Au service du tennis français : qui prend soin des joueurs du circuit ATP ?

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Au service du tennis français : qui prend soin des joueurs du circuit ATP ?

Kinés, préparateurs physiques, soigneurs, masseurs : tous jouent un rôle clé dans la forme (ou la méforme) des tennismen du circuit ATP. Mais à quoi ressemble la vie quand on passe son temps à suivre ses joueurs aux quatre coins du monde ?

« Je suis assez occupé, je vous appelle dès que j'ai un moment… ». Première semaine de Roland Garros 2017 : Olivier Choupeau, kiné ostéopathe de l'équipe de France de Coupe Davis passe le plus clair de son temps dans les salles de soins. Autant dire qu'il n'a pas vraiment le temps de parader dans les tribunes du Lenglen ou du Chatrier : « Depuis le début du tournoi, je n'ai pu voir qu'un set de Lucas [Pouille]. » Le reste, il le regarde à la télé, en même temps qu'il masse et soigne les tennismen français.

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Gaëtan Olivier ne profite pas beaucoup plus de Roland, comme il le résume par un lapidaire : « Je ne suis pas là en touriste » lâché dans les entrailles de la porte d'Auteuil. Spécialiste en médecine chinoise, il s'occupe de la prépa physique et des soins de Gaël Monfils. Après une heure d'exercices avec Gaël Monfils pour préparer son 2e tour, rendez-vous est pris devant l'entrée du restaurant des joueurs sous le court Philippe-Chatrier. L'entrée devant laquelle des groupes d'enfants, équipés de leurs grosses balles de tennis achetées 33€ l'unité au magasin de Roland, attendent pendant des heures qu'un joueur leur signe un autographe. Lui n'a ni le temps ni l'envie de poireauter pour obtenir un précieux paraphe. Il faut dire qu'il s'est habitué à côtoyer le gratin du tennis mondial puisqu'il suit Gaël sur le circuit depuis trois ans maintenant.

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Préparateur physique, kiné, masseur, etc. : seule une partie des joueurs du top 50 peut se permettre de se payer un staff conséquent. Tsonga fait partie de cette élite surencadrée. En plus de son coach, le n°1 français embauche aussi un préparateur physique et un kiné, le genre d'armada médico-sportive qu'il n'est pas donné à tout le monde de se payer. Derrière ces étiquettes professionnelles aux frontières finalement assez perméables, chaque thérapeute possède ses propres domaines d'activité et ses spécialités : de la prépa physique, du soin et du massage axé sur les pratiques de la méthode chinoise pour Gaëtan Olivier; de l'ostéopathie et de la kinésithérapie pour le "cartésien" Olivier Choupeau. Mais au final, l'objectif reste le même : faire tenir physiquement le joueur tout au long de la saison.

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Olivier Choupeau en train de masser Gilles Simon. Photo Antoine Couvercelle/FFT

Olivier Choupeau en train de masser Gilles Simon. Photo Antoine Couvercelle/FFT

Originaire d'Annecy, Gaëtan Olivier est au départ plus amateur d'ultra-trail que de balle jaune. Ces dernières années, en plus de son cabinet à Genève, Olivier a toutefois eu l'occasion de s'occuper de la préparation physique des jeunes du Country Club de Genève ‒ le club de tennis dans lequel viennent souvent s'entraîner les expatriés français qui habitent en Suisse. Là-bas, il rencontre entre autres Jo-Wilfried Tsonga, Stanislas Wawrinka, mais aussi Gaël Monfils. Fan de la Monf', il se retrouve à travailler quelques fois avec lui. Puis en 2014, Gaël lui demande d'intégrer son staff. Proposition acceptée. « On a commencé la prépa un peu avant Noël, on avait trois semaines pour se préparer, puis on est partis. » Premier tournoi : l'Open d'Australie. Il entre directement dans le rythme infernal des tournois du circuit ATP. « On a une chronologie de base, un plan de base, mais il sera toujours modifié à 100% ».

Olivier Choupeau, lui, est plus porté foot, rapport à ses origines bretonnes. Mais il arrive au tennis grâce à un certain Guy Gicquel, père de l'ancien tennisman Marc Gicquel : « J'étais en section sports au lycée de Saint-Brieuc avec Marc. On ne s'entendait pas toujours très bien, notamment après certains matchs de hand à l'UNSS où on y allait sur les contacts. Mais on a toujours gardé un lien après le bac. Moi, une fois diplômé, je reviens m'installer dans la région à Lamballe. Le père de Marc Gicquel, qui avait un rôle dans le tournoi challenger de Saint-Brieuc, me propose de participer en tant que kiné à la compétition. » Contrairement à Gaëtan Olivier, Olivier Choupeau rentre donc par la petite porte dans le monde du tennis, via ces tournois dans lesquels certains joueurs français viennent se refaire une santé ou rejouer après des blessures.

