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Comment je suis devenu supporter du Barça grâce à PES 5

Tout à commencé sur une console de jeux pour finir dans les travées du Camp Nou.
Albert Gea/Reuters

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J'ai toujours adoré le foot. J'ai adoré jouer dans la rue même quand il fallait chercher la balle coincée sous une voiture. J'ai adoré jouer dans la cour avec une balle en cuir, puis avec des balles en mousse pour ne pas tout casser. J'adorais même les entraînements alors que courir en pas chassés ou se faire des sessions entières de passes à une touche me faisait royalement chier. Mais bon, j'étais un gamin passionné, avec des rêves plein la tête et, à 6 ou 7 ans, bien avant l'ère YouTube, je pensais encore que je pouvais devenir pro.

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J'avais pas de club préféré. En fait, je regardais pas de tant de matches à la télé, ma mère voulait que je me couche tôt, du coup je ne connaissais pas grand-chose au monde du ballon rond. Pour une raison qui m'échappe j'ai commencé à un certain moment à kiffer Patrick Kluivert. Le mec était trop fort, avait un nom et une tête sympas, alors j'ai décidé que ça serait mon joueur préféré. Du coup je me suis plus ou moins mis en tête que Barcelone serait mon club. Mais bon je suivais les résultats de loin et j'allais jamais au stade. Ma mère m'a quand même emmené une fois au Camp Nou, en 2000. C'était pour le trophée Joan Gamper, Kluivert était remplaçant, Riquelme a marqué le seul but de la rencontre, j'en garde un super souvenir. Mais bon, je me suis pas trop accroché à l'équipe. J'avais seulement 10 ans et une mère qui n'était toujours pas chaude pour que je me couche à pas d'heure pour voir du foot.

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Du coup, j'ai jamais pu vraiment suivre une équipe et ça m'intéressait pas tant que ça. Durant des années, j'ai plus ou moins abandonné l'idée d'avoir une identité footballistique. J'habitais à Paris, mais être fan du PSG c'était pas vraiment cool à l'époque, et puis j'ai commencé à préférer jouer à « fille attrape garçon » au lieu de me niquer les genoux sur le bitume. Et puis un jour, mon père m'a parlé d'un certain Lionel Messi. C'était un gamin de 16 ans qui venait de Rosario, comme lui, et qui avait joué pour les Newell's Old Boys, club dont il était fan. Il faut savoir quelque chose des gens qui viennent de Rosario. Ils sont très fiers de leur ville. Vraiment très fiers. Si vous leur demandez s'ils sont Argentins, ils vous répondront « non, je suis Rosarino ! ». Selon Hugo Gambini, journaliste argentin qui a écrit un livre sur le Che, quand on demandait au révolutionnaire quel club il supportait, il répondait « Rosario Central. Je suis Rosarino ! » Le mec a dû quitter la ville quand il avait à peine 1 an ou 2 parce qu'il était asthmatique, mais il est resté attaché à ce point. Vous réalisez le niveau de folie.

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Bref, quand vous venez de Rosario, si un joueur de votre ville signe un contrat à Barcelone vous êtes plutôt excité. Mon père m'a donc raconté l'histoire de ce petit mec qui n'avait pas l'air d'avoir fini sa croissance ou commencé sa puberté. En plus, mon père connaissait le médecin qui avait soigné Messi et prescrit ses piqûres pour qu'il devienne plus haut que trois Ballons d'or. En gros, si à ce moment-là j'avais commencé à tourner un reportage, j'aurais été le premier et j'aurais eu toutes les infos qu'on a depuis entendues mille fois. Mais bon partir sac au dos en Argentine à 13 ans c'était pas trop d'actu. On est au début de la saison 2005-2006 et je ne sais pas encore à quel point ma vie et celle du monde entier va changer.

Mais comme mon père, j'avais un feeling. Alors quand PES 5 est sorti cette année-là, j'ai pas hésité une seule seconde : je suis allé chercher au fin fond du banc des remplaçants le petit Messi et je l'ai mis sur le flanc droit à la place de Ludovic Giuly. On est au début de la saison 2005-2006 et je ne sais pas encore que je suis le coach le plus visionnaire de l'histoire des jeux de foot.

Mes potes se foutaient pas mal de ma gueule d'ailleurs. Giuly était en pleine bourre, ses stats étaient meilleures à tous les niveaux. Il était plus rapide, plus technique, plus précis, il faisait des meilleures passes, des meilleures frappes, il était au-dessus quoi. Mais ça m'intéressait pas tout ça, je voulais juste kiffer avec mon poulain. Je leur disais que « ce mec c'est un futur génie, je mise sur lui maintenant comme ça vous chialerez pas quand je prendrai Barcelone sur PES 10 et que ça sera le joueur le plus fort du jeu ». Bon, si j'ai mal calculé mon coup par rapport à PES, j'ai quand même vu juste avec Messi. Et je peux vous dire que j'ai hurlé plus d'une fois quand j'ai marqué avec La Pulga. Si vous croyez qu'Omar Da Fonseca fait du bruit quand il s'extasie devant Messi, imaginez un autre Argentin qui a pour passion de foutre le seum à ses potes sur PES, marquer un but avec un joueur pas très fort.

