Après avoir passé plusieurs années à ingurgiter des éléments liquides, solides et gazeux plus toxiques les uns que les autres, certains se disent qu’en ce mois de janvier 2017, il est temps d’abandonner toute cette merde pour embrasser une existence emplie de pureté – du moins, pendant quelque temps. Dans certains pays, le mois de janvier est à l’alcool ce que le mois de novembre est à la glabreté chez les rugbymans du Sud-Ouest : une période d’oubli, que l’on nomme chez nos voisins le dry January – le janvier asséché, si vous préférez.
Après, il ne faut pas faire de cette expérience un truc exceptionnel. Les femmes enceintes arrêtent très souvent l’alcool pendant neuf mois, voire plus, les straight edge l’ont quitté par choix et les gens chiants n’y ont jamais pris goût. Mais, pour certains, un tel sevrage peut ressembler au calvaire du Christ sur le Golgotha. En effet, si vous décidez de vous plier à cette règle éphémère et ô combien absurde, il vous faudra dire adieu à vos pots journaliers, à vos beuveries hebdomadaires, ainsi qu’à une grande partie de vos amis – qui seront incapables de respecter votre choix et tenteront de vous injecter de l’alcool par tous les moyens.
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Pourquoi se priver du goût délicat et parfumé de l’alcool pendant un mois ? Serez-vous vraiment une meilleure personne après cela ? Pour répondre à ces interrogations, je me suis entretenue avec plusieurs spécialistes de la question et me suis rendue à l’institut Jellinek, un centre de prévention contre les addictions situé à Amsterdam.
En 2013, 14 journalistes du New Scientist s’étaient lancés dans l’expérience. Ils s’étaient soumis à plusieurs tests médicaux après avoir renoncé à l’alcool pendant un mois. Au bout de cette période de sevrage, les journalistes présentaient un taux de graisse dans le foie ayant baissé de 15 % en moyenne. Il faut savoir que la graisse peut causer des dommages importants au foie. Ils présentaient également un taux de glucose dans le sang ayant baissé de 16 % en moyenne. De plus, les membres de l’équipe avaient perdu un peu plus d’un kilo en moyenne, sans avoir modifié leurs habitudes alimentaires.
Voici donc une raison louable d’abandonner la boisson pour un mois. Le problème – et ce n’est pas une surprise – résidait dans les répercussions néfastes de cette expérience sur la vie sociale des journalistes. Floor van Bakkum, qui travaille à l’institut Jellinek, a évoqué avec moi les conséquences d’un tel changement de mode de vie. « Pour beaucoup de gens, le plus difficile n’est pas d’arrêter l’alcool pendant un mois mais plutôt d’avoir à supporter les commentaires des autres, a-t-elle avancé. Vous devez vous préparer à des commentaires acerbes. »
Les quelques personnes qui tenteront toujours de vous ramener à la bouteille ne sont pas les uniques empêcheurs de tourner en rond. En effet, votre corps voudra lui aussi se rapprocher de l’alcool, quoi que vous fassiez. Le psychologue Bart Vemer a tenté de m’expliquer le mécanisme de notre cerveau qui nous pousse vers l’alcool. Un exemple : si vous avez l’habitude de prendre une bière à cinq heures, votre cerveau se préparera dès quatre heures à l’ingurgiter, et fera en sorte que votre corps reçoive sereinement ladite boisson alcoolisée. « Dans un tel cas de figure, la partie du cerveau relative à l’alcool s’active et se demande si l’heure est venue, m’a résumé M. Vemer. Cette réaction est chimique, dans un premier temps. Ensuite, cela se transforme en pensée et en envie. Un tel mécanisme ne s’arrête pas lorsque vous dites adieu à l’alcool. Si vous ne vous pliez pas à cette injonction, vous serez irritable et fatigué. Vous aurez peut-être envie de vous détourner de ce sentiment en adoptant une pratique tout aussi dangereuse. Ces symptômes s’atténueront avec le temps, lorsque votre corps comprendra qu’il ne recevra pas d’alcool. »
Vous pouvez néanmoins soulager votre corps en vous reposant. « Après trois semaines sans boire, la qualité de votre sommeil est généralement bien meilleure, m’a précisé Floor van Bakkum. Boire quelques bières avant de se coucher permet peut-être de s’endormir plus facilement, mais le sommeil est bien souvent très léger. Avec l’alcool, votre corps ne se repose pas comme il le devrait. »
Mieux dormir et dormir plus longtemps sont d’ailleurs des étapes essentielles si vous voulez tenir vos bonnes résolutions. En effet, un manque de sommeil est absolument désastreux pour votre volonté, selon le psychologue Kemmy McGonigal, qui enseigne à Stanford. Selon lui, le manque de sommeil entrave le bon fonctionnement de la partie de votre cerveau responsable de la prise de décision et du contrôle des impulsions.
En général, votre santé mentale s’améliore après un mois d’abstinence. Vous vous sentirez plus en forme, plus concentré et votre mémoire sera bien meilleure. Cependant, Floor van Bakkum et Bart Vemer s’accordent pour dire que le résultat dépendra également de votre rapport initial à l’alcool. Si vous « buvez pour oublier », par exemple, vous devrez nécessairement surmonter vos angoisses lorsque vous arrêterez de boire. Votre santé mentale ne s’améliorera sans doute pas en un mois mais cela sera toujours bénéfique pour vous, votre corps et votre psyché.
J’ai fini par demander à ces spécialistes s’ils avaient des astuces pour rendre supportable le fait de ne pas boire pendant un mois entier. Floor van Bakkum m’a répondu en insistant sur le fait que ne pas boire permet surtout de comprendre à quel point l’alcool est présent dans notre vie. Cette spécialiste conseille d’étudier les situations auxquelles vous devrez faire face en amont afin d’être prêt le moment venu. « Soyez ingénieux, conseille-t-elle. Pensez à ce que vous pourrez boire à la place ou comment vous allez refuser un verre. Parfois, demandez-vous s’il ne serait pas préférable de rentrer chez vous ce coup-ci. » Il peut être intéressant de traverser cette épreuve à plusieurs, afin de ne pas avoir à supporter une solitude trop écrasante. « Vous n’avez pas à vous justifier en permanence lorsque vous faites quelque chose à plusieurs, poursuit Mme van Bakkum. Certaines personnes ont créé des groupes sur WhatsApp pour discuter quand elles traversent un moment difficile et qu’elles sont sur le point de rechuter. »
Arrêter l’alcool pendant un mois améliorera donc sans hésiter votre santé mentale et physique. La véritable question est de savoir si tous vos efforts ne seront pas réduits à néant lorsque minuit aura sonné à la fin de ce mois de sevrage. À vous d’être capable de vous imposer des limites. Après tout, vous êtes un adulte, n’est-ce pas ? Au moins, on ne pourra pas vous enlever une chose : votre satisfaction personnelle. Vous aurez fait preuve d’une grande discipline et serez ainsi officiellement supérieur à la plupart des gens sur cette Terre.
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