Le restaurant qui n'avait qu'un seul employé

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Le restaurant qui n'avait qu'un seul employé

À 28 ans, Dennis de Haan est à la fois chef, serveur, plongeur et sommelier. Et jusqu'ici, tout va bien.

La restauration est un secteur dans lequel l'offre est toujours plus forte que la demande. Alors qu'un nombre croissant de chefs décident de bosser en freelance, les patrons de restaurants ont de plus en plus de mal à trouver du personnel tant la main-d'œuvre se fait rare. Mais s'il y a bien quelqu'un qui ne connaît pas ce problème, c'est Dennis de Haan. Ce jeune chef de 28 ans est à la tête de son propre restaurant, le De Haan, à Groningen, aux Pays-Bas. L'endroit peut accueillir seize convives et propose cinq services. La cuisine est ouverte il y a un bar à vins. Son ultime particularité ? C'est Dennis qui fait tourner la maison. Tout seul. Cinq jours par semaine, Dennis ne fait pas « juste » la cuisine : il s'occupe aussi du service et de la plonge. Et son business est florissant : son carnet de réservations est complet sur les deux prochains moins.

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Il fallait que j'aille lui rendre visite pour essayer de comprendre comment il se démerde pour gérer tout ça.

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À mon arrivée, Dennis m'accueille en me proposant un café. Seule condition à ce traitement de faveur : savoir se le servir moi-même. Car c'est comme ça que ça marche, ici, chez De Haan : les convives se servent eux-mêmes les boissons qu'ils consomment. Sur la carte du restaurant, il y a des recommandations de vin pour chaque plat et les bouteilles correspondantes sont gardées au frais dans un réfrigérateur en libre-service. Au client de cocher ce qu'il consomme directement sur le menu – c'est ce qui fait office d'addition.

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Pendant qu'il prépare le dessert du soir (des sucreries enrobées de chocolat), Dennis raconte comment il a eu l'idée d'ouvrir son restaurant : « L'idée a germé dans ma tête il y a quatre ans. Je me disais : "Pourquoi ne pas faire les choses plus efficacement, plus rapidement et surtout, mieux ? J'ai toujours voulu avoir ma propre affaire, mais ouvrir un restaurant et embaucher du personnel, c'est beaucoup plus compliqué que de le faire en solo. »

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Vous l'aurez deviné, Dennis a l'art de l'organisation. Dans sa cuisine en Inox, on trouve par exemple un tiroir plein d'épices, rangés dans des bocaux numérotés. « Chaque plat a sa propre surface de cuisine. Tous les ingrédients sont à portée de main. » Pas un centimètre carré n'a été laissé au hasard.

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« Quand on ouvre un restaurant dans un bâtiment qui a été construit pour être un restaurant, tous les éléments de cuisine sont déjà là et vous ne pouvez pas donner votre avis. Mais ça ne pouvait pas marcher ici. Je voulais un espace complètement vide. J'ai pu concevoir et aménager cette cuisine comme je l'entendais », explique-t-il.

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Je regarde autour de moi. Effectivement, Dennis a pensé à tout. Le mixeur plongeant est rangé dans un réceptacle qui m'a tout l'air d'être le pied d'une brosse à WC. J'ai le même à la maison. « C'est effectivement le réceptacle d'une brosse de toilettes », confirme-t-il avec un sourire. « On peut sortir le mixeur facilement, c'est pratique. Et le fil électrique est suspendu avec un mousqueton pour éviter qu'il ne traîne sur les plaques de cuisson. »

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Les couverts sont rangés en fonction de chaque plat. Pareil pour les verres. « Même quand je n'explique pas le concept en début de soirée, les gens comprennent où trouver les couverts. » Cet endroit ressemble de plus en plus à une ingénieuse boîte à outils qui serait déguisée en restaurant.

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« La soirée en elle-même n'est pas le plus fatigant. C'est la mise en place qui prend le plus de temps. On court contre la montre, tout doit être prêt avant l'arrivée des clients, à 18 heures » Les convives ont ensuite le choix entre un menu à trois, quatre ou cinq services.

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Petit à petit, astuce après astuce, je commence à comprendre comment Dennis s'y prend pour faire tourner son restaurant tout seul, cinq jours sur sept. « En une semaine, je sers soixante-dix convives. Donc quand je fais des bonbons, je n'en fais pas quinze par soir. J'en fais soixante-dix, pour toute la semaine. Ou bien si je peux, j'en fais 300 ». Une autre astuce de Dennis : « Je conserve sous vide ou bien je congèle certains ingrédients frais pour qu'ils se conservent le mieux possible. Du moment que la conservation ne ruine pas leur qualité, ça ne pose pas problème. » Dennis n'est d'ailleurs pas le seul à procéder de la sorte. « Quand je bossais chez Parkheuvel (un restaurant étoilé de Rotterdam), on faisait parfois des trucs trois mois à l'avance. Les meilleures tables font toutes ça car elles doivent être efficaces si elles veulent maintenir leur qualité. Autrement, on gâche son temps ».

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Des boulettes de faisan que Dennis avait préparé pour un repas familial.

Le menu change tout le temps. Le jour où je suis venu, Dennis travaillait sur de nouvelles recettes pour le mois suivant : raviolis de champignons pour les végétariens et épaule de chevreuil pour les autres. « Mon style est simple et centré sur les produits de saison. Je retrouverai du bœuf en Janvier donc aujourd'hui, je préfère utiliser du chevreuil. »

Je demande à Dennis s'il lui arrive d'être nostalgique de l'ambiance d'une cuisine qui fourmille. « Le bavardage, ça ne me manque pas. Même ma petite amie, qui débarque parfois vers 16 heures, je dois parfois lui demander de repartir. La cuisine absorbe toute mon attention et ma concentration. Tant que je reste seul en cuisine, tout se passe bien. Je garde le rythme, je suis concentré et c'est comme ça que j'arrive à faire tout ce qui doit être fait ».

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Une fois que les convives ont fini leur repas, le chef se met à la plonge. Il a la vaisselle nécessaire pour assurer tout un service sans devoir laver quoi que ce soit. Les marmites et les assiettes trempent dans l'eau savonneuse tandis que les couverts sont mis dans un réceptacle à part. « Encore un truc de brosse à chiottes », commente Dennis. Cette obsession pour les contenants de brosses à WC est un peu étrange mais Dennis explique qu'ils sont faciles à laver et en inox.

Tout ça pour finalement pouvoir servir de bons plats. « Tu peux tenir une idée de resto géniale, mais si les convives n'aiment pas la bouffe, ça ne sert à rien. Personne ne viendrait ».

Je demande à Dennis si ça ne le barbe pas un peu, toute cette vaisselle. « Non, je ne déteste aucune facette de ce métier. Le seul truc qui me saoule, ce sont les choses qui demandent trop de temps. Quand ça m'arrive, je réfléchis pour voir comment faire plus rapidement. Et voilà comment je fais tourner ce restaurant. »

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