Toutes les photos sont publiées avec l’aimable autorisation de Brock LaBorde et Chris Trew.
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Cela fait près de dix ans que Brock LaBrorde et Chris Trew se sont embarqués dans l’impensable mission d’éveiller les États-Unis à l’Air Sex, en organisant un championnat national de plus en plus couru. L’Air Sex est une sorte de performance qui consiste à faire l’amour dans le vide au rythme d’une musique adaptée. Cette discipline est née au Japon en 2006, avant que YouTube n’en fasse une tendance globale – et à en croire Wikipédia, elle est le fruit de l’imagination d’un « groupe d’hommes célibataires frustrés par le manque de sexe ».
À l’instar des joueurs d’air guitar, ses disciples ont 3 minutes pour convaincre le public qu’ils sont les meilleurs baiseurs de la planète. Symbole de l’aseptisation finale de la pornographie ? Pas sûr. Brock et Chris sont intimement convaincus que l’Air Sex peut réveiller la porn star qui sommeille en chacun de nous. Voilà quelques conseils qu’ils ont à vous donner si vous voulez vainement agiter votre bassin au son du saxo de Careless Whisper.
VICE : L’Air Sex a démarré comme une plaisanterie. Mais aujourd’hui, c’est une partie très importante de votre vie, si j’ai bien compris le documentaire que vous lui avez consacré ?
Brock LaBorde : C’est en tout cas une partie importante des multiples shows que Chris et moi organisons ensemble. On organise pas mal de spectacles et de festivals comiques aux États-Unis et les championnats d’Air Sex en font désormais partie intégrante, et celle qui connaît le plus grand succès.
Chris Trew : Ouais, on a pas mal de spectateurs et de plus en plus de participants.
Depuis dix ans, vous avez vu passer des centaines de candidats prêts à mimer les scènes les plus crues. Qu’est-ce qui les motive, à votre avis ?
Je dirais que c’est comme quand ils vont faire un karaoké. Ils veulent s’éclater intensément pendant trois minutes avant de retourner boire des coups. Pour certains, c’est juste un moyen d’expression comme un autre. Ils veulent monter sur scène et montrer ce qu’ils sont capables de faire. Il y a plein de raisons de monter sur scène, mais maintenant que le championnat est bien installé, on voit de plus en plus de gens monter sur scène pour gagner. Ils sont vraiment à fond, et pour eux, la victoire n’est pas une option.
C’est quoi le profil type d’un champion d’Air Sex ?
Brock LaBorde : C’est très partagé. Certains montent sur scène parce qu’ils ont vu des mecs concourir et ça les a inspirés parce qu’ils se sont dit qu’ils pourraient faire mieux. D’autres ont préparé leur performance des mois durant, certains ont même leur costume, comme on peut le voir dans le documentaire. Ceux-là sont super sérieux à propos de ce qu’ils font, et souvent, ils sont là pour gagner.
Il y a une part de comédie qui est inhérente à l’Air Sex, est-ce que ça ne devient pas un peu creepy quand on s’y met « sérieusement », justement ?
Chris Trew : Non, parce que c’est un moyen d’expression comme un autre. C’est quelque chose de monter sur scène et de montrer ce qu’on vaut devant un large public. Pour moi, ce n’est pas creepy. C’est un geste fier, festif et flamboyant. Les 3 F de l’Air Sex. On peut en rajouter 2 : la flûte et la foufoune.
Avant que vous évoquiez les fesses, dites-moi qui sont les participants les plus convaincants sur scène : les mecs ou les filles ?
Ce sont deux profils très différents. D’habitude, les mecs sont plus violents sur scène. Ils sont vraiment à fond dans l’énergie brute, alors que les filles sont plus concentrées. Et les réactions dans le public sont aussi très différentes : quand un mec se donne à fond au point de faire penser qu’il pourrait être en train de bander, les gens sont un peu mal à l’aise. Si c’est une fille qui laisse penser qu’elle pourrait vraiment être en train de mouiller – je pense à une championne passée qui répondait au pseudonyme de Cuntastrophe – là, ça plaît à tout le monde.
Quel serait le conseil que vous donneriez à quelqu’un qui aurait envie de se lancer ?
Brock LaBorde : Avant tout, je dirais qu’il faut s’investir dans son truc. Montez sur scène en ayant une idée de ce que vous allez faire : un début, un milieu, une fin, et tenez-vous à ça.
Donc, ça demande d’écrire plus ou moins sa scène ?
Oh non, pas du tout, il faut que ce soit impulsif. Les mecs qui préparent leur passage à l’avance ont plus ou moins écrit leur scène, mais ce n’est pas une prérogative.
Et quel est le truc à éviter à tout prix ?
