Tout est question d’apparence. Je le sais depuis que je suis jeune.
À 15 ans, je souffre de problèmes de santé. On me diagnostique un diabète insulino-dépendant. C’est une faiblesse aux yeux des autres. Mais quand, en sport, je soulève plus que n’importe qui à la presse à cuisses, je nourris l’admiration de mes potes. Je comprends que la façon dont les autres me jugent dépend de mes performances et de mes capacités. Malgré la maladie, je décide de cultiver l’apparence d’un gars sportif et en bonne santé – à tout prix. Et cette idée ne m’a plus jamais lâché depuis.
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Au-delà de mes injections d’insuline, et en plus d’un bon sommeil, je chéris une nourriture fraîche, sans produits chimiques – la nourriture transformée et la restauration rapide détruisent ma santé. Si je me suis toujours employé à donner à mon corps ce dont il a besoin et non ce qui me fait envie, je ne suis pas un saint pour autant – je baise tout le temps, je mange trop de sucre, et je fume des clopes en soirée. En parallèle, ma libido me pousse clairement à prendre soin de moi : un corps en bonne santé est fait pour le sexe.
Sans aide chimique, il m’est impossible d’être en bonne santé – dans mon esprit et dans mon corps.
Jusqu’à la trentaine, la nourriture saine et le sport à haute dose me suffisent. Mais, avec l’âge, les objectifs de prise de muscle deviennent plus durs à atteindre, et les résultats plus difficiles à conserver. Comme je n’ai jamais eu de problème à m’injecter ce dont mon corps manque en termes d’insuline, je choisis de booster mon métabolisme avec deux autres hormones : la testostérone et le mestérolone. À cette époque, je ne m’inquiète pas. Je suis même persuadé de l’effet bénéfique d’une telle décision, qui me paraît aller de pair avec mon traitement du diabète.
La testostérone permet d’accroître ma masse musculaire et ma libido, tandis que le mestérolone évite l’aromatisation de la testostérone en œstrogène. En gros, ça évite la pousse des seins et l’impuissance. Grâce aux piqûres, ma masse musculaire et ma force augmentent – tout comme ma confiance en moi, pendant que mon gras disparaît.
Malgré tous mes efforts pour avoir l’air en forme, la maladie me rattrape. Je suis touché par une complication de mon diabète, qui s’attaque désormais aux reins : la néphropathie diabétique. J’arrête les produits dopants, direction la dialyse. Je deviens horrible, gonflé, pâle, et je n’ai presque plus d’énergie. Je ne ressemble plus à rien. Ça dure pendant huit ans.
La mort d’un jeune homme de 18 ans me permet enfin de revenir à la vie. Je passe par une double greffe – rein et pancréas. Je ne suis pas tiré d’affaire pour autant. Au cours de la première année qui suit l’opération, je frôle cinq fois la mort. Les médecins m’évitent de justesse le rejet des transplants.
Trois ans après la transplantation, mon état se stabilise. Je vais survivre à tout ça, j’en suis maintenant sûr. La prise de produits peut reprendre. Mener une vie où j’aurais l’air d’un fantôme décharné, très peu pour moi. Sans aide chimique, il m’est impossible d’être en bonne santé – dans mon esprit et dans mon corps. Malgré tout, je ne suis pas à l’abri d’un rejet ou d’un accident. Je reviens de loin. Un ou deux produits ne vont pas suffire à me remettre en selle.
Aujourd’hui, pour soigner mon apparence, je consomme toujours de la testostérone et du mestérolone – par voie orale, à raison d’une prise par mois. À cause de mon traitement antirejet, il m’est impossible de m’exposer longtemps au soleil, à mon grand regret. Tout ça me pousse à me piquer au melanotan, un peptide qui déclenche un bronzage accéléré – ce qui a également pour effet de couper ma faim et de me faire perdre du poids. La première cure dure un mois environ. Les effets, au moins un an. Une piqûre de rappel de temps en temps rehausse le teint. Et puis, je ne veux pas devenir orange, alors j’y vais tranquillement. Si mon bronzage me donne l’air sain et vaut le coup, il entraîne tout de même de fortes nausées, qui me donnent l’impression d’avoir de l’acide dans l’estomac. Sinon, quand j’invite un plan cul chez moi, je me pique au PT 141 – un dérivé du melanotan qui fait office de stimulant sexuel et engendre de nombreuses érections, pouvant durer jusqu’à 12 heures. Mais, comme l’autre peptide, le PT 141 me file également la nausée.
Si mon apparence reste primordiale, entretenir un cerveau alerte est essentiel. Pour booster mes capacités cérébrales, j’utilise l’Adderal, une amphétamine habituellement prescrite dans le traitement du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité. J’ai testé le modafinil – un médicament amphétaminique traitant la narcolepsie – mais ça me rendait nerveux et agressif.
En ce moment, je me renseigne sur Internet au sujet d’autres produits, comme le piracétam – un nootropique qui augmente l’activité cérébrale – et des libérateurs d’hormones de croissance, afin de faire fondre ma graisse corporelle et garder ma masse musculaire. Il faut savoir que je me renseigne toujours avant d’ingérer un quelconque produit. De l’insuline de mes débuts aux hormones, stéroïdes, nootropiques, vitamines et peptides d’aujourd’hui, je n’ai jamais rien laissé au hasard. Je ne m’injecte un produit qu’après l’avoir étudié pendant des mois, voire des années. Je ne joue pas à la roulette russe : en plus des manuels médicaux que possède ma famille de médecins, je passe beaucoup de temps sur Internet à compiler des informations.
La transplantation a sauvé ma vie, mais ce sont ces produits qui me permettent de mener l’existence dont j’ai toujours rêvé.
Toutes ces substances me coûtent environ 150 dollars par mois. Je contrôle les prix en effectuant des recherches sur Google, ou Reddit. Je recherche notamment des bons plans qui me permettent de choper de la testostérone à bas prix à l’étranger. Ma dernière trouvaille : neuf dollars la dose, achetée en Asie. Aux États-Unis, un tel produit peut coûter jusqu’à 800 dollars par injection. Après, je ne fais pas non plus n’importe quoi – je ne commande jamais en Chine, par exemple. Le risque de contamination par des bactéries y est trop important. Je préfère donc les produits venant d’Inde, un pays aux normes pharmaceutiques parmi les plus strictes de la planète.
Tout ça peut sembler démesuré, mais mon cocktail maison fonctionne. La transplantation a sauvé ma vie, mais ce sont ces produits qui me permettent de mener l’existence dont j’ai toujours rêvé. Je vis toujours là où j’ai grandi, dans une ville côtière du sud de la Californie. J’ai le job de mes rêves. Je recrute des employés dont les salaires dépassent souvent les 600 000 dollars par an, pour le compte des plus grandes entreprises et start-up de la Silicon Valley. Les gens me compliment continuellement sur mon apparence, m’admirent sur les réseaux sociaux – tout ça vaut donc la peine, malgré les multiples effets secondaires des différents produits, entre maux de tête, nausées violentes, longues érections inopinées et j’en passe.
Vieillir craint, alors je me concentre davantage sur le quotidien. Je n’ai qu’une seule vie et je fais ce qu’il faut pour la vivre pleinement. Je suis comme Cendrillon au bal : je dois en profiter avant que tout s’arrête. Je ne peux pas me contenter de ce que la vie me donne. Si je l’avais fait par le passé, je serais mort. Je veux dépasser tous mes problèmes et devenir une meilleure version de moi-même.