Désirs sexuels Jo Bogaerts
Sexe

Rencontrer des gens, tisser des liens et photographier leurs désirs sexuels

Le photographe gantois Jo Bogaerts immortalise vos fantasmes inavoués.
Anke Dirix
Brussels, BE

Il y a quelques années, Jo Bogaerts (38 ans) part faire le tour du monde avec sa copine et croise la route d’un couple de Français·es, qui a pour but de commencer une nouvelle vie en Australie. La fille est photographe et a tous ses appareils sur elle. C'est presque Noël et comme personne ne va être auprès de ses proches pour les fêtes, un échange de cadeaux s’organise entre les deux couples. C’est là que Jo reçoit un appareil photo argentique Nikon et une pellicule « pour essayer ». Il me confie avoir été fasciné par la mécanique et la fragilité de l’objet, mais aussi par la délicatesse du processus de développement et d'impression, qui donne toujours lieu à la même beauté – à chaque fois précédée d'un désir, celui de voir le résultat.  

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De retour chez lui à Gand, Jo décide de ranger son appareil photo numérique dans un tiroir. Par coïncidence, son beau-père avait fait pareil, mais avec des appareils photo argentiques « dont un très bon que j'utilise encore, un 35mm, dit-il. Mais pour cette série, j’ai travaillé avec un Mamiya C330, un appareil très lourd et encombrant qui me permet de faire ces images carrées ». 

« Cette série », c’est Desire, un projet dans lequel Jo capture le désir sexuel – l'un des désirs les plus universels de l’être humain et en même temps l’un des plus insaisissables. Depuis l'été 2020, il tente de donner forme à ce désir, et ça donne un résultat assez brut qu’on a rarement l’occasion de voir en ces temps de pudeur excessive et de censure.

Si (presque) tout le monde, partout dans le monde, a des désirs sexuels, selon le photographe, ils sont aussi individuels et différents pour chacun·e. « La photographie est aussi une forme de désir visuel, remet Jo. T’as envie d’immortaliser quelque chose qui risque de disparaître assez vite. »

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« Je pense qu'une bonne photo ne doit pas être immédiatement évidente. En fait, c'est une sorte de question à la personne qui la regarde. Celle-ci a été prise à l’arrache : j'ai soulevé ce gigantesque appareil photo au-dessus du lit et l'ai tenu au-dessus d'elle sans regarder dans le viseur, au hasard. »

Jo essaie d'intégrer à ses photos des kinks, fétiches, pensées et autres fantasmes après avoir longuement discuté avec les personnes concernées. Ses modèles lui confient en quoi consiste exactement leur désir et de ce qui arrive une fois que celui-ci est satisfait. Pour saisir l'intimité et leur personnalité, Jo préfère les rencontrer à leur domicile. C'est là que les gens se sentent le plus à l'aise et ça lui permet aussi d’obtenir des résultats différents à chaque fois. « C’est comme ça qu’une sorte de diversité apparaît, sur laquelle j'ai absolument aucun contrôle, explique-t-il. Le fond est toujours différent, par exemple ; c'est exactement ce que je recherche. »

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TOUTE SA VIE, cet homme a eu UN DÉSIR DE SOUMISSION QUI N'A JAMAIS ÉTÉ SATISFAIT. Du coup, IL PLACE pas mal d’ANNONCES SUR DES SITES, DU GENRE : « UN MAÎTRE POUR VENIR FLAGELLER L'ESCLAVE NU QUE JE SUIS LES DEUX NUS PENDANT LES SÉANCES, AUSSI LE MAÎTRE QUI A UN FOUET FLGGER ET D'AUTRES ATTIBUTES POUR TRAVAILLER ET FINIR L'ESCLAVE, DOIT SE DÉPLACER VERS CET ESCLAVE, LE MAÎTRE 65A À 85A ET AUSSI UN GROS PÉNIS ARQUÉ ET ÉPAIS ET LA BITE IL PEUT AUSSI RASER L'ESCLAVE A NU ET LE MATÉRIEL DE RASAGE ET AUSSI A APPORTER, L'ESCLAVE NE SE DÉPLACE PAS MAIS REÇOIT. »

Aucune scène n'est pensée à l'avance. Les gens décident eux-mêmes s'ils vont être photographiés (à moitié) nus ou pas. Quelque chose de particulier à faire ? En général, la réponse c’est « rien de spécial ». Ce qu'il faut, c'est se mettre d’accord sur un thème. « Ça n'a pas besoin d'être quelque chose de fou, poursuit Jo. Le premier homme que j'ai photographié voulait représenter la soumission. Ce désir avait été présent toute sa vie, mais il n'avait jamais vraiment pu en faire l'expérience. J'ai aussi photographié un couple dans une relation extraconjugale, une maîtresse, une personne qui cherchait à retrouver sa sexualité après une reconstruction mammaire ou simplement quelqu'un qui avait un désir physique très fort pour son partenaire qui était à l'étranger. »

Selon Jo, le thème de base n’est qu'un point de départ : « Au final, on ne sait jamais comment les choses vont se passer lors d'un shooting. Une image peut également être très trompeuse, elle correspond rarement à la suggestion de base ou au thème que porte la photo. »

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Jo passe en général quatre à cinq heures avec ses modèles. Il décrit ces moments comme étant « simples mais très intenses » – en très peu de temps, une confiance doit être établie alors qu’elle ne va pas de soi. Quand je lui demande pourquoi il trouve cette confiance si importante, sa réponse est étonnamment claire : « Au cours des discussions préliminaires, je me rendais compte que presque toutes les femmes font face à une forme ou une autre de harcèlement ou de comportement agressif de la part des hommes. Presque toutes les femmes que j'ai photographiées racontent des histoires du style. Quand t’entends autant de personnes évoquer ce problème, l'impression est totalement différente de celle que t’as quand tu vois ça aux infos. Si je photographie une personne, je veux m'assurer qu’elle se sente à l'aise du début à la fin. »

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Vous voulez mettre en image vos propres désirs ? Allez faire un tour sur le site de Jo.

Et si vous aimez bien ce qu’il fait, cliquez ici et qui sait, vous pourrez peut-être bientôt le voir dans un musée en Belgique.

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Découvrez d'autres photographes belges mis·es à l'honneur sur VICE en cliquant ici. Vous êtes vous-même photographe et vous avez une série percutante ? Envoyez-nous un mail à beinfo@vice.com.

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