent d’ordinaire à alimenter. La question que l’on se pose est : comment diable l’UE parvient-il à captiver les gens ?

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Thornhill a commencé à étudier l’électricité cosmique de manière obsessionnelle au lycée, quand il a lu l’ouvrage d’Immanuel Velikovsky, Worlds in Collision, publié en 1950.

Velikovsky est essentiellement connu par ses ouvrages très controversés de « mythologie comparée, » qui se réapproprient et réinterprètent l’histoire ancienne. Dans Worlds in Collision, il affirme que Jupiter a éjecté Vénus aux alentours de 1500 av. JC. Dès lors, la nouvelle planète aurait orbité à proximité de la Terre, causant toutes sortes de catastrophes. Quand Vénus est revenue dans le coin, un demi-siècle plus tard, elle a stoppé la rotation de la Terre, la plongeant dans une nuit interminable.

Les conséquences de cet événement, explique Velikovsky, ont été relatés dans les récits mythologiques de toutes les cultures, partout autour du globe. Les astrophysiciens ont fait remarquer que l’idée d’une planète Vénus sortie de Jupiter viole (entre autres), la loi de la gravitation universelle. Mais Velikovsky ne veut rien entendre. Il pense que les orbites ne sont pas un effet de la gravité, mais de l’énergie électrique.

Quand le jeune Thornhill a lu Velikovsky pour la première fois, il a vu en lui un esprit empreint de sagesse et de discernement. Voilà, se disait-il, un scientifique qui n’a pas peur de passer pour un hérétique auprès de ses pairs. Après avoir étudié la physique et l’électronique à l’Université de Melbourne, Thornhill a brièvement mené des recherches sur les couches supérieures de l’atmosphère chez IBM, puis, lui aussi, s’est identifié comme un hérétique. C’était bien avant qu’il quitte le monde scientifique.

Il n’a jamais oublié Velikovsky. Au début des années 1970, Thornhill a entendu parler d’un magazine appelé Pulsate : 10 numéros, tous consacrés à son héros de jeunesse. Il était écrit par deux frères, Steven et David Talbott, qu’il a rapidement rencontrés en compagnie de Velikovsky lui-même lors d’une conférence intitulée « Velikovsky et l’histoire récente du système solaire. » Cinq and plus tard, il se retrouvait dans la demeure de Velikovsky lui-même, à Princeton. Là-bas, Velikovsky a planté dans son esprit l’idée selon laquelle « la gravité était en lien avec la structure électrique de la matière neutre, » explique-t-il.

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Thornhill. Image: Che Saitta-Zelterman

Cette graine se développerait bientôt en un système complet appelé « la théorie de l’univers électrique » que Thornhill et David Talbott raffineront et diffuseront plus tard, gagnant des partisans dans tous les coins du monde.

Thornhill et Talbott ont officiellement commencé leur collaboration sur l’UE lors d’une autre conférence, des années plus tard. « Depuis la fac, je me suis préparé à assister ceux qui menaient le mouvement des sciences du mieux que je le pouvais, » explique Thornhill. « Puis lors de la conférence de 1994, j’ai réalisé que les leaders n’avaient aucune valeur, et que c’était à moi de mener la barque. »

En préparation de la conférence, intitulée « La violence planétaire dans l’histoire humaine, » Thornhill a passé un mois entier à dormir sur le sol du bureau de son ami. Il voulait convaincre Talbott que les anciennes images qu’il étudiait depuis un moment, des pétroglyphes qui ressemblaient aux pictogrammes que l’on trouve parfois dans les jardins d’enfants, témoignaient de la mémoire d’événements catastrophiques advenus il y a des milliers d’années. Des événements causés par le comportement du plasma.

Le plasma, croyaient-ils, imprègne tout l’univers de ses filaments. Ces filaments, à leur tour, conduisent le courant électrique, et le courant électrique dirige le cosmos. « les phénomènes electromagnétiques, la gravité, les mouvements des atomes sont des manifestations de la force électrique à des échelles différentes, » explique Thornhill en évoquant les bases de sa théorie.

Il a intitulé son intervention à la conférence « L’Univers Électrique. »

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Aujourd’hui, cette histoire ne concerne plus seulement Thornhill et Talbott. L’UE a rassemblé une communauté impressionnante de fervents qui forme désormais le Projet Tonnerre. Depuis ses débuts, le mouvement a grossi grâce à Internet.

