La pochette du premier album de Uniform Choice est un des meilleurs exemples de l’esthétique straight edge : Straight & Alert, comme le scande le morceau phare du disque, sorti en 1986. Elle incarne à elle seule toute la jalousie que j’éprouvais pour ces types de mon lycée qui paradaient avec leur blousons de baseball frappés des lettres SCREAMING FOR CHANGE au milieu des années 90. Elle évoque aussi un groupe qui tentait autre chose que le hardcore standard de l’époque, par l’intermédiaire des spoken words de son leader, Patrick Dubar. Mais avant toute chose, ça reste l’une des covers qui symbolise le mieux l’énergie brute et l’urgence du hardcore.
Cet artwork est l’oeuvre de Gavin Oglesby, également connu pour avoir joué dans un nombre conséquent de groupes : No For An Answer, Ignite, Carry Nation, The Killing Flame et Triggerman en tête. En plus de tenir la guitare dans toutes ces formations plus ou moins légendaires, Gavin en a également crée les visuels. Alors qu’il multipliait les groupes (avec toutefois quelques périodes creuses ici et là), il en a profité pour étudier le graphisme, le packaging, l’illustration et la peinture et s’est plus tard retrouvé à bosser pour des agences de pub et en tant qu’illustrateur à plein temps, pour des clients aussi divers que Disney, Warner Bros, Universal, Britney Spears ou Gossip Girl.
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Il existe 4 pressages différents de Screaming for Change. C’est le premier qui diffère le plus des suivants, les dessins de la cover et de la back cover n’ont en effet pas la même finition. Pour le premier pressage, Oglesby a peint lui-même l’image parce que la photo du groupe prévue pour le disque était trop sombre pour être reproduite. Uniform Choice avaient en plus décidé de modifier les gens présents sur la photo (en mettant un crâne rasé à tout le monde) pour que l’ensemble représente une sorte d’idéal type du concert hardcore straight edge.
À cette époque, Oglesby était réputé à Orange County pour peindre les blousons en cuir de ses potes – une pièce obligatoire pour tous les punks straight edge du milieu des 80’s. Les modèles Bad Brains et Minor Threat que vous pouvez voir ci-dessous ont été peints par ses soins.
s’est amusé au jeu des 7 différencesLa back cover a elle aussi été changée entre les deux éditions (la première en jaune, la secone en vert). La première était un clin d’oeil au disque Subject to Change de Faith (que vous pouvez voir tout à gauche). C’est quasiment une copie. Ensuite, le groupe a préféré une photo de chaque membre en action plutôt que leur pose bucolique d’origine.
La seconde phase d’Oglesby, celle du photoréalisme brut en noir et blanc, va atteindre son climax à la fin des années 80 après qu’il ait obtenu son diplôme de graphisme et de packaging au FIDM de Los Angeles en 1987. Les principaux travaux de cette période seront ses covers des 45 tours de Hard Stance (Face Reality) et de Carry Nation (Face the Nation) tous deux sortis en 1988. La peinture de Hard Stance fut inspirée par la célèbre photo prise en 1965 par James Karales, lors de la marche de Selma à Montgomery pour le droit de vote des Noirs, immortalisant le pic de la lutte pour les droits civiques en Amérique.
Celle de Carry Nation contient elle aussi une image photoréaliste en son centre. Et elle tranche avec la photo du combat de boxe légendaire opposant Sugar Ray-Robinson et Jake LaMotta. Evidemment, ce n’est pas une simple reproduction de la photo mais à nouveau une version peinte d’Oglesby. Vous pouvez comparez vous-mêmes, avec une photo des deux légendes sur le ring en complets Everlast.
Oglesby avait dû se procurer une photo similaire à partir de laquelle s’inspirer. L’image est encadrée dans un bloc qui rappelle celui du dos de Screaming for Change de Uniform Choice. Alors que cette image renvoie à la violence rituelle, le logo de Carry Nation au centre, est tiré de la célèbre statue de Voutchetitch, Laissez-nous transformer nos épées en charrues, qui borde l’East River à New York, et qui est un symbole de non-violence et de paix.
La troisième phase du travail d’Oglesby regroupe les peintures à l’huile qu’il a réalisé dès le début des années 90. La pochette du premier album de Pennywise (en 1991) peut être considérée comme un premier pas vers cette esthétique, dont Killed for Less de Sensefield en 1994 marquera le vrai point de départ. Cette phase coïncide plus ou moins avec le diplôme que Gavin obtient à la fac de design de Pasadena en 1993 où il étudiait l’illustration et la peinture. Sa technique en peinture à l’huile, couplée à une emphase pour les portraits du 19ème siècle, resplendit ici. Depuis la pochette de Sense Field, Oglesby a bossé régulièrement avec des groupes jusqu’à l’année 2000. Ses pochettes pour l’album Building (1996), pour les groupes Palefire (1996) et Drown (1998) en sont de parfaits exemples. Il en a aussi profité pour faire le logo d’Ignite, à l’époque de leur EP Where They Talk en 1994.
Cette période sera suivie d’une pause de plus d’une décennie, au cours de laquelle il se consacrera à d’autres projets, avant de renouer avec ses premières amours vers 2012. On peut citer le graphisme de l’album Learning to Lie de Triggerman, le poster pour le concert anniversaire des 25 ans de Revelation Records ou encore la cover du documentaire Orange County Hardcore Scenester. Ces travaux récents restent dans la veine de sa période colorée tout en ajoutant des éléments photoréalistes. On pourrait probablement parler d’une quatrième phase de son travail dans laquelle il a digéré toutes ses précédentes influences. Mais attendons de voir ses prochains boulots pour le savoir.
Plus de Gavin Oglesby sur gavinoglesby.deviantart.com