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Crime

Les Kiribati seront bientôt sous l'eau — voilà le plan pour sauver le pays

Proposant une "migration dans la dignité", l'ancien président du pays a acheté 2 500 hectares de terres aux Fidji pour installer ses concitoyens.
Photo de Jonas Gratzer/LightRocket via Getty Images

Les Kiribati, un petit pays posé sur une chaîne de 33 atolls dans le Pacifique Sud, pourraient bien être la première nation à disparaître du fait du changement climatique. Alors que le niveau de la mer continue de monter, les îles sont de plus en plus fréquemment inondées en cas de fortes marées et les insulaires pensent qu'en l'espace d'une génération leurs îles auront disparu.

Cette menace imminente a placé l'ancien président de la République des Kiribati, Anote Tong, sur le devant de la scène. Lorsqu'il était à la tête du pays, Tong a passé son temps à organiser les préparatifs pour le transfert des quelque 100 000 habitants des Kiribati, afin qu'ils ne deviennent pas des réfugiés le jour où leur terre natale sera devenue inhabitable.

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Dans le cadre de ce qu'il appelle une « migration dans la dignité », Tong a acheté 2 500 hectares de terres dans les Fidji pour que les I-Kiribati y déménagent et a organisé le transfert de 75 citoyens par an vers la Nouvelle-Zélande. Il voulait aussi que la diaspora ait une terre natale, ce pourquoi il a proposé de surélever une île pour la postérité.

Épaulées par les autres leaders des petits États insulaires en développement (PEID), les Kiribati poussent pour un monde sans énergie fossile d'ici 2050 et ont signé l'accord du Bourget lors de la COP21 qui prévoit une hausse maximale de 1,5 degré des températures. S'il n'est plus président, Tong continue d'être une personnalité écoutée pour la protection de l'environnement et s'est mué en défenseur des communautés marginalisées à cause du changement climatique. Nous l'avons rencontré ces derniers jours à New York.

Arielle Duhaime-Ross : Parlez-nous un peu des Kiribati, comment le changement climatique impacte le pays ?

Anote Tong : Le pays est à peine deux mètres au-dessus du niveau de la mer. Il s'agit principalement de fines bandes terres sans aucune montagne. Nous sommes donc les plus vulnérables et en première ligne face aux défis du changement climatique.

ADR : Quelles conséquences a le changement climatique sur les habitants des Kiribati ?

AT : Certaines communautés ont dû quitter leur village, parce qu'il n'existe plus. Il y a par exemple une église qui est aujourd'hui au milieu de l'eau, alors qu'elle était dans le centre d'un village. L'église est encore là parce que j'ai demandé aux habitants de construire un mur autour pour montrer ce qu'il se passe chez nous.

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J'étais dans l'un de ces villages quand la mer a commencé à se déverser dans une étendue d'eau douce. Depuis, les cultures agricoles sont mortes. Cela a aussi détruit les lentilles d'eau douce. Cette communauté va devoir déménager dans un futur proche.

ADR : Aujourd'hui le pays est environ 2 mètres au-dessus du niveau de la mer, c'est bien ça ?

AT : C'est à peu près ça pour la plupart des villages. Mais quand la marée monte, les gens habite quasiment dans l'eau. En cas de grosses marées ou de vents importants, les vagues viennent détruire les propriétés et maisons. Nous avons aujourd'hui des inondations dans des zones qui n'étaient pas touchées dans le passé. Voilà à quoi ressemble notre vie aujourd'hui.

ADR : Quand on pense aux inondations, on imagine des maisons détruites et des gens qui doivent déménager. Est-ce que ces événements ont d'autres conséquences ?

AT : Quand les vagues parviennent jusque sur la terre, beaucoup de choses arrivent, notamment l'érosion qui s'accompagne de destructions de propriétés. Puis l'eau de mer détruit les lentilles d'eau douce, donc détruit nos réserves d'eau. C'est comme cela que l'on survit, puisque nous n'avons pas de rivières. Donc une fois que ces réserves d'eau sont détruites, cela a des conséquences en matière de santé publique, parce que nous buvons de l'eau impropre à la consommation.

ADR : Est-ce que l'on peut encore faire quelque chose pour sauver les Kiribati ?

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AT : Je pense que oui, c'est faisable, mais la question est de savoir où trouver les ressources pour le faire. Donnez-moi quelques milliards de dollars et on va trouver des choses à faire. J'ai notamment souvent évoqué l'hypothèse d'îles flottantes. Mais pour cela on a besoin de l'aide de la communauté internationale — c'est justement ce que l'on demande depuis des années. Je reviens juste d'Europe où j'ai essayé de proposer diverses solutions, parce que si on ne fait rien, on va disparaître.

ADR : Combien de temps avez-vous ?

AT : Je pense qu'on a 30 ou 50 ans devant nous, peut-être moins.

ADR : Est-ce que vous pouvez nous parler du concept de la « migration dans la dignité » ?

AT : Nous avons accepté l'idée que certains de nos citoyens doivent déménager. Sachant cela, nous ne voulons pas juste attendre que le pire arrive. C'est pourquoi je prône cette « migration dans la dignité » parce que j'ai toujours détesté le terme de « réfugiés climatiques » qu'on nous a collé. Nous ne voulons pas être des réfugiés. C'est un mauvais terme.

ADR : Pourquoi ?

AT : Parce que c'est un terme indigne. Nous aurons perdu nos maisons, nous ne voulons pas en plus perdre notre dignité, nous ne voulons pas perdre notre fierté. Si nous préparons et formons notre peuple, ils migreront avec dignité — ils ne fuiront pas. Ils migreront et s'intégreront dans d'autres communautés pour devenir même, j'espère, des leaders. Nous ne voulons pas arriver dans un autre pays et être repoussés — d'où l'importance d'avoir des connaissances. C'est ce qui se passe en Europe, tirons-en les leçons. Dans notre partie du monde, ceux qui migrent vers l'Australie sont placés dans des camps.

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ADR : Les Kiribati ont acheté des terrains dans les Fidji, vous espérez que la plupart de votre peuple s'installera là-bas ?

AT : Les Fidji ont été le seul pays à proposer son aide. Ils ont dit que si la montée des eaux rendait caduque notre existence, les Fidji s'organiseraient pour nous accueillir. C'est le genre de réponse pleine de compassion que j'attendais, parce que je crois que les gens sont comme ça. C'est très humain, très miséricordieux, je dois dire.


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