L’assassinat d’une figure de l’opposition burundaise, ce samedi, par des coups de feu tirés depuis une voiture, a poussé d’autres membres de l’opposition a se cacher, et a provoqué la suspension des discussions entre le gouvernement et les opposants au Président Pierre Nkurunziza, qui est candidat à un troisième mandat présidentiel. Ce lundi, en début de journée, les manifestations ont repris dans plusieurs quartiers de la capitale Bujumbura.
Zedi Feruzi, chef de l’Union pour la paix et le développement (UPD), un petit parti d’opposition, a été tué samedi, pendant la nuit, près de son domicile situé dans le quartier de Ngagara, à Bujumbura. L’un des gardes du corps de Feruzi a également été assassiné, et deux policiers auraient été blessés dans la fusillade.
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« Nous avons entendu beaucoup de coups de feu, » a témoigné un voisin à Reuters Television. « C’est malheureux, car il y avait des soldats de l’armée ici, et ils n’ont rien fait. »
Jean-Baptiste Bireha, un journaliste burundais de la radio privée Bonesha FM, était sur place quand la fusillade a éclaté, et dit avoir vu l’assassin utiliser une Kalashnikov depuis une Toyota. « C’était à bout portant, ils voulaient nous tuer, » a dit Bireha à la radio RFI.
Bireha, qui a été blessé dans l’attaque, affirme également que les assaillants avaient l’air d’être des membres de la garde présidentielle burundaise. Ces accusations ne peuvent pas être vérifiées, et ont été fermement démenties par un porte-parole du Président, qui a suggéré que si les assaillants portaient effectivement des uniformes, ce pourrait être une tentative de jeter le soupçon sur le gouvernement.
« Je les ai vus, ils avaient des uniformes de la police, [du genre] de ceux portés par la garde présidentielle, je suis sûr, » a dit Bireha. « Quand ils sont partis, ils criaient et chantaient. »
Peu après les tirs, la présidence burundaise a publié un tweet confirmant l’assassinat.
Selon le New York Times, Feruzi était membre de la communauté, relativement réduite, des musulmans au Burundi et une « figure bien connue » dans le pays, bien que son parti soit une petite composante de la coalition d’opposition. L’UPD a également été divisée sur le fait de soutenir la candidature du président Pierre Nkurunziza ou de rejoindre le front d’opposition, qui estime que la candidature du président à un troisième mandat viole la limite de deux mandats autorisée par la Constitution et l’accord de paix signé en 2005, à l’issue d’une guerre civile de plus 10 ans.
Feruzi a été enterré, dimanche, dans un cimetière musulman de Bujumbura, lors de funérailles suivies par plusieurs milliers de personnes. L’agence Associated Press (AP) rapporte que la foule a entonné des chants patriotiques alors que la dépouille était portée à sa sépulture.
La mort de Feruzi intervient moins de deux semaines après l’échec d’un coup d’État monté par des militaires burundais, en vue de destituer Pierre Nkurunziza, alors que ce dernier se trouvait à l’étranger. Plusieurs responsables de la tentative de putsch ont été arrêtés. L’un de leurs avocats a affirmé la semaine dernière que ses clients étaient torturés.
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Le leader de l’opposition, Agathon Rwasa a déclaré à AP que lui et d’autres dissidents se sont cachés dans la capitale, par peur pour leur sécurité, après l’assassinat de Feruzi. Les responsables de l’opposition ont également reporté la poursuite des discussions entre eux et le gouvernement burundais, mises en place ce mois-ci par l’Union africaine. Anshere Nikoyagize, à la tête de la Ligue ITEKA, un groupe de la société civile, a aussi déclaré, selon Reuters, que les partis d’opposition ne participeraient pas aux discussions.
Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a appelé le gouvernement et l’opposition à poursuivre les discussions dans l’espoir de prévenir de futures violences. Dans une déclaration, Ban Ki-moon a dit vouloir des deux parties qu’elles ne soient « pas découragées par ceux qui, à travers la violence, cherchent à empêcher la création d’un environnement propice à l’avènement d’élection pacifiques, crédibles et inclusives au Burundi. »
La semaine dernière, Pierre Nkurunziza a repoussé les élections législatives du 26 mai au 5 juin, à la demande de la Commission électorale. Les élections présidentielles sont, elles, toujours prévues pour le 26 juin.
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Au cours des affrontements entre opposants et policiers, plus 20 manifestants sont morts, et plus de 100 000 personnes ont fui le pays, par peur d’une escalade de la violence. Samedi, des grenades lancées dans un marché de Bujumbura ont fait au moins trois morts.
En Tanzanie, un pays voisin, une épidémie de choléra a touché l’un des camps où se réfugient des dizaines de milliers de réfugiés burundais, faisant des dizaines de morts, selon l’ONU.
Suivez Gillian Mohney sur Twitter: @gillianmohney
Etienne Rouillon a contribué à la rédaction de cet article.