Drogue

Avec un dealeur de vapoteuses à la DMT

« Au lieu d'avoir une grosse montée et d'être instantanément explosé, avec la vapoteuse, vous pouvez contrôler la vitesse et la profondeur de votre trip. »
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
vape
Illustration : Lily Blakely  

« Sandy » est un chimiste qui fabrique et vend des vapoteuses à la DMT – un moyen de plus en plus populaire de consommer le puissant psychédélique – dans un laboratoire secret de la banlieue de Londres.

VICE : Hey, t’es dispo ?
Sandy : Toujours.

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Comment s’est passé ton confinement ?
J’ai été plus productif et occupé que jamais.

Depuis combien de temps vends-tu des vapoteuses contenant de la DMT ?
J'explore la molécule depuis huit ans et j'ai fait ma première vapoteuse il y a quatre ans.

Alors, qu'est-ce que les gens achètent exactement ?
La batterie, la cartouche et un petit étui, tout est compris. Le pack coûte 100 euros. Vous en tirez environ 30 à 50 trips, ou 100 expériences plus petites mais agréables.

Où trouves-tu la DMT ?
J'ai commencé à fabriquer ma propre DMT car il était difficile d’en trouver, et c'était la seule façon de garantir un approvisionnement propre et constant pour mes propres explorations. Elle est extraite de sources naturelles. En 2016, j'ai essayé de mettre des solutions à la DMT dans une cartouche de vapoteuse et ça a fonctionné à merveille.

« Le vapotage est un excellent moyen d'initier les gens à la DMT sans qu'ils aient à utiliser une pipe en verre, ce qui, pour certains, peut donner l'impression de fumer du crack »

Comment transformes-tu la poudre de DMT en liquide ?
Ma formule est top secrète.

OK, alors comment as-tu trouvé comment fabriquer les vapoteuses ?
Par tâtonnements. Il a fallu un certain temps pour peaufiner et perfectionner le mélange. Ensuite, j'ai dû trouver et tester des tonnes de matériel pour savoir ce qui fonctionnait le mieux. J'ai essayé et testé plus de 20 cartouches différentes avec des résultats mitigés. Je ne veux pas de fuites, de défauts ou d'autres problèmes.

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Proposes-tu d'autres drogues ?
Non. Juste ça.

Quel est l’intérêt de vapoter de la DMT ?
Les consommateurs peuvent inhaler une quantité faible mais efficace de cette drogue puissante. La vapoteuse ne contient pas de nicotine. Avant, les gens pensaient que la DMT ne pouvait fonctionner que si elle était injectée ou mélangée dans une infusion d'ayahuasca concoctée par un chaman amazonien, ou inhalée à partir d'un bang ou d'une pipe. Le vapotage est un excellent moyen d'initier les gens à la DMT sans qu'ils aient à utiliser une pipe en verre, ce qui, pour certains, peut donner l'impression de fumer du crack.

Combien de bouffées faut-il prendre pour ressentir tous les effets de la drogue ?
Trois à cinq poumons pleins font généralement l'affaire.

Quels sont les effets ?
Au lieu d'avoir une grosse montée et d'être instantanément explosé, avec la vapoteuse, vous pouvez contrôler la vitesse et la profondeur de votre trip, ce qui rend l’expérience beaucoup plus accessible à quelqu'un qui veut essayer pour la première fois.

Comment les vends-tu ?
Hors ligne. Uniquement par le biais de cercles fermés et d'amis d'amis, ou de recommandations. Je ne les vends pas ouvertement, je ne cherche pas à trouver de nouveaux clients et je n’ai pas envie de faire de la publicité. D’ailleurs, je n'ai jamais eu l'intention de les vendre. Au début, je ne les faisais que pour mon propre usage. Mais partager, c'est se soucier de l'autre, et il y a une demande : alors pourquoi pas ? Je les mettrais peut-être sur le dark web à l'avenir.

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Comment vont les affaires depuis que tu as commencé ?
La demande augmente au fur et à mesure que les vapoteuses sont en circulation, car les gens les partagent. Une fois qu'ils ont essayé, ils reviennent souvent en redemander. J'estime que les ventes ont décuplé par rapport à mes débuts. La plupart des personnes qui en achetaient une au début en prennent maintenant au moins dix à la fois. Je ne saurais pas dire combien j'en vends par mois, mais disons que c'est plus de 100.

Qui sont tes clients, en général ?
Des personnes de tous âges et de tous horizons. Mais en général, ceux qui traversent quelque chose, ou qui recherchent une sorte d'éveil ou de chemin spirituel.

