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LE NUMÉRO MODE 2011

Circuit Electric

À l'heure où les groupes indé ne jurent que par la réitération d'une coldwave réchauffée, Peaking Lights a choisi le camp des Ewoks plutôt que celui de Dark Vador.

À l’heure où les groupes indé ne jurent que par la réitération d’une coldwave réchauffée, Peaking Lights a choisi le camp des Ewoks plutôt que celui de Dark Vador. Leur pop atmosphérique, dans la lignée de Blues Control, Sun Araw ou Forest Swords, s’immerge dans les pulsations d’un dub du troisième millénaire. À la manière du docteur Frankenstein du reggae jamaïcain, tels King Tubby ou Lee Perry qui bricolaient eux-mêmes leur caisson de basse à l’aide de matériaux de récupération, ce couple du Wisconsin se sert essentiellement de vieux transistors et de pédales d’effets au rebut, dont ils recyclent et assemblent les composants électroniques pour en faire de nouveaux synthétiseurs aux oscillations imprévisibles. Conciliant système D et mixage sophistiqué, Aaron Coyes (qui joue aussi dans le duo Rahdunes et produit en solo des tapes sous les noms Face Plant et Unborn Unicorn) extirpe de ces machines faites maison des ritournelles diluées dans la reverb et des grooves organiques sur lesquels Indra Dunis (ancienne membre du grrrl band Dynasty) vient poser son chant langoureux. Leur second album est empli de ce mélange de béatitude et de sensualité qu’on ressent parfois au petit matin, au moment où s’évaporent les embruns de molécules hallucinogènes et que les premiers rayons du soleil viennent nous réchauffer le cul.

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Quelle que soit votre inclinaison musicale, il y a des disques qui vont droit à l’essentiel et devant lesquels aucune vanne ne peut faire le poids. Peu de musiciens,

a fortiori

des guitaristes, possèdent cette étincelle divine. Et je dis ça en tant qu’agnostique impénitent. En congé temporaire de son groupe d’impro electro-acoustique Peeesseye, Chris Forsyth revisite la grande tradition de l’Americana cosmique qui va de John Fahey à Jack Rose (auquel est dédié le blues de « New Pharmacist Boogie ») en passant par Van Dyke Parks. Sur la trilogie qui donne son titre à l’album, les arpèges de guitares s’enchevêtrent dans de longs crescendos harmoniques soutenus par un drone qui s’électrise progressivement jusqu’à se noyer dans une marée de feedback. Sans vouloir vous plomber de références, on pourrait croire à une compo de Jim O’Rourke jouée par Spectrum et Richard Lloyd – le guitariste de Television. C’est d’une beauté absolument sublime et je pèse mes mots. L’autre gros morceau du mois est une anthologie du prolifique Mark McGuire, guitariste d’Emeralds, qui a essaimé ses productions sur environ 300 cassettes et 200 vinyles. Ce mec a genre votre âge (qui n’est pas le mien), 27 ans. Ce double LP vient à point pour saisir la beauté immanente de sa musique qui ressemble à des éclats de cristaux capturés par un Polaroïd de 1974.

Le prog rock est une musique a priori bien trop boursouflée et virtuose pour élargir son public-­niche de vieux baroudeurs à catogan édentés qui jouent à

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Donjons & Dragons

. Il semblerait que je me sois planté puisqu’un jeune groupe de Chicago répondant au doux sobriquet de Ga’an a pondu un album qui parvient à renouveler le genre en lui ôtant son encombrant pompiérisme. Visiblement traumatisé par Magma et Goblin, le quatuor tonne une liturgie menaçante sous le joug d’une vocaliste psalmodiant des syllabes en kobaïen et accompagnée d’un Moog émulant des râles d’outre-tombe, d’une basse au groove concentrique et d’une batterie atteinte d’arythmie. Encore un effort, en revanche, pour ne pas passer pour des hippies dégénérés qui écument les bars sordides devant un parterre de

rednecks

.

Pierre LX est un Parisien de 25 ans qui a précocement pigé que sa patrie était un pays de fieffés réactionnaires pas vraiment au jus des dernières tendances de la musique électronique. Du coup, il s’est exilé au Brésil où il a entamé une carrière de DJ aux côtés de Bonde do Role avant de migrer à Londres en 2003 pour étudier en ­parallèle le cinéma et la vidéo. Dans son premier album – dont le titre,

Out 1

, est tiré d’un film de Rivette –, il incorpore des éléments de UK Bass à une deep house languide, influencée aussi bien par les chantres du minimalisme teuton des années quatre-vingt-dix (Closer Musik, Kompakt, Maurizio) que par la techno de Detroit. Quoique destinée aux boomers des clubs londoniens, sa musique délaisse les turbines compressées pour développer des structures 4/4 au cordeau nuancées par des effets de décalage dub. Sérieux, si ce type-là n’arrive pas à redonner ses lettres de noblesse à la dance music française, c’est qu’il n’y a plus rien à attendre de ce pays. Sa cote grimpe doucement mais sûrement – pour preuve, il vient juste de signer un mix pour le légendaire club Fabric. S’il parvient à salir un peu sa musique, il entrera dans la lice des outsiders du moment : Levon Vincent, Actress, Kassem Mosse, Mark E ou John Roberts, dont le crucial LP

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Glass Eights

a donné un nouveau souffle à une house au bout du rouleau. Par la même occase, procurez-vous l’incontournable coffret d’inédits de Virgo Four, les Samson & Goliath de la house de Chicago. Le premier tocard venu qui me rétorque que c’est

old school

, je l’attache à une chaise et je le force à écouter l’intégrale Merzbow au casque.

EVA REVOX

PEAKING LIGHTS – 936 (NotNotFun)

MARK MC GUIRE – A Young Persons Guide to (eMego)

CHRIS FORSYTH – Paranoid Cat (Family Vineyard)

GA’AN – Ga’an (Captcha Records)

PIERRE LX – Out 1 (Initial Cuts)

JOHN ROBERTS – Glass Eights (Dial)

VIRGO FOUR – Resurrection (Rush Hour)