L'homme qui faisait pousser le paprika le plus chaud de toute la Hongrie

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L'homme qui faisait pousser le paprika le plus chaud de toute la Hongrie

Sur les terres du poivron magyar, László Diczkó a fait le choix de pimenter sa vie en vivant du piment.
Lazlo Dizko

Il a sorti la tenue de circonstance. Short et tee-shirt manches courtes siglé « Chilihungária Manufaktúra » avec trois paprikas aux couleurs nationales de la Hongrie. Rouge, blanc et vert unis par le piquant du piment.

Depuis cinq ans, László Diczkó fait son beurre en travaillant le poivron magyar, vedette consommée à toutes les sauces – épicées, de préférence. Choix sacrément finaud au pays du goulasch, du pörkölt (ragoût de viande) ou du halászlé (soupe de carpe, de silure et de brochet) dont le paprika embaume les fumets.

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Dizko Lazlo Paprika

László Diczkó. Toutes les photos sont de l'auteur.« poivre du pauvre »

En France, c'est surtout sous la forme d'une poudre carmin – dans un couscous ou des dim sum – qu'il nous parle. Mais c'est mal connaître ce condiment qui se balade parfois sous l'alias de .

Car au-delà de gonfler le frigo de László, quasi-quinquagénaire (47 piges) basé à 200 bornes de Budapest, le paprika est un poivron incurvé à l'aura gustative et commerciale inouïe. La base des repas danubiens et des goodies à motifs inondant les boutiques souvenirs de la capitale. Une icône transformée en nectars succulents par l'ex-ingénieur, aujourd'hui alchimiste de la capsaïcine.

Semaison en février-mars, récolte dès fin-août avec gants renforcés et masque de rigueur pour cueillir les plus costauds sans chialer comme une fontaine.

La capsaïcine, c'est cette substance accélératrice de pleurs quand on se prend une lacrymo (judicieusement baptisée « paprika-spray » en magyar, ndlr) dans la tronche. C'est aussi le coup de foudre culinaire de László. « Quand je voyais mon père mettre du paprika-piment dans son húsleves (bouillon de poule), je pensais que c'était vraiment un acte d'adulte, d'homme courageux. Jeune, j'essayais de l'imiter mais ma gorge ne tenait pas la distance. Entre-temps, j'en ai apprivoisé le goût et j'arrive à vivre de ce trésor que ma grand-mère cultivait dans son jardin ».

Serre Dizko

La serre de László Diczkó.ños

Dans celui de László, les 36 variétés trustent 2 500 mètres carrés. Les mignons habaneros et jalape côtoient les boursouflés Ghost Pepper et Naga Dorset. Les bombes Trinidad Scorpion et Carolina Reaper (piment le plus hard du monde) ont aussi leur coin.

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Semaison en février-mars, récolte dès fin-août avec gants renforcés et masque de rigueur pour cueillir les plus costauds sans chialer comme une fontaine. Puis découpe fine au trancheur et préparation parfois agrémentée de tomates, de gingembre et d'aulx.

De ses poivrons, László obtient dix coulis ; du classique barbecue à l'épique « Spirit of Attila » grâce auquel il a décroché la timbale aux World Hot Sauce Awards 2015

« Le paprika aime la lumière et la chaleur, mais pas la canicule », explique l'agriculteur. « Je surveille de près la température sous les serres et les bâches qui protègent mes 10 000 plants des UV et des intempéries. Si nécessaire, j'aère avec des ventilos. Par exemple, là, 40, c'est trop chaud. 35, ça serait plus supportable. Et en dessous de 8, ton pied n'a aucune chance. »

De ses poivrons, László obtient dix coulis ; du classique barbecue à l'épique « Spirit of Attila » grâce auquel il a décroché la timbale aux World Hot Sauce Awards 2015 organisés en Louisiane. « J'ai rempli un formulaire, envoyé la marchandise par colis et on m'a rappelé derrière. J'étais aux anges », dit-il.

Mixture Dizko

Les fragiles du système digestif peuvent se consoler via une confiture de myrtilles ou une crème de chocolat mâtinées de chili. « Il faut 110-120 grammes de matière pour un bocal de 100 millilitres. Plus la mixture contient de paprika, plus elle sera puissante », ajoute le producteur. Ses créations sont rassemblées dans sa Diczkó-thèque aux allures de showroom improvisé.

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La dernière en date s'appelle « Hab'n'go ». Une sorte de compote avec des morceaux de habanero et de mangue macérés dans de l'eau sucrée. Elle rejoint « Kényes halál » (Mort subtile) et « Tűzés Mennykő » (Tonnerre de feu) au palmarès des noms coolos imaginés par László et sa tribu. L'épouse reçoit les commandes et s'occupe de la compta. Le fils aîné, bossant dans l'informatique, élabore le graphisme des étiquettes. La cadette lycéenne participe aussi aux brainstormings familiaux.

« Quand je voyais mon père mettre du paprika-piment dans son húsleves (bouillon de poule), je pensais que c'était vraiment un acte d'adulte. »

« Le débat du moment, c'est la recette de l'Arany Szarvas (Le Cerf d'Or, un personnage mythologique local, ndlr) que je veux modifier histoire d'épater les jurys des concours spécialisés », indique le compétiteur.

« On réfléchit aussi à développer des comptes Twitter et Instagram en plus de la page Facebook ou de notre présence sur les salons et les marchés qui nous amènent une belle visibilité. Mais au fond, les six distinctions obtenues en cinq ans sont notre meilleur outil de com'. Après celle de 2015, j'ai même eu un coup de fil de Tokyo. Tokyo, tu te rends compte ? »

Poivron Paprika Hongrois

Réaliste, László préfère se concentrer sur la Hongrie plutôt que sur les frais de port vers le Japon. Il alimente d'ores et déjà une quarantaine de clients réguliers dont le resto haut de gamme Fatál au cœur du très cossu 5e arrondissement de Budapest et le Chili Dog style « diner » près de l'aéroport Ferenc Liszt.

Un job plus bandant que celui de certaines entreprises hongroises capitalisant sur les vertus aphrodisiaques du paprika pour le vendre sous forme de comprimés, substitut du Viagra. « Écoute, les types qui vendent ces capsules soi-disant excitantes font leur truc. Le mien, c'est de satisfaire les gourmands ». Déguster vous confirmera ma sensation : pas besoin de médicaments pour avoir la gaule.