Astropolis 2017 : le guide touristique
Julio Ificada

FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Astropolis 2017 : le guide touristique

Vous ne vous êtes encore jamais frotté aux flammes du festival brestois ? Pas de panique, on va vous expliquer tout ce qu'il faut savoir, histoire que vous puissiez sauter le pas sereinement en 2018.

Il faut bien se rendre à l'évidence : si on envoie un abonné à la Concrete ou un aficionado des « boutiques festivals » à Brest le premier week-end de juillet, le choc peut être rude. Astropolis est le genre d'évènement auquel on ne se rend pas en sifflottant, le tote bag négligemment jeté sur l'épaule. Ça demande un minimum de préparation. Physique et mentale et psychologique. Pas chiens, on vous a listé tout ce qu'il faut savoir sur Astropolis, histoire que vous puissiez sauter le pas sereinement en 2018.

Publicité

LA VILLE

Brest. Photo - Julio Ificada

Brest, personne n'y va tant qu'il n'a pas un truc à y faire. Cette cité de grues et de bateaux militaires au bout de la Bretagne se traine une réput' de ville moche et mouillée et elle n'est absolument pas usurpée. Ceux qui daignent y passer malgré tout, pour checker les manchots à Océanopolis par exemple, ont peut-être vu autre chose : un exposé assez édifiant sur les mille et unes façons d'utiliser du béton. Avec suffisamment d'interstices humains ici et là pour se dire que oui, on pourrait éventuellement, à la limite, envisager de s'y poser un peu, histoire de profiter de la température, oscillant entre 15° l'hiver et 19° l'été.

LES GENS

Photo - Julio Ificada

Les Brestois vous le diront eux-mêmes : ils ne sont pas du genre à vous rouler une pelle pour vous saluer. Mais globalement, si vous faites preuve de bonne volonté et que vous n'êtes ni normand, ni vendéen, ni parisien, ni mayennais, ni quimpérois, ça devrait plutôt bien se passer. Avec une zone de tolérance un poil plus élevée au moment d'Astropolis, parce qu'on sait bien que la Bretagne essaime ses spores aux quatre coins du monde et qu'il faut bien accepter les brebis égarées sur la terre de leurs ancêtres au moins un week-end par an.

Photo - Julio Ificada

Si vous traînez un peu en festival, vous aurez remarqué que la faune qui accepte de traîner dans ce genre d'événements a évolué. Moins de baskets Osiris et de pantalons cargo, plus de shorts en jean et de sacs en toile hyper pas pratiques. Ce qui est bien en Bretagne, et a fortiori à Astropolis, c'est qu'absolument personne n'espère finir dans la rubrique street style du Télégramme - et pour cause : il n'y en a pas. Du coup, on retrouve des quadras en jean-parka qui étaient à la deuxième édition au parc des expositions de Lorient, des bébés-clubbers qui n'ont pas compris que mettre des Ray-Ban en plastoc à 3h du mat, c'était pas utile, mais aussi des punks à chien et des types en hoodie Angerfist. Le plus beau dans tout ça ? La cohabitation se passe nickel.

Publicité

LA BOUFFE

Midi Deux. Photo - Julio Ificada

Autant vous prévenir : du gluten, vous allez en manger, que ça vous plaise ou non. En ville comme dans l'enceinte du festival, pas la moindre chance de vous envoyer un petit jus détox. Par contre, vous aurez du sarrasin dans les veines au bout de trois jours. Une crêperie pour 10 personnes, des stands tartiflette/kebab : il faut que ça plâtre. Besoin de réconfort ? Trou à combler ? On ose à peine effleurer l'idée, mais ce serait mentir de dire qu'on n'y a pas pensé.

LA MÉTÉO

Photo - Julio Ificada

Faut vraiment vous faire un dessin ?

MANU LE MALIN

Manu Le Malin. Photo - Julio Ificada

OK, le mec vit à Aubervilliers mais mérite amplement une section entière dans ce guide. Au bar de l'hôtel central du festival (on vous en reparle plus bas), il est précisé que les invités (artistes, journalistes…) doivent régler leurs repas et boissons avec des tickets, excepté les deux boss du festival… et Manu Le Malin. On l'alpague quand on le voit dans la rue, on hurle son nom quand il se pointe sur scène (pour la 23ème fois en 23 éditions), bref, à Astropolis, le type, c'est un croisement entre Jean-Michel Jarre et Lady Di. Il jouera deux fois lors de cette édition 2017, mais vous pouvez dès maintenant réserver un hébergement de campagne près du site pour l'année prochaine, il devrait faire tourner les hauts fourneaux à 220 BPM entre 3h et 5h du mat'. Accessoirement, il reste l'un des meilleurs platinistes de sa génération et c'est toujours un plaisir de se faire décalaminer l'oreille interne pendant ses sets.

Publicité

BEN FROST

Ben Frost. Photo - Julio Ificada

Astropolis, ce sont aussi des petites oasis de fraîcheur au milieu d'un désert aride composé à 87 % de techno pure. Cette année, Ben Frost était l'une d'entre elles : ce viking en marcel a fait tourner des nappes gargantuesques et des vrombissements infrasoniques pendant une bonne heure, la partie rythmique (lorsqu'il y en avait) étant là pour faire saturer le mélange. Après ça, on aurait pu voir Neurosis dans une grotte et trouver ça festif. Assurément la prestation la plus intense du week-end.

