Santé

Que faire si vous êtes sur le point de craquer ?

Le travail peut être à l’origine de terribles épuisements, voire d’un burnout. D'où l'importance d’être honnête sur vos propres limites.
Hannah Smothers
Brooklyn, US
SS
traduit par Stephen Sanchez
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Photo : Mapodile via Getty 

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) annonçait, en mai 2019, qu’elle allait officiellement classer le burn-out au rang de maladie, le qualifiant de « phénomène professionnel ». Aujourd’hui, tout le monde est épuisé. On est tous en burn-out ! Même au cœur de crises, celle de l’an dernier ou d’autres, la frénésie du capitalisme ne connaît pas de pause. Le burn-out sociétal est devenu si fort que le New York Times évoque des travailleurs qui quittent leur emploi, pas nécessairement pour partir « en quête d’aventure » et de « bonnes vibrations », comme le suggèrent les titres de certains canards, mais à cause de demandes incessantes au travail.

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Comme l’écrivait récemment l’auteur Jess Bergman dans le magazine The Drift, considérer le burn-out comme un « problème personnel de santé mentale » relève d’une mauvaise compréhension de ce qu’est le burn-out, à savoir le résultat de facteurs systémiques comme, disons un manque de congés payés ou l’absence d’une garde d’enfants pour n’en citer que deux. Mais il y a des choses que vous pouvez faire, à votre niveau, pour essayer de vous préserver de cette situation.

« Je crois que les gens arrivent à un point où ils disent : “Je suis vraiment épuisé. J’ignore comment j’en suis arrivé là.” Mais avec le recul, il y avait des signes, des symptômes avant d’en arriver au burn-out », explique la thérapeute Melissa Russiano

Pour trouver quelques pistes profitables à nos lecteurs, nous avons discuté avec des thérapeutes qui travaillent sur le burn-out en milieu professionnel – défini par Russiano comme un état de fatigue tel que les fonctions normales cessent de fonctionner, avec des conséquences émotionnelles mais également physiques – et ce que l’on peut faire au quotidien pour éviter de s’enfoncer dans cet enfer. Cela ne sera peut-être pas suffisant pour vous sortir d’une routine par trop épuisante ; mais ces conseils sont autant de petits trucs pratiques que vous pouvez faire pour que le bon gros burn-out soit un peu plus évitable.

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Créez un « budget corps »

Russiano explique que l’une des premières choses qu’elle fait avec ses patients en situation de burn-out, c’est leur demander d’écrire une liste de toutes les choses qui sont des sources de stress de colère ou de contrariété pour eux. Ensuite, guidés par les conseils de la thérapeute, ils analysent cette liste et la divisent en deux : les choses sur lesquelles ils ont la main et les choses sur lesquelles ils n’ont pas la main.

« On ne peut pas échapper au fisc, aux patrons ou aux échéances », dit Russiano… mais on peut contrôler des choses comme le nombre d’heures que l’on dort, la quantité de caféine que l’on boit et, jusqu’à un certain point, le nombre d’heures que l’on passe à travailler en dehors des heures de travail. L’objet de cet exercice est de se familiariser avec ce qui accapare la plus grande partie de notre temps et de notre énergie ou, en d’autres termes, ce qui va progressivement miner notre « budget corps ».

« On n’a qu’une quantité donnée d’énergie chaque jour. Si on consacre cette énergie à des choses qui ne relèvent pas de notre contrôle, il est difficile d’avoir de l’énergie pour les choses qui sont vraiment importantes à nos yeux et sur lesquelles on a le contrôle », explique Russiano.

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Si la majorité des choses auxquelles on consacre du temps sont des choses sur lesquelles on n’a aucun impact – la propension du patron à envoyer des mails à 22 heures ou une échéance qui approche mais qui est impossible à repousser – alors Russiano recommande de procéder à des changements dans d’autres parties de notre vie. Par exemple, à quels mails vous allez répondre directement après 22 heures et comment organiser votre temps pour respecter ledit délai.

Définissez « des heures non travaillées », qui soient réalistes

À l’époque où on allait tous littéralement au travail, Carly Bassett, thérapeute à Austin, Texas, conseillait à ses clients victimes de burn-out de mettre à profit ce temps de transition comme une espèce de tampon entre le travail et le domicile, comme un sas de protection au-delà duquel le travail n’a pas sa place. Aujourd’hui, bon nombre d’entre nous n’ont plus ce temps de déplacement, et la frontière entre le temps de travail et le temps personnel tend à s’estomper.

Que vous ayez actuellement un temps de trajet maison-travail ou non, Bassett recommande de réserver quelques heures par jour pour vous et uniquement pour vous. « Je conseillerai même de les marquer dans votre agenda, pour vraiment les mettre de côté et empêcher le travail de s’infiltrer dans ce temps particulier », dit-elle.

