Il y a quelques mois, alors que je faisais des recherches sur une communauté de survivalistes en Italie, j’ai rencontré Paolo*, un homme de 30 ans originaire de la région de Modène, dans le nord du pays. Depuis les inondations qui ont balayé sa ville natale en 2014, Paolo gardait un sac de survie et se tenait prêt à partir en cas de catastrophe. Au début du mois de mars, lorsque les rumeurs de confinement ont commencé à circuler, Paolo m’a envoyé un message disant qu’il avait décidé de tout plaquer pour partir s’installer dans un petit chalet situé dans les montagnes des Apennins, à trente minutes à pied du voisin le plus proche.
Trois mois plus tard, alors que les restrictions sont progressivement levées, Paolo est toujours sur le mont Cimone, non découragé par les nuits difficiles, où les températures peuvent descendre en dessous de zéro. « Au départ, je pensais rester ici quelques mois, mais maintenant, je compte y rester au moins deux ou trois ans », explique Paolo. Il a quitté son emploi au début de la pandémie et n’est pas optimiste quant à l’avenir immédiat de l’Italie. Donc, pour l’instant, il préfère se retirer de la société.
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La vie d’ermite existe depuis des millénaires. Des personnalités religieuses et laïques célèbres l’ont adopté tout au long de l’histoire, notamment le poète et philosophe Henry David Thoreau, le moine bouddhiste Ryokwan et même Jésus lui-même (mais seulement pendant 40 jours et 40 nuits). Peut-être inspirés par Into the Wild, plusieurs jeunes désenchantés de la vie urbaine optent également pour un mode de vie semi-ermite.
Depuis qu’il a décidé de prolonger son isolement forcé, Paolo doit se serrer la ceinture. Dans les montagnes, son déjeuner se résume parfois à un petit morceau de fromage et quelques crackers. « Avant, je mangeais 200 grammes de pâtes par jour, maintenant, j’ai réduit à 100 », dit-il. Après avoir découvert que sa petite cabane était encore à la portée de la technologie et de la civilisation, il a commandé une réserve de multivitamines bon marché sur Amazon, ce qui, selon lui, compensera son régime alimentaire peu optimal.
Bien sûr, la frugalité volontaire de Paolo cache certains privilèges. Le chalet appartient à sa famille, donc ses économies ne passent pas dans un loyer. Ses parents sont en bonne santé, donc il n’a pas à s’inquiéter pour eux. Depuis qu’il vit au milieu de nulle part, il n’a eu de contacts humains qu’avec une poignée de personnes qui vivent à proximité. Il est toujours dehors quand le temps le permet ; sinon, il essaie de s’occuper de son mieux à l’intérieur.
Même si je suis fasciné par ses efforts, je me demande si ses craintes ne sont pas infondées. « Et si tu finis par t’affamer dans les montagnes pendant des années, pour rien ? » je lui demande. Bien qu’il admette s’intéresser quelque peu aux théories du complot entourant le coronavirus, il me rassure : c’est la meilleure décision qu’il ait jamais prise. Il n’a pas été facile de s’habituer à cette nouvelle routine, mais il apprécie sa nouvelle tranquillité. « Au moins, je n’ai pas passé des mois barricadé chez moi à angoisser devant le taux d’infection quotidien et les rapports sur le nombre de décès, dit-il. J’apprends à être un peu plus autonome, et j’ai enfin du temps pour moi. »
À vrai dire, je l’envie un peu.
*Le nom a été modifié.
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