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Des biologistes récupèrent de la morve de baleine à l’aide d'un drone

Pourquoi patauger dans l'eau avec une boite de Pétri puisque les drones sont déjà les champions du prélèvement biologique ?
SnotBot rencontre une baleine. Image: YouTube/DJI

L'évent des cétacés possède la même fonction que la narine chez l'humain. On s'attend donc à ce qu'il en sorte un mélange de morve, de vapeur et autres substances organiques lorsque l'animal expulse énergiquement de l'air à travers ce noble orifice. Mais pour les biologistes, l'évent est bien plus qu'un trou à l'emplacement un peu singulier. C'est une mine d'or.

En effet, les jets de liquide produits par les baleines, quoique collants et épais, permettent d'analyser l'ADN de l'animal, son microbiome, et ses caractéristiques hormonales en situation de stress ou pendant une grossesse. Mais on imagine bien que tenir une boite de Petri à quelques centimètres de la tête d'une bestiole d'une quinzaine de mètres n'est pas des plus commodes, même pour les scientifiques les plus aventureux.

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Le défi qui consiste à faire des prélèvement biologistes sur un cétacé a inspiré l'organisation Ocean Alliance, dont les activités sont orientées à la fois vers la recherche et la conservation. C'est ainsi qu'est né le SnotBot : un drone sur-mesure capable de récupérer des échantillons de morve de baleine de manière non invasive.

Selon la page Kickstarter de SnotBot (le projet a été financé l'année dernière par crowdfunding), le drone est conçu pour voler au-dessus de l'eau en anticipant le surgissement de la baleine à la surface. Quand l'animal sort sa tête de l'eau afin d'expulser le contenu de sa narine, le SnotBot collectera tranquillement son butin de morve avant de le rapporter aux biologistes postés sur un bateau à quelques centaines de mètres de là. Ses concepteurs ont fait en sorte qu'il soit parfaitement silencieux et sans danger pour l'animal. Ainsi, le drone constitue une alternative simple et extrêmement utilise à la « chasse à la baleine » qui compromet la tranquillité des cétacés et la qualité des observations avec des embarcations extrêmement bruyantes.

Le SnotBot en plein vol. Image: Ocean Alliance

L'équipe de recherche a modifié un DJI Phantom 4 et un Inspire 1 afin qu'ils soient capables de réaliser des tâches proprement scientifiques dans un contexte rigoureux. En collaboration avec l'École d'ingénieurs d'Olin, l'équipe a pimpé les SnotBots à l'aide d'un revêtement waterproof, de capteurs, et d'un système de navigation ultra perfectionné.

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Ocean Alliance espère que le SnotBot persuadera de nombreux biologistes qu'il est possible de travailler sur le terrain en toute sécurité sans avoir à investir dans du matériel hors de prix. Selon l'organisation, les disciplines issues des sciences biologiques nécessitant un travail de terrain exigent généralement des financements énormes et sont très concurrentielles. En outre, rien ne garantir que les données collectées soient utilisables par la suite.

« Les études qui ne s'appuient sur sur des petits échantillons posent problème. Il est très difficile de collecter des données de bonne qualité, surtout quand elles impliquent la collecte d'échantillons biologiques sur de grands animaux, » explique Andy Rogan, chef de la section scientifique d'Ocean Alliance dans un billet de blog. « SnotBot répond à ce problème en permettant au chercheur de prélever rapidement plusieurs échantillons biologiques sur une baleine, course vers le navire de recherche, puis de se mettre immédiatement en quête de la suivante. Les collections de données sont plus larges, de meilleures qualité, les sorties coûtent moins cher et sont plus efficaces. »

La recherche sur les baleines est évidemment limitée par la taille des collections de données, et la difficulté à les récupérer. La population de baleines à bosse croît inexplicablement de 10% chaque année, tandis que celle d'Hawaï a mystérieusement disparu, par exemple. C'est dire à quel point on connaît mal cette espèce. Et moins on en sait sur elle, plus il sera difficile de croiser des individus afin de collecter des données supplémentaires.

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Les conditions océaniques changent à un rythme très rapide en raison du réchauffement climatique, et dans le contexte d'une expansion des routes maritimes et d'une extraction accrue des ressources naturelles, il est important de comprendre comment les cétacés réagissent à tous ces changements. En l'occurrence, les échantillons biologiques issus des évents de baleine permettent d'étudier la réaction des animaux aux facteurs de stress environnementaux au niveau moléculaire.

Les agences de réglementation de l'utilisation des drones s'inquiètent néanmoins du risque qu'ils pourraient constituer pour les baleines, dont plusieurs espèces sont menacées. En 2015, le directeur d'Ocean Alliance, Iain Kerr, a déclaré au Boston Globe que l'Administration américaine de l'air et des océans (NOAA) et l'Administration fédérale américaine de l'aviation (FAA) n'avaient pas vraiment facilité la tâche du SnotBot.

Selon l'Acte de protection des mammifères marins de la NOAA, il est illégal de faire voler un aéronef à moins de 300 mètres d'un animal protégé (comme les baleines à bosse.) Dans le même temps, la FAA interdit aux drones privés de voler à plus de 120 mètres de haut. Cette année, la NOAA a envoyé un avertissement à une femme qui avait posté sur Youtube une vidéo d'une baleine franche de l'Atlantique Nord, qu'elle avait filmée à l'aide d'un drone.

Les drones et les avions de loisir pourraient interférer avec les trajets migratoires des baleines, ainsi qu'avec leurs habitudes alimentaires, leurs cycles de reproduction, etc., explique un représentant de la NOAA. L'agence souligne que l'utilisation de drones à des fins scientifiques officielles ne pose pas de problèmes en soi, mais que des amateurs téméraires et mal informés pourraient harceler les animaux sans s'en rendre compte.

Ocean Aliance explique qu'elle a été très prudente, et qu'elle a demandé un permis à la NOAA et une certification à la FAA. On ignore si les images de SnotBot utilisées pour la campagne Kickstarter ont été prises conformément à la réglementation.

L'équipe SnotBot s'est aventurée récemment au sud de la mer de Cortez à la recherche de baleines bleues, à bosse, grises et noires. La mission a été un franc succès ; c'est la seconde fois que des drones sont utilisés dans le cadre de missions de terrain en biologie animale.

On espère que la réglementation évoluera en faveur des scientifiques, qui obtiennent des financements de plus en plus faibles et doivent s'adapter à des contraintes matérielles toujours plus fortes. Ce qui est certain, c'est que dans un futur proche, les baleines vont devoir faire face à des périls bien plus grands qu'un drone collecteur de morve.