On estime que, en 1850, 7 000 Amérindiens de Nisenan vivaient là où se trouve désormais la ville de Nevada City, en Californie. Aujourd’hui, ils ne seraient plus que 147.
Alors que la ruée vers l’or domine le registre historique de la ville, l’histoire de la tribu Nisenan demande encore à être racontée. Une histoire marquée par la douleur, l’oppression exercée par les colons européens et les promesses non tenues du gouvernement des États-Unis. Mais les membres de la tribu sont un modèle persévérance – contre toute attente, les Nisenans existent toujours.
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« [Nous avions] fondé une véritable société ici il y a des milliers d’années, bien avant la ruée vers l’or », explique Shelly Covert, secrétaire du conseil tribal de la tribu Nisenan. « J’ai essayé d’augmenter notre visibilité, mais c’est vraiment difficile. »
Aujourd’hui, le gouvernement américain reconnaît 562 tribus amérindiennes, comme les Apaches d’Oklahoma et les Blackfeet du Montana. Cette tribus bénéficient de fait une protection fédérale de leurs réserves et ont accès à un soutien financier. Malheureusement, les Nisenans n’en font pas partie.

Le manque de reconnaissance de la tribu remonte à la liquidation du système des rancherías en Californie – initialement, l’Etat accordait des terres aux tribus amérindiennes et leur offrait un soutien fédéral. Mais le Congrès a décidé de supprimer 41 rancherías en Californie en vertu du Rancheria Act de 1958. Au cours des 25 dernières années, 27 des 38 rancherías qui avaient été supprimée à cause de cette loi ont été restaurées. Toutefois, selon Covert, les Nisenans ont été la première tribu à se voir refuser la restauration de leur ranchería en 2015. Ce refus a été attribué au fait qu’ils en avaient fait la demande passé le délai de prescription de six ans.
Selon Covert, à cause de ce refus, les « tribus » du comté de Nevada sont dépourvues de « services de santé et de logement, de programmes d’éducation, de programmes d’aide au travail, etc. », ce qui est troublant, puisque 87% des Nisenans vivent en dessous du seuil de pauvreté, selon des enquêtes internes. « Nous souffrons d’un manque d’éducation et d’emplois, et nous affichons des taux élevés de toxicomanie et d’alcoolisme, de violence domestique, de suicide et de problèmes de santé », poursuit Covert.

Regagner la reconnaissance fédérale et culturelle est devenu la mission première des membres de la tribu – cela les aiderait à renverser certaines de ces tendances déconcertantes. Mais il est difficile de demander la reconnaissance après avoir tenté pendant des années d’échapper à l’oppression.
« Dans les années 1950, nous avons commencé à faire profil bas », déclare Richard Johnson, président du conseil tribal. « Nous n’avions pas confiance dans le gouvernement, qui venait et prenait nos enfants. C’est ce qu’ils m’ont fait. C’est ce qu’ils ont fait à ma mère et à mes deux tantes. Donc on restait tranquilles, on n’allait pas se vanter d’être indiens. C’était la dernière chose à faire, sinon quoi on risquait d’être battus ou tués. »
Ce manque de visibilité est en fait un problème plus large auquel sont confrontés de nombreux Amérindiens aux États-Unis. Michael Ramirez, jeune membre de la tribu Nisenan et fondateur d’Indigenous Insight, un organisme à but non lucratif axé sur la représentation autochtone à travers les médias, déclare : « Quand vous tapez, par exemple, “Afro-Américains” sur Google, vous tombez sur Obama. Mais quand vous tapez “Amérindiens”, vous tombez sur des photos des années 1880 qui propagent l’idée que nous avons disparu dans les années 1900 et, plus important encore, que nous laissons les choses couler passivement. »

Aujourd’hui, les membres restants de la tribu de Nisenan tentent de récupérer leur identité. Le 11 novembre dernier, ils ont organisé la huitième édition de leur Fête du Patrimoine dans un gymnase du collège local. La célébration portait sur les « visions d’appartenance et la nécessité d’avoir un chez soi ». Lors de l’événement, la linguiste Sherri Tasch a dirigé une table ronde sur l’importance de faire revivre la langue Nisenan. Les invités ont eu droit à des danses cérémonielles toto (sociales) et des cours de tissage. Les membres de la tribu se réunissent également une fois par semaine avec un linguiste, leur langue étant considérée comme une priorité aussi vitale que leur lien avec la terre elle-même.
« Mes aînés m’ont toujours dit que lorsque nous parlons notre langue, d’autres êtres comprennent : l’eau, les arbres, les animaux. Nous devons utiliser notre langue, car c’est notre lien direct avec Mère Nature », déclare Wanda Batchelor, membre de la tribu Nisenan.
« Notre culture est si fragile en ce moment. Chaque fois que nous perdons un aîné, nous nous demandons : quelles sont les questions que nous ne lui avons pas posées, celles dont les réponses ne se trouvent pas dans les livres ? » déclare Covert.

Les Nisenan comprennent que le fait d’être reconnu par le gouvernement ne résoudra pas les problèmes auxquels ils sont confrontés, mais qu’il fera office de « filet de sécurité » pour la tribu. Pour obtenir cette reconnaissance fédérale, la tribu prévoit de faire pression sur le Congrès et coordonne ses efforts avec le California Heritage Indigenous Research Project (CHIRP).
« Mon objectif personnel est d’être représenté », déclare Ramirez. « J’aimerais pouvoir regarder autour de moi et voir des visages comme le mien. Dans un futur utopique, je n’aurai pas à expliquer aux gens que oui, j’existe et je suis toujours là ».






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