L’article original a été publié sur VICE Arabie.
Chaque jour, des étudiants universitaires dans le Sinaï Nord doivent supporter les checkpoints, les policiers lourdement armés, les coups de feu et la menace constante de bombardements pour assister à leurs cours. Cette province du nord-est de l’Égypte compte 100 000 étudiants répartis dans deux universités : l’université publique du canal de Suez et l’université privée du Sinaï. Si les étudiants des villes de la région les fréquentent, c’est qu’ils n’ont pas vraiment le choix.
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Dans les six dernières années, des combattants affiliés à Daech ont intensifié leurs attaques contre l’armée égyptienne, souvent dans le Sinaï. Les opérations du groupe armé dans la province ont commencé en 2011 avec le bombardement systématique des pipelines qui la traversent vers la Jordanie et Israël. En mai 2012, Daech a commencé à cibler directement les militaires. Ces attaques et les contre-attaques de l’armée ont fait des centaines de morts parmi la population locale et ont forcé des milliers de personnes à s’enfuir.
« Je fréquente l’université de Sinaï depuis quatre ans », me dit Khuloud, étudiante en médias. « Certaines journées ont été les pires de ma vie. Il est difficile pour les gens qui en sont pas d’ici de comprendre à quel point c’est difficile d’étudier quand on est constamment assiégé. » La jeune femme de 21 ans est née et a grandi à Mansourah, à environ 500 kilomètres à l’ouest du Sinaï Nord. Elle habite dans le Sinaï pendant la session. « Nous partons le matin sans savoir si nous rentrerons le soir, poursuit-elle. Nous avons dû faire trois prières funéraires l’an dernier en l’honneur d’étudiants tués. Ça ne semble jamais s’arrêter. »
Khuloud est souvent humiliée par des policiers agressifs quand elle revient au Sinaï après avoir passé du temps en famille. « La plupart des étudiants universitaires sont des expats, alors ils sont plutôt bien traités, mais nous, les Égyptiens, on nous maltraite et on nous humilie aux checkpoints, dit-elle. Les jours où je reviens à l’université, je pars à six heures du matin pour prendre le traversier qui relie les deux rives du canal de Suez avant midi, puis j’attends au moins trois heures pour traverser vers la rive est. Au checkpoint, on fouille et vide de façon routinière mes valises — c’est une pure perte de temps, et c’est la même chose au checkpoint suivant. »
« Je fréquente l’université de Sinaï depuis quatre ans », me dit Khuloud, étudiante en médias. « Certaines journées ont été les pires de ma vie. Il est difficile pour les gens qui en sont pas d’ici de comprendre à quel point c’est difficile d’étudier quand on est constamment assiégé. » La jeune femme de 21 ans est née et a grandi à Mansourah, à environ 500 kilomètres à l’ouest du Sinaï Nord. Elle habite dans le Sinaï pendant la session. « Nous partons le matin sans savoir si nous rentrerons le soir, poursuit-elle. Nous avons dû faire trois prières funéraires l’an dernier en l’honneur d’étudiants tués. Ça ne semble jamais s’arrêter. »
Khuloud est souvent humiliée par des policiers agressifs quand elle revient au Sinaï après avoir passé du temps en famille. « La plupart des étudiants universitaires sont des expats, alors ils sont plutôt bien traités, mais nous, les Égyptiens, on nous maltraite et on nous humilie aux checkpoints, dit-elle. Les jours où je reviens à l’université, je pars à six heures du matin pour prendre le traversier qui relie les deux rives du canal de Suez avant midi, puis j’attends au moins trois heures pour traverser vers la rive est. Au checkpoint, on fouille et vide de façon routinière mes valises — c’est une pure perte de temps, et c’est la même chose au checkpoint suivant. »
« Nous vivons tous dans un constant climat de peur, ajoute Khuloud. Des blindés patrouillent dans les rues en tout temps. J’ai vu des terroristes masqués tuer des soldats égyptiens en plein jour. »
