Environnement

Airbnb propose un séjour gratuit en Antarctique pour étudier la pollution plastique

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Le géant de la location entre particuliers Airbnb s’est associé à Ocean Conservancy, une ONG consacrée à la sauvegarde des écosystèmes marins, et a proposé, la semaine dernière, une « opportunité unique » : un voyage d’un mois tout frais compris en Antarctique, où cinq personnes seront sélectionnées pour participer à des missions scientifiques au côté de Kirstie Jones-Williams, doctorante en sciences biologiques et spécialiste de l’Antarctique.

Les chanceux s’envoleront d’abord pour le Chili pour y suivre des cours intensifs sur la glaciologie et l’échantillonnage sur le terrain. Ils prendront ensuite un avion jusqu’au continent antarctique, où ils visiteront deux sites : le Union Glacier Cam et la Three Glaciers Retreat. Là-bas, ils recueilleront des échantillons de neige afin d’examiner la présence de microplastiques. Après d’autres étapes comme le Pôle Sud, la cascade de glace de Drake ou encore l’Elephant’s Head, ils retourneront au Chili afin d’analyser leurs échantillons.

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Selon Airbnb, le but est de faire de ces volontaires des « ambassadeurs » pour les océans du monde. « C’est un rôle de sensibilisation qui permettra de donner un aperçu de la façon dont la communauté Airbnb et les autres peuvent aider à minimiser leur empreinte plastique collective pour soutenir la mission d’Ocean Conservancy », peut-on lire sur le site d’Airbnb.

« Notre objectif à ce stade est de mieux comprendre comment les voyages peuvent être un catalyseur positif du changement », dit un porte-parole d’Airbnb. Il convient de noter que l’industrie du voyage et du tourisme est responsable d’environ 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

« Ces entreprises font croire aux riches touristes qu’en se rendant en Antarctique avant que le changement climatique ne change définitivement le paysage, ils vont réellement faire un geste de bonne volonté »

Si la recherche sur les microplastiques est importante, ces volontaires ne seront pas seulement des « ambassadeurs » de l’Antarctique, des océans ou des sciences environnementales. Ils seront aussi, par défaut, les ambassadeurs d’Airbnb et de son engagement en faveur de l’environnement. La société espère que ce projet, baptisé Antarctic Sabbatical, « contribuera aux efforts d’éducation et de sensibilisation ».

L’entreprise explique que le voyage en Antarctique sera « 100 % carbone neutre » grâce à la compensation carbone. Selon la plateforme, la « compensation carbone » comprend des actions comme le don pour protéger la forêt tropicale péruvienne après avoir réservé un vol en avion. Mais comme l’explique Naomi Klein dans son livre Tout peut changer, on sait que de telles actions ne « compensent » pas entièrement les activités à fortes émissions.

Interrogée sur la façon dont elle limite les émissions, la société dit avoir diminué l’utilisation du plastique en éliminant les pailles et les bouteilles en plastique et en fournissant des sacs réutilisables dans ses bureaux de San Francisco et Singapour. « Airbnb mène également une étude sur l’environnement pour mesurer et comprendre notre impact et identifier ce que nous pouvons faire pour réduire notre empreinte au fil du temps », explique un porte-parole. Rien de tout cela n’équivaut à un changement radical. En résumé, Antarctic Sabbatical renforce l’image environnementale de l’entreprise sans la lier à des engagements fermes et éventuellement coûteux, comme la neutralité carbone.

En réalité, Airbnb est loin d’être la seule à organiser un voyage en Antarctique sous couvert des valeurs de durabilité, de science citoyenne et de sensibilisation. L’industrie touristique de l’Antarctique est en plein essor, et bon nombre des entreprises concernées font leur promotion en faisant appel à un sens de la justice chez les vacanciers potentiels. Ces entreprises font croire aux riches touristes qu’en se rendant en Antarctique avant que le changement climatique ne change définitivement le paysage, ils vont réellement faire un geste de bonne volonté et se donner les moyens de défendre les intérêts de l’environnement.

Les volontaires seront choisis par une équipe de cinq personnes : Kirstie Jones-Williams , une personne venant d’une « organisation industrielle » non spécifiée, un employé d’Airbnb, un « membre indépendant » et un représentant de Antarctic Logistics & Expeditions LLC, une société de « voyage et logistique ». ALE organise également des camps sur le continent, dont la Three Glaciers Retreat prévue au programme durant le séjour.

Il y a plusieurs critères à respecter pour devenir un « ambassadeur » de l’Antarctique. Premièrement, les candidats doivent disposer d’une plate-forme existante ou d’un groupe de personnes qui les écouteront. Selon les lignes directrices du programme, ils seront jugés, en partie, en fonction de leur « capacité d’engager le dialogue avec divers auditoires et d’éduquer les autres sur des sujets complexes à l’avenir ».

Bien que le changement climatique modifiera l’Antarctique de façon permanente, comme le souligne un nouveau rapport du GIEC, rien n’indique, dans les documents promotionnels d’Airbnb, que les ambassadeurs du programme sont censés plaider pour une action spécifique sur le changement climatique.

À vrai dire, l’étude concerne les microplastiques, pas le changement climatique. Mais le fait d’exclure le sujet du débat a permis à Airbnb de commercialiser son programme en matière de « développement durable », un terme vague qui n’invoque pas de changements spécifiques ou radicaux qui pourraient impliquer une réduction des émissions. En fait, le développement durable est un terme qui évoque la promesse de la croissance. La logique d’une croissance économique sans fin a toujours permis aux entreprises de services publics, aux sociétés pétrolières et gazières, etc. d’accorder la priorité au profit des actionnaires sur la santé à long terme des gens qu’ils servent et de la planète en général.

Airbnb a déjà exacerbé de graves pénuries de logements abordables dans les centres urbains qui en ont désespérément besoin, alors même que le logement abordable est en fait un élément crucial pour atténuer les pires effets du changement climatique.

La société affirme qu’elle « valorise les voyages sains » et est fière que « 64 pour cent des clients » la considèrent comme une option de voyage écologiquement durable. Mais valoriser le développement durable n’est pas la même chose que d’exiger de ses hôtes qu’ils respectent des normes environnementales rigoureuses ou qu’ils s’engagent à atteindre des objectifs environnementaux ambitieux dans leurs installations.

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