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Sports

Splendeur et misère du Tour de France

214 kilomètres d'ennui, l'impression que rien ne peut échapper à la mainmise de la Sky, puis 150 mètres de pure classe de Romain Bardet. La première étape pyrénéenne résume à merveille ce que le Tour peut offrir, pour le meilleur et pour le pire.
Photo Flickr via Roland Tissier 2017

Les courageux qui ont passé presque 6 heures à faire semblant de bosser devant un live L'Equipe ou les plus extrémistes qui se sont carrément offerts le combo canap'/France Télé ce jeudi 13 juillet ont dû ressentir toute l'aprem ce sentiment que seul le cyclisme peut offrir. Cette attente interminable de l'exploit à venir. Alors que le peloton s'engageait pour la première étape pyrénéenne de cette édition 2017 – 214 kilomètres entre Pau et Peyragudes – le Tour nous a offert un cocktail terriblement pénible d'espoir sans cesse renouvelé de voir émerger un coureur assez costaud pour faire voler en éclats le scénario écrit à l'avance d'une victoire de Chris Froome, de frustration de constater l'impuissance de ses rivaux scotchés à sa roue, et d'une pitié insondable pour les téméraires échappés matinaux, partis à l'assaut des quatre cols proposés par ASO.

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Combiné à une certaine propension à la paresse, ce subtil mélange suffit à occuper tout fan de sport qui se respecte l'espace d'un après-midi. A l'occuper à attendre un coup de panache, une étincelle de bravoure, n'importe quoi qui pourrait lui faire se dire : « Quand c'est couru comme ça, le vélo est un sport merveilleux. » Malheureusement, et comme beaucoup trop souvent dans le cyclisme moderne, cette étincelle n'est pas arrivée avant les 150 derniers mètres de l'étape. Cadenassée par la Sky et son armada, la course n'a jamais permis aux échappés du jour de prendre plus de 6 minutes sur le peloton avant le col de Menté, autant dire rien quand il reste encore trois cols et une arrivée au sommet. On a bien cru l'espace de quelques kilomètres que Steve Cummings pourrait signer un beau numéro seul en tête, mais les rouleaux-compresseurs de l'équipe britannique lui ont rapidement ôté tout espoir.

C'est ainsi qu'après plus de cinq heures de course, l'insupportable scénario de l'hégémonie des équipiers Sky offrant la victoire à leur leader sur un plateau à Peyragudes semblait se dessiner. Inéluctablement, pour le plus grand malheur des amoureux du vélo, des courses de mouvement et de l'incertitude qui en découle. Les deux Mikel, Nieve et Landa, qui pourraient être leaders dans beaucoup d'autres équipes du World Tour, assurent un train d'enfer pour leur boss. A ce moment, le spectateur assiste à l'inéluctable, constate impuissant et déçu que le Tour n'est plus capable d'offrir cette magie des grands raids seul en tête comme avait pu l'offrir Andy Schleck en 2011. A quelques centaines de mètres de la ligne, le Tour ressemble à la Flèche Wallonne, avec un groupe de costauds prêts à se disputer le sprint en côte. Tout le monde se dit alors que Froome va l'emporter facilement, après avoir fait autant rouler ses équipiers.

C'est au moment où on s'y attend le moins que le Tour offre enfin quelques secondes de plaisir aux spectateurs. Celui de voir le grandissime favori, et très probable vainqueur à Paris, défaillir. Mais surtout celui de voir Romain Bardet se dresser sur les pédales alors que la route se cabre à près de 20%. Remonter peu à peu Fabio Aru, qui avait pris quelques longueurs d'avance. Passer l'épaule, une roue, puis deux. Franchir la ligne d'arriver poing serré et sourire béat. Il aura fallu attendre les 150 derniers mètres pour savourer ces quelques secondes d'imprévu, puis voir Froome passer la ligne à son tour, 20 secondes derrière.

Bardet avait déjà remporté deux superbes victoires sur le Tour ces deux dernières années. Mais jamais il ne s'était imposé ainsi : à la pédale, face aux tous meilleurs. Cette image valait bien ces longues heures passées à déprimer sur la tristesse du cyclisme moderne. Celle d'Aru en jaune sur le podium aussi, même si elle reste sujette à pas mal de cautions à en juger par le passé et les fréquentations du jeune Italien. Même si Froome a encore une sacrée marge sur ses adversaires au vu de sa supériorité en contre-la-montre, ces quelques hectomètres vers Peyragudes offrent un motif d'espoir pour ses rivaux, et un peu de bonheur pour les téléspectateurs avides d'imprévu et d'aventure.