Le site du Projet Tonnerre possède un forum de plus de 1800 participants, dont 130 en moyenne sont en ligne en même temps lors des pics de trafic. Quant à leur page Facebook, elle est suivie par 10 000 utilisateurs.

175 personnes donnent 1905 dollars par mois à la campagne Patreon du projet dédiée à la production de vidéos. Sur sa page Youtube, six documentaires ont rassemblé entre 300 000 et 1 000 000 de vues. Le groupe tient également des conférences annuelles ; en 2016, l’événement aura lieu à Mesa, en Arizona.

Le redditor NeeAnderTall, un partisan de l’UE et un habitué du subreddit Projet Tonnerre, voulait être un astronaute quand il était petit. NeeAnderTall, qui ne désire pas révéler son vrai nom, s’est abreuvé de science-fiction pendant toute sa jeunesse. Mais tandis que les années évoquées dans Space 1999 et 2001 l’Odyssée de l’Espace approchaient, sans ressembler toutefois à ce qu’il avait imaginé, sa frustration grandissait.

« Tout ce que je voulais vivre n’avait aucune chance de se réaliser avant une bonne vingtaine d’années, » explique-t-il.

Il a donc décidé de construire lui-même l’OVNI dont il avait toujours rêvé (même s’il ne croyait plus à leur existence). À la fin d’un numéro de Popular Science, il a trouvé une publicité pour un ouvrage de recherche en électrostatique qui évoquait « l’anti-gravité. » Bientôt, il suivait des cours d’astronomie et de géologie. Il donnait les réponses attendues aux examens afin d’obtenir de bonnes notes, mais il ne croyait à rien de ce qu’on lui racontait. Surtout si cela concernait la matière noire.

Un jour, en parcourant Reddit, il est tombé sur une vidéo de Thornhill et Talbott, Thunderbolts of the Gods. Il a enchainé leurs documentaires les uns après les autres, captivé. Pour lui, le mouvement UE ressemblait à « un ado hipster qui se rebelle contre l’autorité parentale et les tabous. »

Cette défiance à l’égard des conventions a également poussé Marc Royal, un producteur de musique de 47 ans résidant à Alberta (Canada), à adopter l’univers électrique. Durant les premières années de sa vie professionnelle, il se sentait prisonnier des contraintes posées par sa carrière en design graphique. Sa vraie passion, c’était la musique. Et lire des ouvrages de physique achetés chez Foyles Bookstore, à Londres. Quand il a envisagé de retourner à l’école pour en apprendre davantage sur l’univers, il a pris un rendez-vous avec un professeur afin d’obtenir quelques conseils.

« Je veux que vous laissiez tomber tous ces bouquins, je veux tout vous apprendre depuis le début, » luirétorqué le prof quand Marc Royal a évoqué son autodidactisme.

« Sur le moment, j’ai pensé ‘Oh, il veut m’endoctriner’, » explique Royal. Ça ne lui faisait pas envie du tout.

Il a finalement décidé de continuer à étudier en solo. Peu après, il découvrait qu’il n’existait pas de théorie unificatrice en physique, de Théorie du Tout qui permettrait d’expliquer tous les phénomènes grâce à une unique grille de lecture. Sa propre théorie du Tout a alors germé : « La plupart des phénomènes peuvent être expliqués par l’électricité. » Ce n’est que plus tard qu’il a découvert la doctrine officielle de l’UE, ainsi que le Projet Tonnerre.

Royal traine toujours sur le forum du Projet Tonnerre, mais il ne s’y exprime plus. Il ne trouve trop négatif. Les sections commentaires du forum sont désormais remplies d’attaques ad hominem et d’invectives à l’encontre de la physique traditionnelle et des sceptiques. Selon lui, le Projet Tonnerre devrait rester plus humble.

« Ils devraient d’abord élaborer des modèles mathématiques solides pour appuyer leur théorie, et publier leurs articles dans des revues à comité de lecture, » dit-il.

Pourtant, les « gardiens officiels » de l’astronomie ou « la NASA » estiment que la théorie de l’UE ne mérite même pas d’être falsifiée.

