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politique

Ne laissons pas le fossé se creuser entre la droite anti-islam et la réalité

Notre nouveau documentaire sur les Soldats d’Odin fait la lumière sur un groupuscule de droite qui prend de plus en plus de place au Québec et au Canada.

Lors d'une entrevue avec le maire de Montréal Denis Coderre pendant la couverture en direct de la fusillade à la grande mosquée de Québec, le chef d'antenne de TVA Nouvelles a évoqué l'idée selon laquelle l'attaque serait en quelque sorte ironique.

« On aurait pu imaginer le contraire, disait Pierre Bruneau, qu'une communauté musulmane ou qu'un groupe extrémiste musulman commette un geste, mais que nous ou quelqu'un d'une autre communauté attaque les musulmans, c'est un terrorisme à l'envers, si vous me permettez l'expression. »

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Bruneau a vite compris qu'on ne lui permettait pas l'expression. Le journaliste s'est excusé lundi « pour la formulation malhabile », tout en précisant « qu'il n'était aucunement dans [son] intention de faire quelque amalgame que ce soit entre le terrorisme et la communauté musulmane ».

Cela dit, la gaffe de Bruneau illustre bien le gouffre qui sépare la réalité de l'imaginaire quand il est question du terrorisme, notamment en ce qui a trait à l'origine des victimes du radicalisme, ainsi que la véritable fréquence des attaques.

Cette perception erronée est au cœur de notre incursion dans le monde des Soldats d'Odin. Si le groupe rejette les étiquettes d'extrême droite qui lui collent à la peau, ses orientations politiques témoignent d'une préoccupation démesurée avec la tension entre des valeurs dites occidentales et celles des musulmans québécois. La réalité de la menace terroriste est tout autre que celle qu'ils appréhendent. (Et le sophisme selon lequel on ne peut être raciste contre des musulmans parce que les musulmans ne forment pas une race, tel que mentionné dans le documentaire, ne peut être pris au sérieux.)

Selon le Global Terrorism Database, de 2010 à 2015, il y a eu 14 cas de terrorisme sur le sol canadien, dont trois au Québec. Au total, sept personnes sont mortes dans les attentats et huit autres ont été blessés. À titre comparatif, on estime que la foudre tue neuf ou dix personnes par année au Canada et en blesse entre 92 et 164 autres. L'idée que les Canadiens et les Québécois vivent sous le joug de la menace terroriste semble toutefois être en cours de se répandre.

Il y a lieu d'avoir des débats autour du rôle de la religion dans la société civile, mais ceux-ci doivent quand même s'appuyer sur des faits. Or, comme le démontre notre documentaire, une frange de la droite canadienne et québécoise est aujourd'hui en proie à des croyances qui sont non seulement exagérées, mais parfois inventées de toutes pièces.

L'idée ici n'est pas de ridiculiser, ni de mettre en valeur, ni d'exagérer l'importance des Soldats d'Odin ou de leurs pairs dans des groupuscules semblables. Il s'agit plutôt de faire la lumière sur le fossé qui se creuse entre les croyances d'une droite radicale de plus en plus revendicatrice et la réalité.