INDE – LE PRINCE DES VOLEURS EST UN FAKIR

Petit, je m’introduisais le matin dans la cuisine avant que mes parents ne soient réveillés, j’ouvrais le placard, saisissais une bouteille d’huile à frire et en buvait une grosse rasade…

Cette opération avait des conséquences immédiates sur mon estomac et simulait à merveille une grippe intestinale, ce qui signifiait trois jours au fond d’un lit chaud à se faire bichonner par toute la famille, loin de l’univers carcéral que représentait pour moi l’école. Amarendra Nath Ghosh aurait sans doute été mon idole si je l’avais connu à l’époque. Devenu une célébrité en Inde, il ne s’agît ni d’une star de grosses productions bollywoodienne, ni d’un chanteur de Bhangra, mais de l’homme le plus recherché par la police. De 1992 à 1996, il a extorqué des millions  aux banques de la régions de Kolkata en commettant des braquages, des fraudes ou en manipulant de crédules employés de banque. Il s’est ensuite réfugié à Dubaï, puis à Vanuatu  où il a profité de son amitié avec le premier ministre de l’époque, Barak Sope, pour détourner à ses dépens 300 millions de dollar. Il s’est alors enfui vers l’Allemagne les poches pleines de billets, mais le gouvernement indien l’a retrouvé et a obtenu rapidement son extradition… C’était compter sans l’imagination débordante de Gosh qui s’est empressé d’avaler un couteau à pain de 8 centimètres et de refuser toute opération visant à le récupérer. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il n’était pas question pour cet homme rigolard de se suicider mais de faire de son corps un objet fragile impossible à transporter et de mettre ainsi les autorités allemandes chargées de livrer le colis dans l’embarras. Grâce à la pratique du Pranayama, une technique de contrôle de la respiration utilisée en yoga, il a maintenu sa forme physique et maîtrisé l’inconfort de cette présence logée dans son estomac pendant plus de 4 ans tout en profitant des magnifiques paysages de Bavière. Malheureusement pour lui, le gouvernement indien est finalement parvenu à ses fins et a affrété un avion-ambulance de l’armée pour venir le chercher. Son procès va commencer d’ici quelques semaines et promet d’être particulièrement mouvementé, d’une part à cause de la longue liste de chefs d’accusation lancés contre lui, et d’autre part à cause de sa ferveur religieuse qui fait de lui un homme respecté par son entourage ainsi que par les autorités religieuses à qui il a versé des milliers de roupies. Un homme qui vit avec un couteau dans le ventre pour échapper à un gouvernement qui maintient la peine de mort ne peut pas être fondamentalement mauvais.