Comment se comportent-ils ?
Je n'ai jamais eu de problèmes. Ce sont tous des gens décents. Ce qui m’embête un peu, c’est que parfois, ils sont très excités après une expérience extraordinaire et ils commencent à en parler à tout le monde. Cela peut paraître étrange, mais l'offre est limitée et je ne veux pas que tout le monde soit au courant de mon activité.

Es-tu une sorte de chaman urbain de la DMT ?
Oui, en quelque sorte. L'acte d'acquisition et de traitement des matériaux pour rendre la dorgue disponible pourrait être qualifié de chamanisme urbain. On m'a appelé comme ça plusieurs fois. Mais je ne me vois pas, ou ne me désigne pas, comme un chaman. Je ne fais pas de cérémonies physiques.

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Combien d'argent en tires-tu ?
L'argent n'est pas ma motivation. Il complète mes revenus légitimes. Les marges sont décentes, mais ce n'est pas un produit de masse, donc les ventes ne sont pas énormes. Ils durent également très longtemps, donc les gens ne reviennent pas tout de suite.

Quels sont tes motivations et tes objectifs ?
Je n'ai pas créé ça par hasard. Je pense simplement qu'il est de mon devoir de partager mon expérience avec ceux qui la recherchent. J’aimerais pouvoir l’offrir aux personnes qui en feront bon usage, mais je ne peux pas, de manière réaliste, contrôler avec qui mes clients partagent leur vapoteuse.

Pourrais-tu faire une vapoteuse qui donne une expérience de type ayahuasca, et qui dure plus longtemps ?
Oui, je suis en train d'expérimenter ça en ce moment. J'ai un extrait de Banisteriopsis Caapi [une vigne de la jungle amazonienne], que j'ajoute au mélange. J'aime l'idée d'une vapoteuse mêlant les deux plantes exactes à partir desquelles l'ayahuasca est fabriquée.

Ne crains-tu pas que ton produit puisse être utilisé par des personnes souffrant de problèmes de santé mentale ?
Si, bien sûr. J’essaie vraiment de faire en sorte qu'il ne tombe pas entre de mauvaises mains. Et si un client potentiel n'a jamais entendu parler de la DMT, alors la conversation s'arrête là : je ne persuade jamais les gens d’en consommer. Cet outil n'est pas pour tout le monde, mais au cours des quatre dernières années, je n'ai jamais entendu parler d'une quelconque réaction indésirable.

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Qu'est-ce que la DMT t'a apporté dans ta vie, en bien et en mal ?
Que du bien. Tout a commencé au Pérou avec l'ayahuasca, et j'explore cette molécule depuis. Cela m'a définitivement changé pour le mieux. Ce n'était pas du tout l'objectif, mais la DMT a accru ma conscience et mon intuition, et m'aide à voir les choses dans une perspective plus large, avec plus de compréhension.

Quel a été le meilleur et le pire retour qu'on t'ait jamais fait ?
Tout le monde en est époustouflé. Je reçois encore des messages de remerciement. Un seul mec m’a dit n’avoir ressenti aucun effet. C'était un cadeau, donc il n'était pas trop mécontent, plus déçu de ne pas pouvoir aller là où il l'avait espéré.

Quel est l'aspect le plus gratifiant de ton activité ?
J'aime rendre cette drogue plus accessible et disponible pour ceux qui veulent l'essayer, et reconnecter les gens avec l'univers et leur moi supérieur. J’ai créé ce produit pour moi, mais il est trop beau pour ne pas être partagé et j'aime en faire profiter les gens. C'est une expérience incroyable et impressionnante qui dure de dix à quinze minutes. J'aime entendre parler de l'impact de la molécule sur les clients.

Que pensent tes amis et ta famille de tout ça ?
Ceux qui sont au courant me soutiennent, mais ce n'est pas quelque chose dont je parle à tout le monde. La plupart des gens n'ont jamais entendu parler de la DMT, et encore moins essayé.

Crains-tu les conséquences si jamais tu te faisais prendre ? Il s'agit, après tout, d'une drogue « dure ».
Oui, bien sûr. J'ai une famille et aussi un emploi stable, donc je suis toujours aussi prudent que possible. Je sais que c'est un cliché, mais je fais ça par amour, pas pour l'argent ou la gloire. Un bon karma devrait assurer mes arrières.

Que faudrait-il pour que tu arrêtes de les fabriquer et de les vendre ?
Toute sorte d'attention non désirée. C'est bien de rendre service et d'aider les autres, mais je n'hésiterai pas à débrancher la prise si jamais je me sentais menacé ou en danger.

Merci, Sandy !

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