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Cela dit, le seul moyen pour que ça marche est que vos heures non travaillées soient posées de manière réaliste. Si vous arrivez à vous dire Je ne regarde pas ma boîte mail entre 17 et 9 heures, alors c’est parfait. Faites ça. Mais si vous savez que, chaque matin, vous allez dégouliner de stress si vous ne répondez pas à quelques mails ou si vous n’avez pas un petit temps de travail le soir, alors gardez une petite fenêtre de boulot avant d’aller dormir. « S’il y a du travail à faire ou des choses qui nécessitent un petit coup d’œil de suivi, alors soyez honnête et clair : Je vais faire tel truc à telle heure, dit Bassett. De cette manière, cela reste limité. »

Demandez à votre patron accro au travail comment il gère les défis professionnels

Si votre lieu de travail baigne dans l’agitation permanente, Bassett recommande de demander – gentiment – à votre patron comment il se débrouille pour gérer des tonnes de projets, pour travailler pendant de longues heures en supportant une forte pression, le tout sans sombrer dans le burn-out.

Bassett dit que cette conversation dépend complètement de la relation que vous avez avec votre patron. Si vous ne discutez jamais ensemble et que vous avez le sentiment qu’il pourrait vous répondre : « Comment ça un burn-out ? J’adore mon boulot ! Je vis pour ce boulot ! », alors vous pouvez ignorer ce conseil. Mais si vous avez de bonnes relations, d’après Bassett, cela peut être un bon moyen de faire comprendre à votre patron que vous êtes sous l’eau, et de recevoir un peu de soutien.

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« Les patrons voient tout, dit Bassett. Ils auront peut-être quelques conseils pratiques qui vous seront d’une grande utilité. Parfois, certains ont besoin d’y être autorisés pour prendre leur pause déjeuner. De la même façon, il y a beaucoup de règles et d’attentes qui ne sont pas explicitement exprimées, mais qu’un bon chef d’équipe pourrait vous aider à identifier. »

Établissez des « règles personnelles » pour vous aider à penser à la socialisation

Russiano dit que l’une des techniques permettant d’éviter un burn-out professionnel est d’avoir une vie sociale, personnelle et familiale riche. Mais recevoir régulièrement des appels et autres messages de la part d’amis ou de proches peut aussi se révéler épuisant. Pour éviter d’outrepasser les limites de vos capacités mentales et émotionnelles, Russiano recommande d’établir des « règles personnelles » que l’on pourrait également appeler des limites.

Concrètement, cela peut se matérialiser comme bon vous semble. Ça peut être de clairement dire aux gens que vous ne répondez pas immédiatement aux textos pendant vos journées de travail, mais que vous êtes partant pour un FaceTime ou pour partager un moment ensemble les week-ends. Ça peut également consister à dire non à certaines choses, parce que vous avez décidé que l’une de vos règles personnelles est de passer au moins une journée par semaine seul, sous un vieux plaid, étalé sur votre canapé. Quelles que soient les règles que vous établissez, faites de votre mieux pour vous y tenir, et n’hésitez pas à les communiquer à vos proches quand l’occasion se présente. « Et si quelqu’un ne veut pas comprendre que vous avez besoin de cet équilibre, alors quelle est sa véritable place dans votre continuum ? » tranche Russiano. Par exemple, vos amis proches devraient comprendre que vous ne pouvez pas être « partant pour tout » tout le temps. Et ceux qui ne respectent pas vos limites ne sont peut-être pas les si chers amis que vous pensiez.

Trouvez un équilibre entre les tâches pénibles et les activités plaisantes

« Je ne vais pas la jouer comme Marie Kondo, mais trouvez ce qui vous rend heureux, conseille Russiano. Si écrire des rapports ne vous rend pas heureux, alors vous devez trouver une activité qui va venir créer un équilibre et vous donner l’énergie nécessaire pour faire quelque chose dont vous n’avez pas nécessairement envie. » Cela peut par exemple se faire sous la forme d’une autre liste, d’un côté « les trucs que vous détestez faire » et de l’autre « les trucs que vous adorez faire ». À partir de là, assurez-vous que ces deux colonnes sont représentées de manière plus équilibrée dans votre quotidien.

Cela peut paraître évident, mais comme l’indique Russiano, la planche glissante qui conduit au burn-out peut être sournoise et en pente douce. Vous pourriez parfaitement être en train de plonger sans vous en rendre compte et ne remarquer le problème que lorsqu’il sera trop tard. Par exemple, lorsque 80% de votre temps est occupé à des tâches ingrates et autres lessives. C’est pourquoi vous aurez peut-être remarqué un fil rouge qui transparaît dans tous les conseils ci-dessus : ils impliquent tous de prendre du recul et de faire un bilan. Cela ne fera pas disparaître les facteurs systémiques qui conduisent à des burn-outs vertigineux, mais ça pourra toujours vous aider à vous sentir un peu mieux dans votre vie quotidienne, ce qui est tout de même un bon début. Et cela vous donnera la possibilité de travailler pour les grands changements systémiques dont nous avons tous désespérément besoin.

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