Photo de David Pastouris, via Sud-Ouest.
À première vue, cette histoire de statue à la bite cassée à répétition par un malfrat de la ville d’Arcachon, en Gironde, ressemble à l’une des meilleures blagues sur le marché. Pourtant, l’affaire est devenue, au fil des mois, on ne peut plus sérieuse. La statue d’Héraclès, située dans le Parc mauresque de la ville, s’est en effet vue dépouiller en juin 2015 pour la première fois de ses attributs virils. Remplacé, le sexe est depuis régulièrement pété, encore et encore, sans doute par la même bande de plaisantins. Aujourd’hui à Arcachon, tout le monde râle au sujet de ces actes de vandalisme sans objet.
Videos by VICE
Commandée au sculpteur local Claude Bouscau au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la statue en marbre de carrare fut inaugurée au moins d’août 1948. Haute de plus de 3 mètres de haut et représentant le héros de la Grèce antique Héraclès, triomphant du Lion de Némée, l’œuvre se voulait une métaphore de la Résistance française face à l’occupation nazie des années 1940.
Conséquemment, l’émasculation de l’iconique statue a causé un mini-séisme dans la ville de Gironde. « L’attentat de juin dernier n’a pas été revendiqué, écrit le journaliste David Patsouris dans Ouest France. Et personne, à notre connaissance, ne s’est lancé sur la piste de l’émasculeur (se) », poursuit-il, vraisemblablement indigné. De fait, les habitants de la ville du bassin se demandent aujourd’hui s’il s’agit d’un acte politique. Ou peut-être d’une blague potache ? À moins que ce soit le dernier coup d’éclat d’une obscure ligue arcachonnaise de vertu, ce qui pourrait être envisageable.
Selon la légende, Héraclès a toujours fait bon usage de sa bite. Désireux d’avoir le héros grec pour géniteur de ses petits-enfants, le roi Thespios avait invité Héraclès, afin de lui offrir chacune de ses 50 filles une fois la nuit venue – quand ce dernier croyait retrouver chaque soir la même femme. De ces unions multiples sont nés 50 descendants, nommés les Thespiades.
De fait, aujourd’hui et dans la vraie vie, qu’est ce qui peut bien pousser une personne à aller castrer sauvagement une statue grecque somme toute plutôt jolie ? Pour comprendre les motivations d’un tel acte, j’ai d’abord interrogé la sexologue Maria Martinez.
« Nous ne connaissons pas l’auteur de cette émasculation, il est donc difficile d’interpréter les raisons qui ont pu motiver l’individu », m’a-t-elle répondu. « Les Freudiens considéreraient sûrement que la taille du membre d’Héraclès portait atteinte à la décence, et qu’il s’agirait donc d’une pulsion sexuelle refoulée », poursuit-elle. Dans des périodes antérieures à la nôtre, la sexologue m’a précisé que certaines personnes, souvent les plus puritaines, cherchaient à préserver la décence de toutes les manières possible. Il est donc vraisemblable que la démarche de l’arracheur de bite soit liée à celles-ci, et que les petits malins aient trouvé cette statue trop dénudée à leur goût.
« Pour l’anecdote, j’ai pris modèle sur mon propre sexe au repos, que j’ai harmonisé afin de l’adapter à une statue de 3 mètres 10. »
Depuis l’an dernier, les récidives se multiplient. Après chaque réparation, le sexe d’Héraclès se trouve de nouveau malmené par les serial-mutilateurs anonymes. Devant l’importance du problème, la mairie d’Arcachon – que j’ai tenté de contacter, sans succès – a décidé d’équiper la statue d’un sexe amovible. Celui-ci est vissé puis dévissé lors de chaque cérémonie officielle.
Le créateur du nouveau pénis, qui rend systématiquement au héros grec sa virilité, s’appelle Christophe Thomas Castelnau. Après un rapide contact sur Twitter, j’ai entamé avec lui une conversation. Il m’a appris qu’il avait été flic, puis qu’il s’était par la suite reconverti dans la sculpture. Avec moi, il est revenu brièvement sur son parcours.
« Harceler les gens ? Ce n’était pas fidèle à mes principes, c’est pourquoi j’ai démissionné de la Police au bout de cinq ans, en 1986, m’a-t-il dit. J’ai obtenu un diplôme de sculpteur-ornemaniste, et je suis alors revenu à Arcachon, à la mairie. J’ai un jour eu l’idée de reconstruire le sexe d’Héraclès qui avait été cassé. J’ai donc effectué un nouveau sexe en marbre. »
Le problème, c’est que le sexe d’Héraclès s’est par la suite trouvé mutilé à cinq autres reprises. C’est pourquoi, lorsqu’on lui a demandé de remplacer, une nouvelle fois, le pénis de la statue, Christophe a refusé. Il est revenu avec une proposition de solution alternative. Celle d’un pénis détachable à l’infini.
« J’ai trouvé un truc, m’a-t-il confié. J’ai exécuté le moule, et coulé le sexe en plastique, que l’on maintient par une vis à un mandrin d’inox scellé dans la statue. Désormais, on ne le fixera qu’au moment des festivités. » Il m’a ensuite raconté la façon dont il avait trouvé l’inspiration formelle du modèle du moule. « Pour l’anecdote, j’ai pris modèle sur mon propre sexe au repos, que j’ai ensuite harmonisé afin de l’adapter à cette statue de mètres 10. »
Selon les dires du Parisien, la statue retrouvera son sexe, moulé à partir de celui du sculpteur Castelnau, dès le 22 août prochain. Ce sera à l’occasion d’une fête en l’honneur de la Libération de 1944. D’après plusieurs rumeurs, le vigoureux pénis demeurera caché jusqu’à cette date, quelque part dans les recoins de la mairie.
Mélanie est sur Twitter.