san gennaro new york fête procession
Toute les photos avec l'aimable autorisation de Giuseppe Giammetta.
Culture

La fête de San Gennaro est l’apogée de la culture italo-américaine

Ce qui n’était que la célébration d’un obscur martyr napolitain est aujourd’hui une joyeuse bamboche au sein d’une communauté new-yorkaise éclectique.
Marine Coutereel
traduit par Marine Coutereel
Brussels, BE

Cet article a été préalablement publié sur VICE Italie

Entre les années 1880 et 1920, plus de quatre millions d’Italiens ont quitté leur pays natal pour émigrer aux États-Unis, à la recherche de meilleures opportunités pour eux et leurs familles. La majorité d’entre eux venaient de villages ruraux assez pauvres situés dans le sud du pays. Arrivés aux US, ces Italiens ont formé leurs propres communautés dans certaines grandes villes de la côte est, comme New York, Philadelphie, Chicago et Boston. Et évidemment, ils ont importé leurs traditions culturelles au milieu de ces mégalopoles américaines.

Publicité

Dans les décennies qui ont suivi, la plupart de ces familles ont réussi à gravir les échelons économiques. Certaines ont déménagé en banlieue tandis que d’autres sont retournées vivre en Italie. Quant à celles restées dans les quartiers d’immigration historiques, elles ont continué à honorer les traditions en provenance du vieux continent tout en les mixant à des éléments de la culture américaine.

L’une des représentations les plus amusantes de cette nouvelle culture italo-américaine est la fête de San Gennaro, une célébration groovy de 11 jours ancrée dans le quartier de Little Italy à New York. L’année dernière, Giuseppe Giammetta, photographe italien résidant à Brooklyn, s’est rendu dans l’emblématique Mulberry Street pour capturer l’ambiance unique de cette fête qui s’y tient depuis 1926. 

g giammetta-figli di san gennaro-3.jpg

La procession de San Gennaro

« Je me suis installé à New York pour des raisons personnelles, mais ce ne sera pas ma dernière destination », déclare le photographe qui a grandi dans le sud de l’Italie et vit ici depuis quatre ans. « New York est un endroit incroyable où la magie peut vite opérer, mais c’est aussi l’un des pires endroits au monde où s’attacher aux choses ou aux gens. »

« C’était comme me retrouver dans les petits villages italiens typiques : le même langage corporel, les mêmes gestes, les embrassades entre les vieux amis qui se retrouvent… »

Publicité

Dans sa série Figli di San Gennaro (« Fils de San Gennaro »), Giammetta se concentre sur l’une des rares reliques de cette authentique vie italo-américaine : un festival ancestral qui a résisté aux pressions agressives de l’assimilation culturelle et du capitalisme.

« Même si c’était la première fois que j’assistais à cette fête, je m’y suis directement senti à l’aise », raconte Giammetta. « C’était comme me retrouver dans les petits villages italiens typiques : le même langage corporel, les mêmes gestes, les embrassades entre les vieux amis qui se retrouvent et les salutations formelles et bruyantes entre les connaissances de longue date. »

g giammetta-figli di san gennaro-16.jpg

La procession de San Gennaro

La fête de San Gennaro trouve son origine à Naples, ville où Saint-Janvier (San Gennaro en italien) est le saint patron. Le véritable San Gennaro était un évêque du IIIe siècle qui fut martyrisé par l’Empire romain en raison de sa foi. Cependant, son exécution en a fait un personnage culte pour les chrétiens napolitains, et les restes présumés de son corps sont toujours conservés dans les catacombes de la ville.

Parmi ces reliques se trouvent deux petites fioles censées contenir le sang du saint. Trois fois par an — en mai, en septembre et en décembre — les fioles sont retirées de leur cachette et présentées au public. Les fidèles prient alors pour que la substance passe de l’état solide à l’état liquide, un acte miraculeux qui peut se produire jusqu’à 18 fois par an. Si le sang se liquéfie, c’est un bon présage pour la ville. Dans le cas contraire, c’est considéré comme une malédiction.

Publicité

« Aujourd’hui encore, ce sont ces rites et ces traditions comme la fête de San Gennaro qui maintiennent la cohésion des habitants du quartier »

Certaines mesures scientifiques effectuées sans ouvrir la fiole ont démontré que la substance pourrait bien être du sang, mais les résultats sont contestés. Dans les années 1990, une équipe de chercheurs a également réussi à mettre au point un liquide qui ressemblait à du sang et pouvait passer de l’état solide à l’état liquide lorsqu’on le déplaçait. Cela dit, on ne sait toujours pas pourquoi la liquéfaction ne se produit qu’à certains moments et pas à d’autres.

g giammetta-figli di san gennaro-7.jpg

Tous les 19 septembre, jour de la consécration du saint, la statue de San Gennaro défile dans les rues de Naples après une messe en son honneur. La même procession a parallèlement lieu à New York.

« La célébration de San Gennaro dans le quartier remonte à l’arrivée des premières familles napolitaines dans les années 1920 », explique Giammetta. Nostalgiques de leurs traditions, elles ont décidé de continuer à vénérer le saint en construisant une modeste chapelle contenant sa statue, qui est conservée en permanence dans la « Shrine Church of the Most Precious Blood », littéralement « l’église du très Précieux Sang ».

g giammetta-figli di san gennaro-13.jpg

« Dans un premier temps, les habitants du quartier ont d’abord organisé des petits concours de déco entre voisins. C’était à qui sublimerait le mieux son escalier de secours ou la façade de son immeuble. L’atmosphère festive aidait les gens à se rapprocher les uns des autres malgré l’extrême pauvreté dans laquelle ils vivaient », explique Giammetta.

Publicité

Au fil des ans, la petite fête de quartier s’est transformée en un véritable festival qui s’étale sur plus d’une semaine autour de la procession, avec quelques ajouts typiquement américains : manèges et attractions, compétition de pâtisserie et concours de mangeurs de cannellonis ou de spaghettis aux boulettes.

« Aujourd’hui encore, ce sont ces rites et ces traditions comme la fête de San Gennaro qui maintiennent la cohésion des habitants du quartier », conclut Giammetta. « Ceux qui ont déménagé reviennent cette semaine-là pour célébrer non seulement le saint, mais aussi ce sens de la communauté qui leur est si cher ».

Scrollez pour voir d’autres photos :

g giammetta-figli di san gennaro-4.jpg

 

g giammetta-figli di san gennaro-5.jpg

g giammetta-figli di san gennaro-11.jpg

g giammetta-figli di san gennaro-6.jpg
g giammetta-figli di san gennaro-2.jpg
g giammetta-figli di san gennaro-15.jpg
g giammetta-figli di san gennaro-18.jpg
g giammetta-figli di san gennaro-1.jpg

VICE France est sur TikTok, Twitter, Insta, Facebook et Flipboard.
VICE Belgique est sur Instagram et Facebook.