Chris Trew : Ne manquez de respect à personne. Évitez les trucs haineux. Oubliez la misogynie par exemple. Je vous assure que si vous décidez de monter sur scène pour mimer un viol, ça ne fera marrer absolument personne.
Comme dans l’Air Guitar, est-ce qu’il y a des morceaux classiques qui reviennent régulièrement dans un championnat ?
Ouais, c’est clair. Pony de Ginuwine, est un classique. Show Me your Pussay de Lords of Acid fonctionne très bien aussi. Je ne la trouve pas super, mais on l’entend beaucoup.
Brock LaBorde : Like a Virgin, évidemment, et la plupart des trucs de Madonna d’ailleurs. Et de Prince.
Et en termes de positions, quelles sont les positions traditionnelles qui me permettront de démarrer sans me planter ?
Là-dessus, il n’y a rien qui se détache vraiment. En revanche, on a toujours assisté à un truc qui est resté redondant : le mec qui fait comme s’il n’arrivait pas à bander, ou qui finit trop vite. Alors là, c’est déprimant, faut vraiment éviter ça. Chez les filles, ça se traduit par un plan pendant lequel elle se fait chier. Elle repousse le mec, elle n’a pas envie… C’est un truc basique ultra chiant. Ne montez pas sur scène pour offrir ce genre de connerie pathétique au public, s’il vous plaît.
Chris Trew : Dites-vous que si vous ne kiffez pas un truc dans la vie, ça ne rendra jamais bien en Air Sex. Personne n’a envie de voir ça.
Est-ce que c’est possible d’organiser une Air Partouze ?
Brock LaBorde : Tant que vous êtes seul sur scène et que vous êtes entouré de compagnons invisibles, tout est possible. C’est une des règles de la discipline : il faut faire son show tout seul. Mais j’ai déjà vu un mec se taper 100 bites sur scènes et il les branlait et les suçait à tour de rôle. C’était plutôt fun.
Et est-ce que je dois être un bon baiseur pour assurer en Air Sex ?
Brock LaBorde : Pas forcément, à vrai dire. On a fait monter des porn stars sur scène pour qu’elles montrent ce qu’elles valaient et elles n’étaient pas bonnes du tout. Leur performance était trop crue. Elles-mêmes, elles étaient gênées et elles se retenaient, c’était bizarre.
Chris Trew : Ceci-dit, rien n’est exclu tant que vous savez vous montrer créatif.
Vous avez appris des trucs que vous avez pu mettre en pratique en vrai en regardant des compétitions d’Air Sex ?
Brock LaBorde : Chris, je ne sais pas, mais moi, oui. J’ai jugé plus d’Air Sex que n’importe qui sur terre, et je dirais qu’au moins une fois par compétition, je découvre un nouveau truc auquel je n’avais jamais pensé avant. Et ça m’arrive de le mettre en pratique après.
Chris Trew : Moi, par principe, j’essaie tous les nouveaux trucs que je découvre en championnat.
Quel est votre pire souvenir en neuf ans de compétition ?
Une fois, à Providence, je me suis retrouvé sur scène à faire l’amour seul pendant 10 minutes en écoutant du Céline Dion, avec personne pour prendre ma putain de place…
Merde. Et le meilleur ?
Brock LaBorde : C’est dur à dire, parce qu’on tombe régulièrement sur des trucs vraiment brillants. Il y a quelques mois encore, on était à Bâton Rouge, et un mec monte sur scène. Une demi-heure plus tard, une femme plus âgée monte sur scène à son tour. Et il s’avère que c’était la mère du mec. C’était bizarre, mais aussi super gratifiant, parce que non seulement on avait fait venir une mère et son fils à une compétition – dans une région comme la Louisiane où le sexe est encore un sujet assez tabou – mais en plus, ils étaient tous les deux montés sur scène. C’était assez particulier. Je veux dire, mes parents n’ont même pas regardé le documentaire que j’ai tourné sur le sujet ! Ils s’en foutent, ils trouvent ça dégueu.
Vous diriez que l’Air Sex a des vertus thérapeutiques chez ses participants ?
Chris Trew : J’en suis convaincu. C’est un spectacle un peu bizarre dans lequel on peut se laisser emporter facilement.
Brock LaBorde : Il y a un tas de gens qui sont déjà venus nous voir après un spectacle, qu’ils soient montés sur scène ou non, et qui nous ont dit que ça avait éveillé quelque chose en eux. D’autres qui nous ont raconté qu’ils étaient venus avec quelqu’un qu’ils rencontraient pour la première fois, et que ça avait permis d’ouvrir un dialogue qui ne serait jamais apparu dans un autre contexte. Ou moins naturellement. En rentrant, les mecs allaient clairement baiser, ce qui ne serait pas forcément arrivé en allant au cinéma ou au resto.
