FYI.

This story is over 5 years old.

Culture

Cet élégant robot est un critique d’art

Berenson le robot juge d'un oeil expert l’exposition « Persona : Étrangement humain » au Quai Branly.
Courtesy of Denis Vidal

Il fut un temps où le critique d’art avait un pouvoir considérable. Capable de faire monter ou de couler un artiste, ou du moins d’influencer l’avis du public, les critiques d’art tombent désormais comme des mouches dans les médias traditionnels, tandis que ceux qui s’en sortent font face à un monde de l’art qui n’est au final q’une sorte de miroir des lois du marché de Wall Street. Cela tombe donc plutôt bien que le robot-critique d’art Berenson vagabonde dans les allées du musée du quai Branly pour l’exposition « Persona : Étrangement humain ».

Publicité

Vêtu d’un chapeau melon et d’un manteau noirs, d’une écharpe blanche, Berenson a été nommé d’après le critique d’art américain Bernard Berenson, notablement connu pour ses attributs vestimentaires similaires. Et comme tout critique d’art qui se respecte, il observe religieusement les vitrines du musée et ses collections d’art extra-européen.

Publié avec l'aimable autorisarion de Denis Vidal

Berenson a été conçu et dessiné par l’anthropologue Denis Vidal et l’ingénieur en robotique Philippe Gaussier. Grâce à une caméra placée dans son oeil droit, il enregistre les réactions des gens face aux oeuvres. Ces enregistrements sont recoupées via un ordinateur situé derrière un mur de l’exposition. Les réactions positives sont représentées par des cercles verts, les négatives par des rouges. En fonction de la fréquence de cercles verts ou rouges, Berenson sourit ou fronce les sourcils. Ce simulateur de réseau neuronal est la base sur laquelle Berenson construit ses propres jugements.

« Le contrôle est effectué grâce à un simulateur de réseau neuronal appelé Prométhé », explique Vidal à The Creators Project. « On stimule en parallèle plusieurs réseaux neuronaux permettant la connaissance et la reconnaissance de stimuli visuels, pour contrôler les déplacements du robot et éviter les obstacles (le robot peut même éviter de sortir de la zone expérimentale si nécessaire). Le travail sur Berenson a nécessité de nombreuses et diverses recherches que nous avons effectuées sur la manière dont les animaux et les humains peuvent reconnaître un endroit, une scène ou un objet. »

Publicité

Robot Berenson © musée du quai Branly. Photo: Cyril Zannettacci

« Nous lui avons donné le nom et l’apparence d’un esthéète du 19e siècle, à la fois pour le fun et pour démystifier les conneries futuristiques qui entourent parfois la robotique » explique Vidal. Après avoir dessiné Berenson, Gaussier et lui se sont demandés comment leur robot réagirait s’il était dans un musée. Serait-il possible, s’interrogent-ils, pour un robot de construire des préfères esthétiques d’après ses interactions avec le public ? Ces réflexions ont conduit à sa promenade dans les salles du musée du Quai Branly.

« Dans le musée, l’apprentissage est défini par un ensemble de visiteurs  à qui l’on demande de montrer l’objet qu’ils ont préféré à Berenson dans notre zone d’expérimentation mais également une oeuvre qu’ils n’ont aimée (ou qu’ils ont trouvé moins intéressante) » ajoute Vidal. À la fin de chaque journée, Berenson a analysé entre 10 et 20 statues, et pour chacune d’elles, des dizaines d’opinions de visiteurs. Chaque avis est associé, grâce à un mécanisme de conditionnement classique, à une valeur positive, négative ou neutre. »

Si le contexte est « aller vers des objets positifs » et Berenson est face à deux objets (un positif, un négatif), Vidal dit qu’il se tournera vers l’objet positif et va sourire. Mais si Berenson fait face à seulement un objet négatif, il va prendre un air triste et s’en détacher, évitant des obstacles au hasard.

Robot Berenson © musée du quai Branly. Photo: Cyril Zannettacci

« À un moment donné, il va détecter un objet “positif” et va aller dans sa direction (Berenson peut avoir le comportement positif si les paramètres sont réglés sur “aller vers les objets négatifs”), rapporte Vidal. « Car la reconnaissance des avis est basée sur un mécanisme de compétition, les nouveaux objets activent les neurones associés à la reconnaissance des formes les plus proches (avis des visiteurs) précédemment assimilés et Berenson va répondre en fonction des précédents apprentissages (propriété de généralisation). »

Si l’on observe Berenson d’un point de vue satirique, ce qui est amusant c’est que le robot-critique d’art est une bonne métaphore de ce qui se cache derrière la critique d’art et la critique culturelle en générale, des médias web. Entre les réseaux sociaux et la recherche, les données et les algorithmes pointent les tendances émergentes, drainant ce qui est couvert, critiqué et vu. Donc Berenson est peut-être un robot-critique d’art primitif mais il correspond plutôt bien à ce qu’il se fait aujourd’hui dans la critique en ligne.

Selon Vidal, Berenson restera au quai Branly jusqu’en novembre mais sera dans l’exposition seulement de temps en temps. Vous pouvez voir Berenson en action sur Business Insider ou cliquer ici pour en savoir plus sur le musée.