Sur le terrain vague de la voirie municipale de Yaoundé, au Cameroun, un drôle de laboratoire a vu le jour entre les montagnes de déchets qui jonchent le sol et le chaos des taxis jaunes stationnés sur la chaussée. Une épaisse fumée blanche se dégage d’un petit hangar au toit de tôles. En-dessous, une dizaine de jeunes, combinaison sur le dos et bottes en caoutchouc aux pieds, s’active autour d’un chaudron rempli de pâte noire. Le front perlant de sueur et des traces de suie sur les joues, Steve Armel Mbida Mbida remue la préparation brûlante à l’aide d’une grosse pelle. « Je fabrique des pavés écologiques », explique le jeune homme, le sourire aux lèvres, en faisant fondre des vieilles bouteilles en plastique et des sacs d’emballage dans une grande cuve chauffée à plus de 200°C. Une fois le plastique fondu, il ajoute du sable – « 60 % de sable, 40 % de plastique, c’est tout » – avant de verser la pâte obtenue dans des moules en fer. Au bout d’une vingtaine de minutes, c'est prêt.
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Les épaisses dalles recyclées fabriquées selon ce procédé serviront pour le pavage de cours, la construction de routes et de parkings. Avec 65 kilos de déchets, Steve Armel fabrique une dizaine de pavés en une heure chrono. À côté de lui, Pancrace Fegue, l’un des initiateurs du projet, observe les jeunes travailler dans l’atelier. « Les plastiques que nous utilisons servent de liant et remplacent le ciment. Ils sont également plus résistants que les dalles classiques. Les plus gros peuvent supporter une charge de plus de cinquante tonnes », précise le Camerounais, secrétaire exécutif de l'association Cœur d’Afrique. « Ils sont aussi plus économiques. Ils ne coûtent pas cher à réaliser étant donné que notre matière première, c'est le déchet », poursuit-il. Un coût de fabrication moindre qui se voit d’ailleurs à l’achat : comptez entre 4 000 et 4 500 francs CFA (environ 6,5 euros) pour un mètre cube de pavés, contre 5 000 à 25 000 (jusqu’à 38 euros) pour des dalles en ciment.
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Donner du travail aux jeunes des rues
« Cœur d’Afrique » espère former quelques 2 500 jeunes avant la fin de l’année. Bientôt, l’association devrait ouvrir un centre de formation pour jeunes défavorisés et un nouvel atelier de fabrication à Douala, au Cameroun, en 2018, puis partir à la conquête de l’Afrique de l’Ouest, pour s’installer au Bénin et au Burkina Faso. Et pourquoi pas, utiliser le procédé du pavé « écologique » pour créer d’autres matériaux ? « Nous avons d’autres ambitions, nous réfléchissons avec nos ingénieurs pour construire des tuiles, grâce à des chaises et des seaux », rétorque le superviseur du projet.