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Après Saint-Brieuc, Choupeau a l'occasion de travailler pour le challenger de Rennes, puis de Bordeaux. Et donc de faire la rencontre de joueurs du circuit ATP. « Bordeaux, ça va être la dixième année que je le fais », explique-t-il. S'il reste attaché à ces tournois de seconde zone, les challengers restent désormais une part annexe de son travail. Sa principale activité s'inscrit désormais à l'échelle nationale. Son objectif : suivre la douzaine de joueurs français couchés sur la liste de Yannick Noah, des tennismen susceptibles d'être sélectionnés en équipe de France pour la Coupe Davis.

L'histoire débute en 2012. « À l'époque, je m'occupais de joueurs comme Llodra de manière individuelle. Arnaud Clément venait d'être désigné sélectionneur de l'équipe de France. Il voulait changer le staff, remettre de l'énergie. À l'US Open, il me convoque dans sa chambre et me demande de travailler pour eux. » Le genre d'offre qui ne se refuse pas. Depuis cinq ans maintenant, lui et son collègue Philippe Peytral composent donc avec les soucis physiques d'une grande partie des Français du top 100, de Gilles Simon à Lucas Pouille en passant par Nicolas Mahut ou Pierre-Hugues Herbert.

« J'ai déjà eu quelques explications de texte avec certains joueurs »

Olivier Choupeau est ainsi présent sur la plupart des tournois majeurs du circuit. « En gros, je suis hors de mon cabinet de Lamballe 20 à 25 semaines par an, explique-t-il. Grands Chelems, Masters 1000, JO 2016, stages de Coupe Davis : je fais environ 18 tournois par saison. » En arpentant les plus grands tournois, il découvre fatalement les plus grandes villes du monde à un rythme effréné : Londres, Cincinnati, New-York, Paris, Melbourne, etc. « J'étais aussi fin décembre à Dubaï pour la préparation de Lucas [Pouille toujours] », complète-t-il histoire de bien nous faire comprendre à quel point vivre dans la valises d'un tennismen pro peut parfois s'apparenter à une course aux quatre coins du monde qui ne s'arrête jamais.

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Gaëtan Olivier aussi enchaîne tournoi sur tournoi : « C'est toujours la même chose : refaire ses affaires, prendre l'avion, toujours bouger, s'adapter au changement d'horaire, au changement de surface. On est vraiment nomades toute la saison. » Les voyages, il en a déjà connu énormément lors de ses courses de trail et d'ultra-trail, donc ça ne lui pose pas de problème. Dans son aventure avec Monfils, il évoque même une certaine routine qui se met en place tout au long de la saison : préparation, soins, entrainements entre les matchs, jusqu'à la défaite. « Avec son coach [Mikael Tillström], on doit s'adapter constamment par rapport à Gaël. On voudrait qu'il fasse des demi-finales à chaque fois. Mais dès qu'il perd, tu dois te remettre au travail, re-voyager, refaire la préparation, etc. »

Olivier Choupeau, en centre, entouré de Lucas Pouille et du préparateur physique Xavier Moreau. Photo Antoine Couvercelle FFT

S'adapter donc, mais pas à n'importe quel prix. « Quand tu t'occupes du corps d'un joueur, tu es en quelque sorte relais de son intégrité physique », décrit Choupeau. « Je n'ai aucun rôle technique. Je n'ai qu'un regard mécanique sur le match plus qu'un regard de supporter ou de technicien. Mais j'ai une oreille pour le joueur quand il vient me transmettre ses pensées, son entrainement compliqué, ses douleurs, etc. La peine du joueur quand il perd, on la prend, humainement, lorsqu'il passe sur la table de soins. » Mais au-delà de cette attention, les thérapeutes jouent aussi le rôle ingrat d'oiseau de mauvaise augure, quitte à parfois aller au clash avec certains joueurs. « J'ai déjà eu quelques explications de texte avec certains, quand je travaillais avec un joueur notamment. Je lui avais expliqué qu'il ne pourrait pas jouer le prochain tournoi sans aggraver sa blessure. Il n'a pas voulu m'écouter, alors je lui ai dit : « si tu prends pas en considération ce que je te dis, je t'accompagne pas. »

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Bien sûr, lorsque l'on aborde les difficultés de ce type de métier, le thème qui revient le plus demeure l'éloignement. Gaëtan Olivier réussit à trouver des périodes pour lui, des moments « indispensables pour garder l'équilibre ». Olivier Choupeau, lui, emmène régulièrement ses enfants et sa femme sur les tournois. Chacun sa méthode, encore une fois.

En attendant, avec cette édition 2017 de Roland bien mauvaise pour le tennis masculin français, Olivier Choupeau va pouvoir rentrer un peu avant d'enchaîner avec la saison sur gazon : « c'est la première fois en cinq ans que je termine avant le début de la deuxième semaine. Ma pige est finie, on a un peu l'amertume de la défaite, mais on est aussi content de rentrer chez soi, d'avoir un peu de temps pour sa famille. » Cependant, le kiné de l'équipe de France de la Coupe Davis n'aura pas beaucoup de temps pour lui. Il enchaîne déjà la semaine prochaine sur Lyon, pour le challenger. Une autre forme de retour aux sources.