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Musique

BIG | BRAVE et l’espace entre les sons

Le trio nous explique l’importance du silence quand on fait de la musique lourde.
Photo: Pascha Marrow

Depuis ses débuts en 2012, Big Brave est passé d'un folk minimal à un rock exploratoire de longue durée capable d'une majestueuse lourdeur, de vrombissements cathartiques et de silences qui guettent. Après Feral Verdure, un premier album sorti en 2014, Robin Wattie, Mathieu Bernard Ball et Louis-Alexandre Beauregard ont signé sous l'éminente étiquette expérimental-drone-doom métal Southern Lord pour la parution de leur deuxième, Au De La, en 2015. Après quelques tournées européennes et nord-américaines – très notamment en première partie des puissants Sunn O))) –, le groupe revient ce 15 septembre avec Ardor, un troisième LP aux nappes de distorsion davantage tangibles et immuables, sur lequel on retrouve Jessica Moss (Silver Mt. Zion) au violon et Thierry Amar (Godspeed You! Black Emperor) à la contrebasse.

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VICE a rencontré le trio pour jaser du rayonnement depuis Au De La, de la mise en œuvre de Ardor, de ce que cache le silence et de comment ça sourit, des gens, avec une musique aussi lourde, sombre et cathartique.

VICE : Au départ, Big Brave était un projet de folk minimal; comment s'est opérée la transition vers le rock vaste et cathartique que vous élaborez depuis Feral Verdure ?
Robin Wattie : Mathieu a cassé ma guitare acoustique.
Mathieu Bernard Ball : Par accident! Aussi, on pratiquait dans le sous-sol de notre appart et, même si on jouait sans ampli, nos voisins se plaignaient du bruit. Donc on s'est trouvé un local, ce qui nous a permis de jouer plus fort.
Louis-Alexandre Beauregard : Dans cette même période là, à un show, j'avais oublié mes balais pour jouer de la batterie. Y a fallu que j'utilise des baguettes.
M. B. B. : Tous ces facteurs-là ont fait qu'on a commencé à faire quelque chose de plus lourd. Vous avez lancé votre premier album Feral Verdure de façon indépendante en 2014 et, un an plus tard, votre deuxième, Au De La , sortait sous Southern Lord. De quelle façon le rayonnement que vous avez eu depuis a influé sur le groupe?
M. B. B. : Quand Au De La a été terminé, on l'a envoyé à une demi-douzaine de labels, et Southern Lord s'est montré intéressé. Ça nous a permis de tourner avec Sunn O))).
R. W. : On jouait sur leurs amplis, des SVT. Après ça, on ne voulait plus revenir sur notre petit gear, donc on a investi dans du meilleur matériel.
M. B. B. : Que le public ait aimé Au De La, qui a été composé et enregistré avant qu'on signe sous Southern Lord, ça nous a confirmé qu'il pouvait y avoir de l'intérêt pour ce qu'on fait, peu importe où et comment.

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Dans les crédits, Robin et Mathieu, vous prenez la peine de mentionner vos amplis. C'est quoi votre relation avec votre gear ? Êtes-vous gearheads ?
M. B. B. : La musique qu'on fait implique une relation circulaire du musicien à la guitare à l'ampli : c'est une affaire d'apprendre à jouer de la guitare, il faut aussi apprendre à jouer avec son ampli.
R. W. : On n'est pas gearheads, on développe avec le matériel qu'on a.
M. B. B. : Mais souvent, à cause de l'habitude qu'on a avec notre gear, quand il faut qu'on utilise un backline, c'est stressant.
L.-A. B. : Même affaire pour ma batterie, je suis habitué à son son, à sa résonance.
M. B. B. : Mais on est toujours en train d'apprendre à s'habituer, on veut pas être esclaves de notre gear et s'empêcher de tourner pour ça.

Sur Ardor plus que sur vos autres parutions, les pièces sont longues, plus rigoureuses, et sont menées par une lourde cadence qui leur donne une sorte d'immuabilité. Chacune des trois pièces fait plus de 10 minutes, et la deuxième, Lull , est répartie entre le dernier tiers du côté A et le premier du côté B. L'album a été pensé comme ça?
M. B. B. : Quand on a déterminé que Sound, Lull et Borer allaient constituer l'album, il a fallu qu'on trouve une façon de les faire fitter sur le vinyle. Il y a un moment dans le milieu de Lull où on a pu faire un fondu. Mais ce n'était pas prévu comme ça, non.
R. W. : L'écriture des pièces demande un effort, ça prend du temps. Big Brave a un son spécifique. Mais on ne sait pas ce que c'est précisément, donc on doit prendre le temps d'écouter pour comprendre. Sur Au De La, il y a des chansons qui ont demandé un an de travail. Et ça nous a pris trois albums avant d'en arriver où nous sommes.

Il me semble y avoir un processus de traduction des émotions dans votre musique. Est-ce qu'au fil du temps, à travers les concerts, ces émotions restent les mêmes que celles que vous projetiez initialement?
R. W. : Les paroles sont des discours avec moi-même et des observations intentionnellement vagues, pour que l'auditeur puisse les interpréter à sa façon et s'y rattacher. C'est seulement après que les paroles et les mélodies sont écrites que je réalise le lien avec l'émotion que la musique provoque. Je n'y pense pas pendant l'écriture; on travaille plus sur le son des pièces. C'est en quelque sorte un accident.
M. B. B. : Le feeling des pièces demeure le même, mais la charge émotive du show évolue en fonction du set, en fonction des nouvelles compositions qui s'y ajoutent. Dans la description du band, vous écrivez que « Sometimes it's the sound you don't make » et que « Something important is offered in the spaces between sounds » : qu'est-ce qu'on retrouve dans l'espace entre les sons, dans les sons qu'on ne fait pas?
M. B. B. : Quand tu joues une seule note et que tu lui laisses le temps de résonner, tu peux entendre les overtones, tout ce qui fait que ça devient une note.
R. W. : Ça prend une certaine patience pour nous voir et nous entendre en live; les silences rendent les gens inconfortables. Comment ça sourit, des gens qui font une musique aussi lourde, sombre et cathartique? Afin d'incarner la charge émotive de vos pièces, est-ce que vous avez besoin d'un temps de préparation, avant d'entrer en scène?
M. B. B. : Pour un band sérieux, on est très niaiseux. Mais, avant d'aller sur le stage, on se dit pas : « On s'en va être sérieux », c'est pas fake.
R. W. : On prend le band au sérieux et on a une éthique de travail forte.
M. B. B. : On commence avec un feedback, un accord mineur, pis le tour est joué.

Big Brave lancera Ardor à la Sala Rossa à Montréal le 30 septembre, partagera des scènes européennes avec Jessica Moss, OvO et Gnod du 21 octobre au 18 novembre, puis fera une mini-tournée nord-américaine avec Unsane et Child Bite en décembre. Toutes les dates sont ici .

Benoit Poirier, lui, sourit correct. Il est sur Twitter .