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J'entrais en transe dès que Leo touchait la balle. J'essayais déjà de dribbler tous les joueurs de l'équipe adverse et de marquer des buts épiques. Le mec était crevé, jouait sur une jambe, que je le sortais pas. J'avais qu'un seul objectif, que tout le monde sache qui est Lionel Messi, et surtout que tout le monde se souvienne que j'étais le premier à en parler. Pour pousser le vice, je portais même pendant les matches le faux maillot que mon père m'avait acheté avec le numéro 30 floqué dessus.

J'ai commencé à développer une obsession pour ce joueur alors qu'il aurait pu devenir un énième tube de l'été qui ferait carrière dans les bas-fonds de la Liga, comme le sont devenus plus tard les Cuenca, Tello et bientôt Sandro et Munir. Mais avec mon excité de père qui m'appelait à chaque nouvelle perf' et mes buts d'anthologie sur PES, c'était dur de ne pas y croire et de ne pas vouloir rêver. J'avais la sensation que ce mec c'était un peu moi et qu'il réalisait mon rêve de devenir pro. Donc pour rien au monde j'allais le lâcher.

Quand il a mis la misère à Del Horno en 1/8ème de finale de la Ligue des Champions, je suis resté tranquille dans mon coin, c'était trop tôt pour la ramener. Quand cet idiot de José Pekerman, le sélectionneur de l'Argentine, a décidé de faire rentrer Julio Cruz à la place de Crespo face à l'Allemagne pendant le ¼ de la coupe du monde 2006, alors que Messi rongeait son frein sur le banc, j'ai su au fond de moi que son heure viendrait quand même.

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Puis est venu le 18 avril 2007. J'étais chez ma mère en train de regarder la Nouvelle Star. Le téléphone de la maison a sonné. Mon père était comme un fou. « Que golazoooooooo !!! El mismo que Diego !!! Que Golazo !!! ». J'ai dû attendre le lendemain pour revoir son chef-d'oeuvre face à Getafe sur internet. Ce jour-là je me suis juré que je ne raterai plus jamais aucun but de Messi. Je me suis dit aussi qu'il n'y aurait rien de plus jouissif que de le voir marquer en vrai.

Mais bon, j'étais encore trop jeune pour partir seul à Barcelone, et Paris était trop nul pour espérer les rencontrer en Ligue des Champions. J'ai donc pris mon mal en patience, et commencer à vibrer de plus en plus fort pour les blaugrana devant ma télé. L'amour longue distance, ça marche jamais, sauf avec le foot et que vous arrivez à convaincre votre mère de s'abonner à Canal. Pour moi c'était lors de la saison 2008-2009, coup de bol.

Juste quand je suis arrivé à un âge pour comprendre le football, la technique, le mouvement des joueurs, les appels sans ballon, est arrivé en Catalogne le meilleur des professeurs : Pep Guardiola. Comment ne pas rêver devant tant de génie, de classe, d'intelligence de jeu, de perfection, symbolisés par le Barça de cette année-là ?

On a tendance à l'oublier, mais à cette époque personne ne comprenait encore ce qui se passait. Personne ne savait comment défendre face à cette équipe qui trouvait toujours la solution. Xavi à la baguette, c'était mieux qu'un pain au chocolat au réveil. Le mec avait 10 secondes d'avance sur tout le monde, et quand il voulait accélérer il n'avait qu'à servir Messi, Eto'o ou Henry qui trouvaient mille et une façons de la mettre au fond. Et si tant est que vous arriviez à passer le milieu de terrain une fois dans le match, vous aviez le capitaine Puyol qui venait vous bouffer les jambes et vous renvoyer chez votre mère.

Arriver à maturité dans sa compréhension du football et être supporter du Barça cette année-là, c'est aussi bon que de découvrir pour la première fois la musique à Woodstock ou Coachella. L'extase totale et l'impression d'être sous drogue tellement on nage dans le bonheur.

Autant dire qu'à la fin de la saison je n'ai pas hésité et j'ai pris mes billets pour Barcelone. Depuis j'y vais chaque année, quand c'est pas les joueurs qui viennent à moi pour taper Paris en C1 (presque à chaque fois). En 2013 je suis devenu membre de la Penya Blaugranor et j'ai surtout commencé le processus pour devenir socio. C'est un processus intéressant d'ailleurs. Si tu n'as pas de parents, grand-parents, beaux-frères ou belles-soeurs qui le sont, si tu ne l'as pas été pendant au moins deux ans par le passé, tu dois passer par la case « Carnet de Compromis ». En gros c'est une mise à l'épreuve qui montre ta volonté de devenir socio et ton amour pour le club. Pour l'obtenir, tu dois venir une première fois à Barcelone au bureau des supporters et payer une centaine d'euros pour enclencher la procédure. Cette première fois est plutôt cool, parce que tu signes un papier officiel avec l'en-tête du club, donc t'as carrément l'impression de signer ton contrat au FC Barcelone.

Ensuite pendant trois années de suite, entre juin et octobre, tu dois revenir dans ce même bureau pour re-signer le papier et repayer à nouveau. 135 balles chaque saison pour avoir le droit de rentrer au musée gratos, avoir accès aux places pour les Clasicos avant les autres et surtout pour prouver mon Barcelonismo. Mais bon, quand on aime on ne compte pas.