L'homme qui a élevé les bombes dans la piscine au rang d'art

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L'homme qui a élevé les bombes dans la piscine au rang d'art

Christian Guth n'a qu'une ambition dans la vie : réussir la bombe la plus grosse et la plus parfaite possible, quitte à sauter d'un plongeoir de dix mètres.

Ceux qui ont déjà passé une partie de leur été au bord d'une piscine de camping anonyme du Languedoc-Roussillon l'ont tous tentée pour tromper leur ennui, éclabousser leur belle-mère ou faire le malin devant les trois beautés du coin : la bombe, la vraie, celle qui envoie une gerbe d'écume à plusieurs mètres à la ronde.

Ce classique du mois d'août a récemment été revisité par un Allemand un peu barré, une sorte de junkie de l'adrénaline, qui a tout simplement fait passer la bombe estivale de son statut de vulgaire divertissement à celui d'oeuvre d'art. Pour ce faire, ce jeune homme, Christian Guth de son nom, n'a pas lésiné sur les moyens puisqu'il a ajouté à la discipline quelques gestes peu académiques et surtout un grand plongeoir de dix mètres. Le tout tourné autour d'un seul et même objectif, faire un maximum de remous à l'entrée dans l'eau. Voilà tout ce qui compte pour lui.

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Dis comme ça, ça a l'air con et facile, mais ça ne l'est pas. Comme tout autre sport qui se respecte, le « splashing », nom que Christian a donné à sa discipline, s'est peu à peu structuré autour de règles bien précises. Pour mieux les connaître, je me suis donc adressé au boss mondial du splashing, le champion du monde et détenteur de plusieurs records homologués au Guinness, l'inénarrable Christian Guth.

VICE: Vous êtes un peu le père fondateur du splashing. Comment définiriez-vous ce sport ?
Christian Guth: Je pratique le splashing depuis dix ans maintenant, mais j'ai toujours autant de mal à définir la discipline. Je dirais que ça se rapproche un peu (mais vraiment un peu seulement) du plongeon olympique, puisque nous, on fait ça de façon plus freestyle, et qu'à l'inverse des plongeurs qui peaufinent leur entrée dans l'eau pour faire le moins de remous possible, nous on veut faire la plus grosse écume possible. Les humains font des bombes (aquatiques et dans les piscines on s'entend) depuis la nuit des temps, pourquoi n'est-ce pas devenu un sport à part entière plus tôt ?
Je ne sais pas, tout ce que je sais, c'est que tout a commencé avec ma bande de potes de Bayreuth. on essayait d'attirer l'attention des filles. Il y avait un plongeoir, mais on voulait pas le partager avec les plongeurs "normaux". Un après-midi, on s'est dits qu'on devrait installer un canon sur le plongeoir de 10 mètres pour nous projeter. On s'est rendus compte que ça faisait beaucoup moins mal que ce qu'on pensait. On est devenus accros. Petit à petit, on a complexifié nos sauts en ajoutant des vrilles, des figures. C'est là qu'on a compris que ce n'était pas simplement un hobby et qu'on était en train d'inventer un sport.

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C'est vraiment pas douloureux, vous êtes sûr ?
A vrai dire, le splashing, c'est un peu comme la boxe. Quand tu rentres sur le ring pour la première fois et que tu prends deux crochets du gauche bien placés du champion du coin, tu souffres, peut-être même que tu pleures encore deux jours après. Mais à ton 20ème combat, tu sauras esquiver les coups ou les encaisser. C'est la même chose avec le splashing. Avec un peu d'entraînement, ton corps encaisse presque n'importe quel choc.

Est-ce que tu arrives à vivre du splashing ?
Pendant les six premières années, c'était complètement impossible. Mais depuis quelques années, je lutte pour ça, et j'arrive presque à payer mes factures en faisant des bombes, ce qui est plutôt cool. L'été, je vis comme un roi. L'hiver, c'est un peu plus compliqué. De temps en temps je trouve un petit boulot à mi-temps ou un job de freelance pour payer mon loyer.

Combien de personnes pratiquent votre discipline ?
Si je devais donner un chiffre, je dirais quelque chose entre 500 et 1000, mais il faut distinguer ceux qui prennent part aux compets de ceux qui font ça en dilettante, sans comprendre qu'ils sont en train de pratiquer un sport merveilleux.

Comment on évalue une bombe ? J'imagine avant tout à la taille de la gerbe d'eau que tu crées ?
Exactement, mais ce n'est pas le seul indicateur. Bien que ce soit une discipline très libre, les concurrents doivent annoncer le type de saut qu'ils vont faire avant de s'élancer. Il y a quatre types de plongeons : le premier interdit toute figure et se concentre uniquement sur le carton que tu fais à l'entrée dans l'eau. Tous les autres ont leur propre degré de difficulté suivant la complexité des figures que tu réalises. Par exemple, un double saut périlleux avec une demi-vrille avec une arrivée en planche a un coefficient de difficulté de 2.7. Ensuite, on multiplie ce coefficient avec la note de réalisation donnée par six juges, tout en supprimant la meilleure et la moins bonne note.

Les juges basent leur estimation sur trois critères. La prise d'élan, l'exécution et l'entrée dans l'eau. Selon les figures réalisées, tu gagnes des points, puis surtout, plus tu fais un carton à l'entrée dans l'eau, plus ta note grimpe. C'est assez simple en vérité, le splashing.

Super simple effectivement ! Merci Christian.