« Nous savons que les étoiles produisent de l’énergie grâce à la fusion nucléaire, et non grâce à de prétendus jets de plasma. Nous savons que les cratères se forment suite aux impacts d’astéroïdes, pas à cause d’immenses arcs électriques. Nous sommes certains que la relativité générale et la relativité restreinte fonctionnent, » explique Plait, qui a frayé quelques fois avec des partisans de l’UE. « De ce que j’en ai vu, la plupart des assertions de l’UE sont complètement dingues. C’est la raison pour laquelle les astronomes les ignorent. Il n’existe aucune preuve en faveur de ce qu’ils avancent, seulement des tonnes de preuves qui les contredisent. Enfin, leurs idées sont totalement spéculatives. Ils n’ont aucune donnée physique et aucun modèle mathématique sur lesquels s’appuyer. »

Le mouvement UE ne se risque pas à faire des prédictions. Il ne possède pas de cadre unifié, n’est pas sous-tendu par des lois mathématiques. Sa physique se résume à affirmer que « tout est électrique. » Il n’a jamais cherché à infirmer ou confirmer ses hypothèses à l’aide de preuves empiriques. Où sont ces fameux arcs électriques, dans l’espace ? D’où peut bien venir leur énergie ?

Il est difficile de pointer toutes les failles de la théorie de l’UE : elles sont innombrables. (En voici quelques unes néanmoins). Ses défenseurs sont des adeptes du cherry-picking, et n’hésitent pas à utiliser des anecdotes pour élaborer des énoncés extrêmement généraux sur les étoiles, la forme des cratères, la naissance des galaxies, etc. Leur représentation de l’univers n’est pas assez détaillée pour pouvoir unifier tous les phénomènes connus et appliquer leurs connaissances à des phénomènes nouveaux.

Le Projet Tonnerre déteste les termes qu’utilisent désormais les astronomes modernes : énergie noire, matière noire. Pour eux, ce sont des cache-misère qui leur servent à décrire des observations qu’ils n’arrivent pas à expliquer.

« Quand j’y repense, je n’arrive pas à réaliser que j’ai pu être aussi stupide, » dit-il. « J’ai profondément honte d’avoir passé autant de temps à écouter les élucubrations de Thornhill. »

À présent, il essaie de provoquer la même prise de conscience sur le forum de la communauté, un effort qui, selon lui, constitue un travail à part entière.

« Je viens juste de convaincre quelqu’un, » claironne-t-il, m’envoyant un lien vers deux posts récents. « Défanatiser quelqu’un me procure la même joie que d’attraper un poisson. »

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L’astrophysique a laissé beaucoup de gens sur le bord de la route. Ses concepts, par définition, sont très abstraits. Personne, parmi nous, ne caracolera jamais à proximité d’un trou noir, quoi qu’en disent les scénaristes d’Interstellar. Nous ne nous trouverons jamais dans la salle d’accouchement cosmique lorsqu’une jeune planète se mettra en orbite pour la première fois. En-dehors de quelques échantillons du système solaire visibles à l’aide d’une paire de jumelles ou d’une lunette astronomique, le commun des mortels n’aura jamais le moindre contact avec l’espace. Tout ce que nous percevons de lui, ce sont des photos. Nous possédons la preuve immatérielle que des photons ont un jour frappé la lentille d’un télescope, et c’est tout. Enfin, les calculs qui permettent de faire des prédictions sur le cosmos et de l’expliquer sont inaccessibles à la plupart d’entre nous.

« Le langage de la physique moderne est dépourvu de sens : espace-temps, action à distance, non-localité, énergie noire, matière noire, trou noir, » explique Thornhill.

Sans la preuve que ces concepts décrivent quelque chose de tangible, les partisans de l’UE ont la sensation que les scientifiques leur disent « Faites-nous confiance. » La réponse classique de l’individu dissident sera alors : « Non, désolé. »

Susan Schirott, la présidente du T-Bolts Group, Inc., est aussi chargée des événements, directrice de la communication et attachée à la coordination des bénévoles ; elle pense que même si les membres de la communauté sont très différents les uns des autres, « leur mentalité est toujours la même. Elle les pousse à la dissidence. » En l’occurrence, ils partagent un manque de confiance certain à l’encontre des autorités scientifiques, qui les déçoivent d’autant plus qu’ils s’intéressent à des sujets scientifiques. Le genre de déception que l’on peut ressentir lorsqu’on réalise que notre père est un type comme les autres.

« Quand vous êtes gamin, vous avez le sentiment que les scientifiques sont ces personnes à l’esprit hors du commun, à l’intelligence supérieure. Des gens extrêmement respectables qui ne se laissent pas entrainer par leurs propres biais, qui sont toujours prêts à avouer qu’ils se sont trompés, et qui accepteront la critique avec joie si celle-ci leur permet d’avancer sur le chemin de la vérité, » explique un membre de l’UE souhaitant rester anonyme. « Puis vous grandissez et vous réalisez que, scientifiques ou non, la plupart des gens sont moyens, sans intérêt. »

Dans ces conditions dira le dissident, pourquoi devrions-nous adhérer au récit classique de la cosmologie ?

