Les temps sont durs pour Akebono Taro, l’Hawaïen qui s’est lancé dans le sumo puis s’est reconverti catcheur pro, que les fans de baston connaissent sous son nom de naissance de Chad Rowan. D’après le Wrestling Observer Newsletter, à 47 ans, le golgoth a été hospitalisé à l’hôpital mardi dernier après un combat pour la DDT, une fédération japonaise de catch. Il a même été plongé dans un coma artificiel suite à une sale infection. Il serait en train de se rétablir et rêve d’un retour à la compétition, toujours selon le même média.
Par le passé, on s’est bien foutu de la gueule d’Akebono pour sa carrière en MMA plutôt foireuse, mais là, on rigole plus du tout. Il est même temps de rendre hommage à un mec qui, s’il a passé ces seize dernières années à faire de la merde, a eu une carrière de sumo plus que brillante : il a quand même été le premier gaijin, ou non-Japonais, a atteindre le rang de Yokozuna, le plus élevé de ce sport, traditionnellement peu ouvert aux étrangers.
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Malgré ses jambes plutôt fines comparées à son buste, il supportait facilement ses 226 kilos et ses 2,03 mètres qui lui ont permis de briller dès son arrivée au Japon en 1988. Sa grande allonge lui a permis à maintes reprises de balancer ses adversaires hors du ring en quelques secondes. « Nous étions une génération de forces brutes », avait résumé Akebono dans les colonnes du New York Times, reconnaissant que ni lui ni ses contemporains n’étaient très techniques : « Nous gagnons vite ou nous perdions vite. »
En cinq ans, Akebono a été l’un des premiers à briser la barrière culturelle qui protégeait le sumo de l’étranger depuis plus de 1500 ans : des 63 yokozuna (le plus haut rang dans la discipline, ndlr) reconnus jusque-là, il était le seul étranger. Il a conquis ce titre très prestigieux en remportant plusieurs tournois de rang, ce qui est très rare. Il a surtout dû se battre contre de nombreuses règles le désavantageant, le nombre d’étrangers autorisés à pratiquer le sumo étant limité. Mieux, il a su vaincre les réticences culturelles du public japonais, pour qui les étrangers ne pouvaient pas posséder le hinkaku, cette forme de dignité si spéciale que doit avoir un yokozuna. En 1992, un sumo d’origine américaine s’était vu refuser cette promotion pour cette raison, alors qu’il avait des résultats largement suffisants. Mais en janvier 1993, Akebono, qui avait alors 23 ans, a été récompensé par le “conseil des Sages” après une seconde victoire de rang en tournoi.
A lui seul, Akebono a remporté 11 championnats avant de prendre sa retraite et affiche un bilan équilibré de 25 victoires partout contre Takanohana, l’autre grand yokozuna de sa génération. En 1996, il a changé son nom pour pouvoir obtenir la nationalité japonaise, un honneur rare, qui lui a été accordé puisqu’il a même défilé deux ans plus tard lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Nagano.
Après avoir subi une série de blessures qui l’a poussé vers la retraite en 2001, des problèmes financiers l’ont contraint à revenir sur les rings pour un bilan désastreux : 0 victoires pour 4 défaites en MMA et 1 victoire pour 9 fessées en kick-boxing. Mais même dans la défaite, Akebono est resté une légende au Japon. La preuve, son combat en K-1 contre Bob Sapp a attiré 54 millions de téléspectateurs japonais, soit quasiment la moitié de la population du pays. Ensuite, il a remporté moins de succès en se lançant dans le catch, mais c’est une autre histoire.
Ces années passées dans le divertissement sportif ne doivent pas vous détourner de l’identité profonde d’Akebono, qui reste et restera un grand sumo, un pionnier de ce sport, qui lui a fait prendre un virage primordial. Sur les huit nouveaux sumo nommés yokozuna depuis qu’Akebono a accédé à ce rang il y a 25 ans, un est hawaïen et quatre autres sont mongols. Les tabous et les a priori qui demeuraient il y a une génération de cela ont sauté grâce à un mastodonte de 220 kilos, qui, on s’en rend compte aujourd’hui, est finalement aussi humain que nous. Nous lui souhaitons bonne chance et bon rétablissement.