JEFF MILLS

Jeff Mills. Photo - Julio Ificada

Lui, on se demande s'il ne vit pas là-bas, en fait. Jeff Mills a une histoire extrêmement dense avec Astropolis, et on ne va pas s'en plaindre, vu qu'il ne fait pas partie de ceux qui se sont totalement oublié en route. C'est d'ailleurs un peu le contraire : ce type a un sens tellement aiguisé de la musicalité qu'il propose parfois des choses un peu trop ambitieuses pour nous (et pour lui aussi, d'ailleurs). Là, pas d'expérimentation audiovisuelle ou d'orchestre symphonique, juste l'un des types à qui l'on doit un truc qui s'appelle la techno, muni de platines et d'un public. C'était assez difficile de se louper, mais ça fait toujours un bien fou de l'entendre mixer.

LA SCÈNE « CHILL »

Photo - Julio Ificada

Dans un festival où la devise du festivalier moyen reste l'indécrottable « Alleeeez lààà, on veut du kiiick » (on a d'ailleurs presque cru le louper cette année mais non, case cochée), la présence d'une scène « chill » soulève pas mal de questions. Est-ce pour proposer un espace sieste à ceux qui redescendent trop tôt ? Ou parce qu'il y a un amateur de tentures dans l'orga ? Toujours est-il que ce petit dôme caché derrière l'Astrofloor est l'espace le plus rassurant d'un festival pas franchement réputé pour son côté feng shui.

Publicité

Photo - Julio Ificada

Cette année, c'est The Herbaliser (allez, faites un effort, rappelez-vous) qui a fait office de tête d'affiche. En 2016, c'était Mark Ernestus et ça manquait cruellement de gens. Bande d'ingrats. Toujours est-il que même si, en formation live, le groupe a cessé d'être intéressant au siècle dernier, il fait un excellent boulot de selector, axé soul, funk et reggae d'époque. Une expérience à tester après un passage à la scène Mekanik, dédiée au hardcore, et qui reste l'un des rarissimes espaces culturels subventionnés dédiés à cette musique dans ce pays.

JACQUES

Jacques. Photo - Julio Ificada

Le mec s'est fait une crête inversée pour faire son anti-conformiste mais il porte la même veste de jogging chinée en fripe que toutes les gamines qui vont au Weather. Bon, on va rien dire, parce qu'au fond, on trouve ça cool qu'un type qui fasse de la musique avec un escabot puisse jouer à minuit devant 2000 personnes. Même si, répétons-le, Jacques n'a rien inventé sur ce créneau - loin de là. Bref, bon set techno-Leroy Merlin, on a particulièrement apprécié le solo de collier de bonbons. Sans pour autant avoir envie de slammer non plus, quoi.

LA CARÈNE

Photo - Julio Ificada

Si tous les gens cités dans les paragraphes précédents ont essentiellement évolué sur le site rural de Keroual, c'est en ville que ça se passe les autres jours. Le vendredi soir, c'est à la Carène qu'on a ainsi trouvé notre bonheur, avec Motor City Drum Ensemble, auteur d'un DJ-set un peu plus rigolo que d'habitude et The Black Madonna, qui a joué techno cool, puis techno chiante, puis disco-funk-house-mongolo sur la fin.

Publicité

The Black Madonna. Photo - Julio Ificada

Alors que l'espace de circulation central était occupé par un collectif qui passait de la hard house au-dessus d'un logo lumineux qui ressemblait un peu trop à celui d'un collectif de hackers décroissants (ou à celui du nouveau mouvement de Benoît Hamon, au choix), la petite salle offrait, elle, un spectacle fascinant. Absolument rien de programmé, contrairement à d'habitude, mais un bar (désert), des plantes vertes et une électronica zarbi, synchronisée avec une vidéo pleine de crevettes transparentes, de plancton et de mérous.

Casual Gabberz. Photo - Julio Ificada

La Suite, le petit club en face de la Carène, finit plus tard et fait donc office d'after pour ceux qui pensent que c'est planqué de finir à 4h du matin. Du coup, c'est sur-blindé, moite, un peu tendu, le lieu doit faire 2 mètres de hauteur de plafond et il y a des lustres en simili-cristal au bar. C'était là qu'il fallait faire jouer Ben Frost, en fait. Mais à la place, il y a Surgeon et c'est plutôt OK.

LE VAUBAN

T. Raumschmiere. Photo - Julio Ificada

Tous les Brestois vous le diront : « oui, le Vauban, c'est toute l'histoire musicale de Brest, les plus grands y sont passés, tout ça ». OK, l'hôtel/bar/salle de concert a reçu Miles Davis et les Ramoneurs de Menhirs, mais c'est aussi un QG pour pas mal de loustics du festival, habitués, organisateurs et piliers de comptoir. Et du coup, organiser l'ultime soirée du festival là-bas alors que le son s'est éteint à 9h sur le site principal le matin même, c'est l'assurance d'avoir un public qualitatif, au regard vivace et à l'esprit d'analyse acerbe.

Photo - Julio Ificada

Le truc le plus chouette de la soirée, en fait, c'est de constater à chaque pause clope qu'on est bel et bien dans un hôtel, avec des barmans de 47 ans en chemise au rez-de-chaussée, alors qu'au sous-sol, les gens dansent sur de la grosse techno en ayant la possibilité de faire patiner leurs pieds sur les tommettes. Pensée également pour les clients « normaux » de l'hôtel, qui, espérons-le, ne sont pas si nombreux pendant ce week-end, et qui auront pu noter le petit panneau « concert bruyant » au comptoir. Perso, je dormais au 5ème, et j'ai pu entendre le dernier quart d'heure du set de The Driver comme si j'étais assis sur un retour. À vous de voir si c'est un avantage ou un inconvénient. Nous, ça fait un moment qu'on a fait notre choix.

Photo - Julio Ificada

Mathias Riquier est sur Noisey et Twitter. Julio Ificada est sur Noisey et Tumblr.