Est-ce qu’on peut jouir en pratiquant l’Air Sex ?
Chris Trew : C’est probable mais on n’a jamais assisté à ça parce que c’est interdit par le règlement. On n’a pas le droit de jouir sur scène.
Brock LaBorde : Ouais, si ça vous arrive, gardez-le pour vous.
Est-ce que l’Air Sex me permettra d’améliorer ma vie sexuelle ?
Chris Trew : Oh que oui, pour une raison très simple : vous obtiendrez directement le retour du public. S’ils s’ennuient, ils vous le feront savoir, et ça veut dire que vous n’êtes pas bon. S’ils réagissent bien, c’est que vous allez dans la bonne direction, et c’est une direction que vous pourrez suivre une fois au plumard.
Ça fait neuf ans que vous vous amusez à baiser l’invisible. Qu’est-ce qui vous motive encore aujourd’hui ?
On adore ça. Vous voyez, tout ce qu’on vous a raconté, ça nous excite encore à fond. C’est un super spectacle et une super opportunité de faire participer les gens à un truc qu’ils ne peuvent pas faire ailleurs. On transforme des vies, vraiment. C’est un truc dont on ne peut pas se lasser !
Brock LaBorde : Je n’ai jamais participé à un spectacle comique qui ait un tel impact social. Qui permette de faire à ce point évoluer les mentalités. On a eu des participants à qui l’Air Sex a permis de faire leur coming out parce que tout d’un coup, ils se sont sentis assez à l’aise pour le faire. C’est assez rare de pouvoir participer à un truc qui soit à ce point débile, et qui permette de provoquer ça.
Et depuis tout ce temps, qu’est-ce que vous avez appris de la sexualité américaine ?
Je ne sais pas si on a appris beaucoup de choses, mais on a pu constater une certaine évolution. Au début, les performances se basaient sur des blagues assez clicheteuses, genre, les mecs qui vont te faire un numéro de stand-up sur le fait qu’ils sont gays. Ce qui a évolué, c’est qu’aujourd’hui, les mecs ont compris qu’il s’agissait d’un point de départ assez nul, parce que finalement, ça n’avait rien de spécial. Quand on disait que les mentalités avaient évolué, c’était aussi là-dessus. Il y a 10 ans, on voyait encore les sexualités différentes comme des incongruités, alors qu’aujourd’hui, on sait qu’elles sont répandues, et elles sont largement plus acceptées. Je ne suis pas en train de dire que les championnats d’Air Sex ont permis ça, mais on a effectivement été témoins de cette évolution.
Brock LaBorde : Je ne sais pas pour l’Europe, mais aux États-Unis, il y a un mouvement féministe très important en ce moment et je dirais que l’Air Sex y participe parce qu’il a une aura très sex positive . On n’humilie personne, on ne se moque de personne, physiquement ou sexuellement. C’est juste un hommage à toutes ces différences. Et comme on tourne, on a pu étudier les différences d’un État à un autre. Dans des États plus pauvres, ils kiffent plutôt des trucs un peu macho, à l’ancienne. Le côté féministe leur échappe un peu. Dans certains États, l’Utah par exemple, on n’a même pas voix au chapitre. Le championnat est interdit parce qu’on considère que c’est un spectacle sexuel comme un autre. Certains États continuent clairement d’être plus conservateurs que d’autres.
À votre avis, qu’est-ce que l’Air Sex raconte de la sexualité au XXIe siècle ?
Chris Trew : La réponse est assez évidente, je crois. On propose un spectacle sexuel qui retire son côté sérieux au sexe. Et les gens l’apprécient, et s’en amusent. Pour moi, ça veut dire beaucoup.
Brock LaBorde : On propose quelque chose qui permet de s’amuser du sexe, de parler ouvertement d’un truc qui était encore assez mal vu il n’y a pas si longtemps. Or, il faut bien se rendre à l’évidence, aucun d’entre nous ne serait là si quelqu’un n’avait pas baisé un jour ou l’autre, donc, pourquoi est-ce qu’il faudrait qu’on foute ça sous le tapis comme s’il s’agissait d’un truc dégueulasse ? Par ailleurs, on pense qu’il vaut mieux en profiter tant qu’il est encore là parce que bientôt, on sera tous des putains de machines, et on ne baisera plus personne. Nos sexes seront des artifices imprimés en 3D, donc autant kiffer tant qu’on en a encore.
OK, mais on ne baise pas quand on fait de l’Air Sex…
OK, t’as pas tort, mais on s’amuse quand même à récréer un acte de procréation auquel il est possible qu’on n’ait même plus accès dans un avenir pas si lointain. Et c’est avant tout une invitation à continuer de le faire, si possible, en se marrant.