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Image: Che Saitta-Zelterman

« L’histoire nous montre que la plupart des idées nouvelles sont d’abord accueillies avec scepticisme, voire rejetées vigoureusement avant de gagner des adhérents. À un moment ou à un autre, ces idées seront intégrées au corpus de l’orthodoxie scientifique, » affirme Miguel, qui a croisé l’UE en contribuant au site The Daily Grail, qui explore « des connaissances à la marge des sciences naturelles et des sciences historiques. »

D’une certaine manière, il a raison. L’idée que la Terre tourne autour du Soleil, et non l’inverse, a été méprisée pendant très longtemps. Avant que les idées révolutionnaires soient considérées comme révolutionnaires, elles sont simplement marginales.

Le problème, c’est que la plupart des idées marginales ne sont pas révolutionnaires du tout, et ne seront jamais adoptées par le plus grand nombre. Elles sont fausses, tout simplement. Qu’il s’agisse de pseudoscience ou simplement de science de mauvaise qualité, les théories non orthodoxes ne sont pas toujours anecdotiques. Elles peuvent être dangereuses.

Le fait de nier la réalité du changement climatique paralyse les efforts que nous pourrions déployer en terme de politique environnementale. Les mouvements anti-vaccination provoquent des épidémies de rougeole. L’hystérie anti-OGM prive des enfants de riz riche en nutriments. La théorie de l’univers électrique ne fait de mal à personne pour le moment, mais le fait que ses partisans dépensent leur énergie à lire des balivernes n’en est pas moins regrettable. Il suffirait qu’ils orientent leur scepticisme vers leurs propres croyances.

Toutes les personnes que j’ai interviewées pour cet article était des gens spirituels, curieux, et sceptiques. Ils passent le plus clair de leur temps à lire, à s’intéresser à des choses nouvelles. Ils n’acceptent pas qu’on leur livre des connaissances toutes prêtes, ils veulent enquêter par eux-mêmes. Ce sont des choses que nous pouvons comprendre, et que nous valorisons par ailleurs. Il se trouve que j’adore le concept d’énergie noire. J’aime aussi les données solides. Mais quand un scientifique dit « contentez-vous de me faire confiance, » c’est le boulot d’un autre scientifique (ou d’un journaliste scientifique) de dire : « Non, désolé. » Puis de creuser le sujet, comme le font les partisans de l’UE.

Les gens veulent comprendre l’univers par eux-mêmes. Les observatoires reçoivent régulièrement des lettres d’individus persuadés d’avoir falsifié les théories d’Einstein, la théorie du Big Bang, ou d’avoir dîné en compagnie d’extraterrestres. Le livre No One May Ever Have This Knowledge Again est une collection de lettres de ce genre reçues le siècle dernier à l’Observatoire du Mont Wilson, à Pasadena en Californie. Le titre provient d’une lettre d’Alice May Williams, d’Auckland, qui écrit : « Je pense que je possède des connaissances qui pourraient vous êtres utiles. Si je meurs, mon savoir mourra avec moi, et l’humanité en sera privée à tout jamais. »

L’univers que vous décrivez est aussi le mien semblent dire les autres lettres, ainsi que les membres de l’UE. Et moi aussi, j’ai des choses à dire à son sujet.

Quand Thornhill parle à ses disciplines dans une vidéo Youtube censée expliquer ce à côté de quoi passe la NASA en utilisant un grille-pain, ils le croient sur parole. Ils se connectent à Thunderbolts.info et regardent le documentaire Thunderbolts of the Gods en entier.

Dans le film, Thornhill raconte que « la cosmologie moderne nous donne une vision de l’univers qui n’est pas en phase avec la réalité. Nous nous retrouvons isolés, déconnectés de lui. L’univers électrique, lui, nous offre des perspectives complètement différentes. » À travers les yeux de l’UE, la Terre est toujours une minuscule tache bleue dans un univers infini. Mais les arcs de plasma relient cette minuscule tache bleue à l’ensemble du cosmos, à des milliards de territoires inconnus. À tous ces endroits que nous ne pourrons jamais voir de nos propres yeux.

Les arcs relient également les adeptes de l’UE les uns aux autres. Comme beaucoup de convertis à un mouvement alternatif, ils ont besoin de se toucher, de se sentir afin que le courant électrique puisse circuler à travers eux. Le problème, c’est que rien ne les relie à la terre.

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