Le président haïtien Michel Martelly a quitté ses fonctions ce dimanche sans personne pour le remplacer. Cette situation a créé un vide au niveau du pouvoir, ce qui a provoqué une série d’affrontements sanglants entre la police et des manifestants en colère.
Le dernier tour des élections censées désigner un successeur a Martelly a été repoussé de manière indéfinie en décembre dernier, après que des irrégularités ont été observées lors du premier tour de ce scrutin. Ce samedi, moins de 24 heures avant la fin du mandat de cinq ans qu’a exercé Martelly, le parlement haïtien a établi les bases d’un accord lui permettant d’élire un président intérimaire pour un mandat de quatre mois.
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« Martelly partira, mais Haïti restera », a déclaré le président haïtien ce dimanche après-midi, en parlant de lui à la troisième personne, lors de son discours de fin de mandat. « Quand vous pensiez attaquer Martelly, vous le faisiez contre le pays. »
Il a conclu son discours en disant « Que Dieu vous protège et protège Haïti, Ayibobo » — ce qui signifie « Amen » ou « Alleluia » en créole — avant de remettre son écharpe présidentielle au président de l’Assemblée, dans un geste symbolisant le transfert du pouvoir.
Michel Martelly, un ancien musicien aussi connu sous le nom de « Sweet Mickey », avait été élu en mai 2011, plus d’un an après le séisme dévastateur qui avait ravagé Haïti, faisant 200 000 victimes et mettant plus d’un million de personnes à la rue. Martelly ne pouvait pas se représenter, en raison d’une disposition constitutionnelle qui empêche tout mandat présidentiel consécutif. Le premier tour du scrutin visant à lui trouver un remplaçant avait été émaillé de fraudes et de violences.
Cette situation politique chaotique — à laquelle il faut ajouter la pauvreté, entre autres problèmes qui affectent ce pays des Caraïbes — a suscité une vague d’émeutes dans la capitale, Port-au Prince. Des manifestants ont lapidé un homme à mort ce vendredi, et une équipe de VICE News a vu des centaines de manifestants anti-Martelly jeter des pierres et des blocs de béton sur la police ce samedi. Les forces de l’ordre ont répliqué avec du gaz lacrymogène et ont effectué plusieurs arrestations. Les troupes de la MINUSTAH (la mission de maintien de la paix de l’ONU en Haïti) ont sécurisé la place principale de la capitale.
Un homme portant un bracelet rose mentionnant son soutien à Martelly s’est retrouvé par erreur dans la manifestation, et a été attaqué par la foule aux abords du palais présidentiel, ce samedi. Sa tête a été touchée par un morceau de béton, et il saignait abondamment lorsque la police l’a emmené dans un camion situé non loin de là.
Un partisan du président sortant d’Haïti attaqué lors d’une manifestation anti-gouvernement. Le mandat de Martelly a pris fin dimanche soir.
Haïti n’est pas encore parvenu à établir une démocratie stable, suite à la chute du régime des Duvalier en 1986. Son système politique souffre depuis de tentatives de coup d’État et de fraudes électorales répétées. Depuis janvier 2015, le président Martelly dirigeait le pays surtout grâce à des décrets, alors que ce pays n’a pas réussi à organiser des élections parlementaires ou locales.
Aux environs de 13h00 (heure locale) ce dimanche, des manifestants ont commencé à organiser un énorme rassemblement en devant le Palais Présidentiel, malgré la démission de Martelly, cette opposition n’étant pas intégrée au processus de transition. La police anti-émeute a tenté de disperser la foule — estimée à plus d’un millier de personnes — à l’aide de gaz lacrymogène.
Plus d’un millier de personnes se rassemblent autour du Palais National d’Haïti , malgré la démission de Martelly, car l’opposition pas intégrée au processus de transition.
Dans un communiqué publié ce dimanche, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a pour sa part « salué » l’accord conclu au sein du Parlement haïtien, le qualifiant de « conforme à l’esprit de la Constitution haïtienne ». « Tous les acteurs concernés doivent mettre en oeuvre [cet accord] afin d’assurer le transfert démocratique du pouvoir à des représentants élus. » a-t-il déclaré.
Les journalistes de VICE News Tess Owen et Atoosa Moinzadeh ont participé à la rédaction de cet article.
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Cet article a d’abord été publié sur la version anglophone de VICE News.