Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat entre VICE + et VOO Business.
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Leurs trajectoires sont volontiers romanisées : on les imagine saints révolutionnaires ou despotes inconscients, statut qu’ils entretiennent à grand coup de keynotes. Reflet d’une société à l’américaine où chacun peut – mais surtout doit – se construire lui même, les jeunes entrepreneurs seraient l’image d’un monde des possibles où les idées sont des pépites revendues au prix fort. Mais si ces parfums de succès mégalomaniaques peuvent séduire, font-ils vraiment sens pour une génération confrontée à de nouveaux défis écologiques et économiques ? Loin des chemins pavés d’or, certains osent se lancer à leur compte, non par appât du gain mais dans un désir plus modeste de retourner au tangible, de trouver un équilibre personnel pour mieux vivre.
C’est dans cette démarche qu’Anthony Barbarich a créé Studio Colibri. Une boite de création de sites web moins énergivores qui défend une plus grande durabilité dans notre rapport au numérique et au travail.
VICE : Salut Anthony, tu as toujours eu envie de créer ta propre boite ?
Anthony : Dès que j’ai terminé mes études, j’ai travaillé comme indépendant. J’ai commencé à facturer des pochettes de vinyles, des logos, des petits sites,… Ça m’a permis d’être très vite confronté à la réalité en devant payer des taxes, assurer un suivi financier et obtenir une quantité de projets suffisante. C’est ainsi que j’ai lancé ma première entreprise. Un truc simple mais réaliste qui proposait des services graphiques au client. Ce n’était pas un concept de fou mais c’était sain et ça m’a permis de vivre plusieurs années.
« À l’époque du boom des start-ups, on rêvait avec mes potes de créer une application qui allait révolutionner le monde. Il y a avait une sorte d’effervescence hyper excitante. »
Tu travailles dans le secteur numérique. La Silicon Valley et ses succes story, c’est quelque chose qui te fait rêver ?
Il y a quelques années, à l’époque du boom des start-ups, on rêvait tous avec mes potes de créer une application qui allait révolutionner le monde et que tout le monde allait utiliser. Il y a avait une sorte d’effervescence hyper excitante et on avait le sentiment que tout était possible. Mais ça s’est révélé fortement utopique. J’ai vu beaucoup de gens dépenser énormément d’énergie et d’argent dans des projets qui n’ont jamais porté leurs fruits. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus pondéré car je constate que les entreprises qui durent sont des entreprises plus artisanales et organiques, au contraire de start-up plus idylliques.
Est-ce que plus jeune tu voulais déjà bosser dans la création de site web ?
J’ai très vite été branché ordi et graphisme. Quand j’étais ado, avec mes potes, on faisait des sites sur Dragon Ball Z. Alors naturellement, j’ai eu envie d’étudier ça. J’ai aussi fait beaucoup de musique électronique. Le drame de ma vie, c’est que l’année passée alors que je m’étais mis à bosser à fond dans la création de sons, je me suis abîmé gravement les oreilles. Ça m’a obligé à faire un choix et à arrêter complètement la musique. J’ai alors cherché à développer un autre projet pertinent et j’ai créé Studio Colibri.
« On est face à des défis qui sont impressionnants en terme de durabilité socio-économique et écologique. L’entrepreneur d’aujourd’hui se doit d’y répondre et d’y apporter des solutions. »
Selon toi, c’est quoi être un entrepreneur ?
On est face à des défis qui sont impressionnants en terme de durabilité socio-économique et écologique. L’entrepreneur d’aujourd’hui se doit d’y répondre et d’y apporter des solutions en créant un projet qui s’inscrit dans une dynamique durable. C’est à dire avoir une vision pérenne des choses non seulement sur le plan climatique et écologique mais également économique et éthique.
