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Science

Pourquoi dénigre-t-on les personnes qui semblent trop gentilles?

Les psychologues appellent ça la « punition antisociale ».
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
CSA-Archive/Getty Images

Il y a quelque chose d’incongru à rabaisser une personne qui veut aider son prochain. Au travail, par exemple, c’est celui ou celle qui, bien… aide toujours les autres, fait preuve d'une grande générosité en toutes circonstances ou, dans un environnement concurrentiel, n'est pas sans pitié. Comme si ça pouvait être mal. Alors pourquoi aime-t-on détester ces bonnes âmes?

Une étude récente indique qu’il s’agit d’une tactique pour se distinguer en situation de compétition, que l’on adopte parfois sans être conscient des raisons. Si l’on est en compétition avec d’autres pour, disons, séduire, notre capacité à coopérer est probablement une qualité recherchée. Personne n’a envie d’être en relation avec un égocentrique. Il convient donc de paraître aussi coopératif que possible. Sinon, de semer le doute sur l’apparente gentillesse des autres.

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« La plupart du temps, on aime que la bonne personne soit récompensée et que la mauvaise personne ait ce qu’elle a cherché », affirme Pat Barclay, professeur à l’Université de Guelph et coauteur de l’étude. « Pourtant, parfois une bonne personne sera punie ou critiquée. » Cela semble contre-intuitif, mais c’est un phénomène observé dans plusieurs domaines — en économie autant qu’en psychologie sociale — et dans toute société, selon le professeur.

C’est ce qu’on appelle la « punition antisociale » : le dénigrement d’une personne qui serait trop coopérative. On le voit en particulier quand des personnes sont en compétition dans un contexte de séduction. Ce serait une façon de réduire un avantage concurrentiel. Une personne qui remet en question la bonté d’une autre n’en sort pas grandie, mais sa cible peut ainsi paraître trop vertueuse, trop pour que ce soit vrai. « On peut le résumer par la phrase “Hé, tu me fais mal paraître” », dit-il. Et plutôt que d’essayer de s’améliorer, le « perdant » dans cette situation se tourne vers le dénigrement.

Pour tester leur hypothèse voulant que la compétition favorise les punitions antisociales, Pat Barclay et sa coauteure, Aleta Pleasant, ont produit deux scénarios. Dans chacun, les participants devaient jouer à un jeu qui mettait à l’épreuve leur volonté de coopérer et leur permettait de « punir » les autres joueurs. Mais dans l’un des deux, il y avait un enjeu : un observateur qui, à la fin du jeu, choisirait un participant qui recevrait une récompense.

Comme les chercheurs s’y attendaient, les punitions antisociales ont été plus nombreuses dans le scénario avec compétition. Ce qui ne veut cependant pas dire que les participants ont consciemment choisi de punir les personnes qui veulent le bien de leur prochain. « Très peu de participants ont calculé minutieusement les effets de leurs actions », dit Pat Barclay. Selon lui, les émotions comme l’admiration d’un autre qui arrive à coopérer davantage ou, au contraire, la jalousie, car l’autre paraît mieux, dictent probablement les réactions.

D’une certaine façon, c’est bien. Le professeur soutient que ces émotions se manifestent pour une raison pouvant se révéler en dernière analyse bénéfique. « La raison pour laquelle nous avons des émotions, c’est qu’elles nous poussent à agir de façon bénéfique à long terme », explique-t-il. Mais la compréhension de leur fonctionnement peut nous aider à mieux les diriger.

Comment devrait-on réagir envers ces âmes charitables persécutées? À son avis, on pourrait penser à des façons de mitiger les punitions antisociales. Pour ceux et celles qui en sont la cible, la stratégie pourrait être de s’entourer de meilleures personnes. « Laissons les “bonnes personnes” s’entourer d’autres “bonnes personnes”, propose-t-il, et elles seront dans une meilleure situation que leurs critiques. Trouvons des moyens de récompenser la bonté, parce qu’ainsi elle pourra proliférer. »

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