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FRANCE

GPA : la justice française reconnaît les « fantômes de la République »

La plus haute autorité judiciaire française a décidé qu’un enfant né d'une GPA à l’étranger d’un parent français peut être inscrit à l’état civil en France.
Image via Flickr / J.K. Califf

La Cour de cassation de Paris, considérée comme la plus haute autorité judiciaire en France, a rendu son verdict ce vendredi à 14h. Désormais, un enfant né à l'étranger d'un parent français peut être inscrit à l'état civil, sur les livrets de famille. Cela concerne surtout les enfants issus d'une GPA — Gestation pour autrui — une pratique toujours illégale en France. Cette décision est une première, elle pourrait faire jurisprudence. Jusqu'ici, les enfants dans ce cas-là n'avaient pas de statut reconnu en France.

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Une GPA ne justifie pas à elle seule le refus de transcrire à l'état civil l'acte de naissance étranger d'un enfant ayant un parent français

— Cour de cassation (@Courdecassation)July 3, 2015

La cour se prononçait sur le cas de deux enfants nés en Russie, d'un père français et d'une mère russe. Nés d'une gestation pour autrui (GPA), ils n'étaient jusque-là pas reconnus comme français. Les parents s'étaient lancés dans un marathon judiciaire, tranché donc par la plus haute instance du pays. Cette décision de justice ouvre de nouvelles perspectives pour ces enfants souvent appelés les « fantômes de la République », qui ont beaucoup de difficultés pour être admis à l'école ou avoir accès aux soins médicaux par exemple, sans parler des problèmes d'identité ou d'héritage.

Sans se prononcer sur la question de la GPA, qui revient régulièrement au centre des débats en France, la Cour de cassation rend donc possible l'octroi de la nationalité française à ces enfants, à condition qu'un test de paternité vienne confirmer la filiation. Le père doit également reconnaître la mère porteuse comme mère biologique de l'enfant.

La GPA est un moyen de conception auquel ont recours des couples dont l'un des partenaires est considéré comme stérile, ou dans le cas d'un couple homosexuel. Elle implique nécessairement la présence d'une femme, souvent appelée « mère porteuse », et le plus souvent des techniques relevant de la procréation médicalement assistée (PMA).

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La gestation pour autrui est illégale en France et peut être punie par une amende de 7 500 euros et six mois de prison. En effet, il est tout d'abord interdit de « porter un enfant en vue de le remettre à autrui » mais également de le faire « à titre onéreux ».

En France, le débat sur la GPA avait déjà attiré l'attention des médias au début des années 2000, lorsque les époux Sylvie et Dominique Mennesson ont tenté de faire inscrire leurs deux filles jumelles à l'état civil français. Atteinte d'une malformation l'empêchant d'avoir des enfants, Sylvie Mennesson avait sollicité les services d'une femme résidant en Californie, où cette activité est légale et encadrée. Grâce à une agence spécialisée, des ovocytes — d'une amie — fecondés par les spermatozoïdes de Dominique Mennesson avaient alors été transmis à la femme Californienne, qui aurait touché 15 000 euros en indemnités. Reconnus comme parents par la justice californienne mais pas en France, les époux Mennesson tentent de régulariser leur situation depuis près de quinze ans.

Fin 2012, lors des manifestations musclées contre le projet de loi visant à élargir le droit de se marier aux personnes de même sexe, un collectif d'association « La Manif pour tous » exprimait, en plus de son opposition au « mariage pour tous », son intention de « s'opposer à la PMA, GMA et au genre ».

Le 1er juin 2015, Ludovine de la Rochère, présidente de ce collectif, a écrit une lettre ouverte au ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, dans laquelle elle déclare « qu'aucune femme, qu'elle soit française ou d'un autre pays, ne saurait être réduite à son utérus. »

Au niveau européen, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait condamné la France en juin 2014 pour la manière dont le pays traite ces enfants issus de GPA, estimant que le refus d'accepter la filiation dans ces cas précis « porte atteinte à l'identité » des enfants. La CEDH avait notamment été saisie par le couple Mennesson, qui avait déjà épuisé plusieurs recours devant les tribunaux français.

La décision de la Cour de cassation a été accueillie de manière hostile par différents mouvements souvent traditionalistes comme le Printemps français, qui a appelé à manifester devant le Palais de justice de Paris ce vendredi soir.

En 2014, le nombre d'enfants issus de GPA vivant en France était estimé à 1 000 personnes.

Image via Flickr / J.K. Califf