« En dehors du danger quotidien, me dit Roqaya, elle aussi étudiante en médias, ce qui est aussi vraiment dérangeant, c’est que l’internet et les réseaux de communications sont constamment coupés, soit pendant les opérations militaires, soit à cause des attaques de Daech qui endommagent les infrastructures. Comme j’étudie dans les médias, ça fait en sorte qu’il est très difficile de faire quoi que ce soit. Et nous n’avons plus de moyens de joindre nos familles pour leur dire que nous allons bien. Des étudiants envoient des lettres et d’autres demandent à des chauffeurs de taxi de les aider à communiquer avec leur famille pour leur faire savoir qu’ils vont bien. Si quelque chose m’arrivait, deux jours passeraient avant que ma famille l’apprenne. »
« Dans le programme, les étudiants doivent produire des journaux ou des documentaires, mais on ne peut pas se promener dans les rues du Sinaï avec une caméra, c’est beaucoup trop dangereux, continue Roqaya. Quand nous quittons la maison avant le début de la session, les au revoir avec la famille sont longs et émotifs, comme si nous étions des soldats et que nous partions pour la guerre. La peur ne cesse pas quand nous arrivons sains et saufs à la maison : je suis hantée la nuit par ce que j’ai vu dans le jour. Je ne connais pas une seule personne qui n’a pas été émotionnellement affectée par le conflit. »
Justina, une étudiante en pharmacie de 22 ans, a perdu quelques amis à cause d’attaques terroristes dans les derniers mois. Elle pense à Mohammed Rashid, un étudiant en ingénierie, et à sa sœur, qui voulait comme elle être pharmacienne. Les deux ont été tués par une explosion en bordure de route.
Sauf pour assister aux cours, Jamal Eldin quitte rarement sa résidence. Il n’en a pas vraiment les moyens : à cause des fréquentes et longues pannes des systèmes de communications qui touchent la région, il arrive souvent qu’il ne reçoive pas l’allocation mensuelle que lui envoie sa famille depuis le Koweït. L’idée d’être prochainement diplômé est ce qui l’aide à tenir le coup, me dit-il. Mais il est reconnaissant envers les autres étudiants égyptiens qui sont toujours prêts à partager ce qu’ils ont avec lui et à l’aider à supporter les tensions locales.
La plupart des étudiants à qui j’ai parlé sont en colère en raison du traitement que leur ont réservé les militaires. Alaa raconte son arrestation à un checkpoint un matin alors qu’il se rendait à un cours : « Des officiers m’ont demandé mes papiers, et je leur ai montré ma carte d’identité de l’université, mais ils ont décidé de m’arrêter quand même. » Après, ils l’ont remis aux forces de sécurité antiterroristes qui l’ont détenu pendant deux nuits sans lui donner explications ni lui permettre de joindre sa famille. »
Malgré tout, Alaa s’estime chanceux : il sait que d’autres ont été détenus beaucoup plus longtemps et dans de pires conditions. On dit que les gens de la région sont traités plus durement parce que l’armée les considère comme plus susceptibles d’être des combattants de Daech que les expats.
Même si la famille d’Asme vit à seulement 30 minutes de l’université, la jeune femme de 20 ans a décidé, comme beaucoup d’autres, de s’installer sur le campus pour éviter les déplacements souvent dangereux autour de la ville. « Avant de m’installer ici, il me fallait des heures pour passer tous les checkpoints. Souvent, je descendais et faisais le reste du trajet à pied. »
Mais, qu’importe les précautions que prennent les étudiants, il est difficile d’éviter les dangers quand ils sont omniprésents. Il y a quelques mois, le bombardement de checkpoints à proximité de l’université a détruit une partie de son bâtiment principal.
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« Nous vivons tous les mêmes souffrances, les étudiants comme les professeurs », dit Amal Nasruddin, responsable du département d’anglais. « Les professeurs tentent d’assurer la sécurité des étudiants, mais c’est de plus en plus difficile. Les attaques de Daech sont d’une violence croissante et leur rayon d’action s’élargit, touchant la plupart des secteurs du Sinaï Nord. J’ai perdu tellement d’étudiants depuis 2014. Le dernier s’appelait Mohammad Abu. Mais, connaissant l’histoire récente de la région, je sais que ce ne sera pas le dernier. »