À l’époque de l’instantanéité permanente et des flux sans cesse mis à jour, cette vision durable n’est malheureusement pas assez mise en avant…
On est dans la surconsommation actuellement. Prendre du recul et faire les choses un peu à l’ancienne, en prenant le temps, avec un sens de l’artisanat et du respect du produit qu’on fournit, me semble assez pertinent. Ça permet de prendre le contre-pied de l’industrialisation globale des métiers et de la numérisation des éléments.
« Ce qui plait à nos clients, c’est qu’on leur dit qu’on prend le temps de bien faire les choses, à la manière d’un producteur local qui cultive ses propres légumes. »
C’est dans cette optique que tu as créé Studio Colibri ?
Studio Colibri est né d’une lassitude commune avec Robin, mon ami d’enfance et collègue, de l’univers web actuel. Ce n’est pas un projet né avec un plan financier de malade mais avec la volonté simple et modeste de résoudre un problème qu’on avait constaté. On voulait créer des sites web plus légers et moins demandeurs en ressources énergétiques. C’est une démarche intéressante dans la mesure où ça demande de penser différemment ton agencement. Un site web qui est peu énergivore est un site dont le poids des images est limité par exemple. Ce qui plait à nos clients, c’est qu’on leur dit qu’on prend le temps de bien faire les choses, à la manière d’un producteur local qui cultive ses propres légumes.
Faire de l’artisanat avec une dimension numérique, ça serait la solution de la réussite ?
Il y a eu tellement de dissociation avec le réel actuellement que l’artisanat est hyper pertinent. Ça va à l’encontre de beaucoup d’entrepreneurs qui vont voir en priorité leur plan financier. Ce n’est pas une dynamique dans laquelle j’ai envie de m’inscrire. J’ai eu l’envie de revenir à quelque chose de tangible, de simple, alors que j’avais le sentiment de m’être un peu perdu dans des visions utopistes ou dans des investissements élevés.
« Si tu n’es pas amoureux de ce que tu fais, ça ne peut pas durer. Et puis si tu es passionné, tu ne vois pas les heures passer. En ça, je suis un vrai romantique du boulot. »
Comment envisages-tu le travail ?
Pour moi, travailler c’est pousser tes inspirations et tes idées le plus loin possible en cherchant à t’améliorer. C’est un peu cliché, mais je crois vraiment que la passion joue ici un rôle important. Si tu n’es pas amoureux de ce que tu fais, ça ne peut pas durer. Et puis si tu es passionné, tu ne vois pas les heures passer. En ça, je suis un vrai romantique du boulot.
Comment fait-on quand on est un jeune entrepreneur pour convaincre des clients de nous faire confiance ?
C’est une plaie. Quand tu commences et que tu n’as pas de portfolio, c’est difficile. Je crois qu’au début, il faut s’accrocher à quelques projets qui te plaisent vraiment, même s’ils ne sont pas rentables, afin de construire un portfolio robuste.
Pourquoi à l’époque où l’on a accès à de plus en plus de data, de rapidité, est-il important de veiller à l’élaboration de sites web plus légers ?
Tous les sites sont hébergés sur des serveurs dans des data center qui consomment énormément d’énergie. Plus on produit de contenu, plus cela engendre un coup énergétique. Ce n’est pas parce qu’on a la possibilité de faire du streaming en ultra HD que c’est d’office positif. Ça engendre une consommation énergétique de fou furieux. La question qu’on doit se poser est de se savoir si on veut produire plus d’énergie pour répondre à nos besoins ou si on essaie de réduire ces besoins. C’est là qu’on se positionne.
Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui voudrait se lancer à son compte ?
Je crois que c’est hyper important à l’heure actuelle d’oser pousser sa vision et sa passion jusqu’à devenir bon dans ce qu’on fait. Cela te permet ensuite d’avoir un vrai pouvoir décisionnel sur ta vie. J’ai quitté des tafs en agence parfois bien payés pour travailler en mon nom car je désirais explorer mes idées. Ça m’a permis de développer un portfolio solide et aujourd’hui ça paie. Il faut avoir confiance en ses intuitions et puis être courageux et travailler, beaucoup.
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