Sports

Avec les apprentis photographes du Red Star

Crédit photo Henrike Stahl

C’est l’heure de la deuxième mi-temps. La première s’était jouée en novembre à l’Orfèvrerie. Les jeunes licenciés du Red Star avaient sorti leur plus belle plume pour rédiger les textes accompagnant la visite de l’exposition « BAN ». Le second volume de l’événement a lieu du 14 mars jusqu’au 5 avril aux Magasins généraux, à Pantin. Cette fois, les jeunes footballeurs et footballeuses ont ajouté leurs propres photos à celles des 11 artistes exposés. Le thème reste le même : « Qu’est-ce qu’être au ban, qu’est-ce qu’être à part, à côté d’un monde, à côté des autres ? »

Les organisateurs ont travaillé en collaboration avec le Red Star Lab, « laboratoire culturel et artistique du Red Star » qui « a pour vocation d’offrir aux licenciés du club un accès à des univers culturels ». Ils ont appris à manier l’objectif, à choisir les bons angles, à jouer avec le flou et la lumière. Certains clichés ont été pris au stade Bauer, le terrain de jeu des équipes du Red Star. Les autres ont été prises par les jeunes une fois rentrés chez eux. Parmi la dizaine de photos exposées, il y a celles de Brenton, Bichara, Aliya et Hassan. VICE leur a demandé ce qui les avait inspiré. Ils nous ont parlé potes, écriture, famille, foot, et quartiers.

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Brenton Claquin, 16 ans

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C’est chez moi que j’ai pris la photo. J’habite à Gonesse, dans le Val-d’Oise. Mon petit frère était assis en haut de notre lit superposé, il regardait une vidéo. Je me suis mis debout sur le lit d’en bas, et je l’ai pris par surprise. Je préfère les photos naturelles, prises sur l’instant. Quand tu poses, tu peux sourire alors qu’au fond t’es triste. Quand tu vois pas l’appareil, t’as pas le choix, t’es toi. Pour les paysages, finalement c’est pareil. Je préfère les endroits normaux, comme une rue avec des gens qui marchent, qui parlent, qui galèrent avec des sacs de course. C’est pas forcément beau, mais la vie elle n’est pas toujours joli non plus.

Si j’avais un appareil, je prendrais aussi des matches de foot en photo. Je montrerais les mouvements des joueurs, la joie sur leurs visages quand ils marquent, la fierté quand c’est ton pote qui met le but. Parce que sur le terrain, pour gagner il faut être soudé. C’est pour ça que j’aime aussi le basket : y a que cinq joueurs, cinq guerriers qui avancent ensemble pour gagner. Ils ont la grinta, c’est comme ça qu’on dit. Au foot, certains jouent pour leur gueule. C’est pas ça une équipe.

En général, je prends rarement des photos. L’appareil de mon téléphone a une mauvaise qualité. Parfois, j’emprunte celui de ma sœur, ou celui d’un pote. Mais je préfère écrire, surtout des morceaux de rap. Je m’inspire des gens qui m’entourent, mes potes, mes voisins, mon quartier, quelques rappeurs. Le meilleur, c’est Kalash Criminel. Son rap, c’est pas pour dire de la merde. Chaque son qu’il fait, c’est une histoire.

Aliya Ayache, 17 ans

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Hassan et Illias sont deux très bons potes. Sur la photo, ils se regardent dans les yeux, on dirait qu’ils se comprennent, qu’ils s’aiment même. Il y a de la force en eux. C’est moi qui leur ai demandé de se tenir comme ça. C’est leur amitié qui m’a inspirée. J’ai aussi photographié Riym, ma meilleure pote. On se connaît depuis deux ans, on joue au foot ensemble.

Sur mon compte Instagram, je mets surtout des photos de mes potes. Sur Snapchat, c’est plutôt des paysages, quand je vais dans un bel endroit. C’est bien d’avoir des images pour se souvenir des bons moments. Mais un vrai appareil, c’est plus précis qu’un téléphone. Pendant les ateliers, on a appris à se concentrer sur les détails, à jouer avec la lumière et le flou. Moi j’aime bien capturer les paysages la nuit. Chez moi, à La Plaine, j’ai pris une photo dans mon hall d’immeuble. A travers la vitre, on voyait la gare et puis quelques lumières. J’ai trouvé ça joli.

Hassan Zouhir, 15 ans

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On avait passé l’après-midi en famille, chez nous, à Gonesse. Hassana, ma sœur jumelle, et Imen, notre nièce, étaient enfermées dans une chambre. Je les entendais rigoler. Quand je suis entré, ça m’a fait penser au thème de l’expo, « être au ban » : elles étaient à côté de nous, mais à part. Je leur dit « bougez pas, j’arrive », je suis vite allé chercher l’appareil et je leur ai demandé de refaire la scène. L’autre photo de Hassana (dans l’exposition, nldr) je l’ai prise par surprise. Elle était devant moi, je l’ai appelée, elle s’est retournée. C’est peut-être à cause du flash, mais quand je vois son expression sur la photo, j’ai l’impression qu’elle veut me frapper. Je préfère la première, avec Imen. C’est une image de joie.

Avec mon téléphone, je prends rarement des photos. J’ai un compte Instagram mais c’est pas trop mon délire, j’ai rien mis dessus. Si je prends des photos de moi, j’ai toujours l’impression qu’elles sont moches, ou ratées. Je préfère celles que les autres prennent. C’est peut-être parce qu’on se regarde pas comme les autres nous voit. J’aime bien par exemple la photo qu’Aliya a prise d’Illias et moi. Je sais qu’il est timide, j’ai un peu forcé pour qu’on se tienne comme ça. On est super potes, ça fait trois ans qu’on est dans la même équipe. Sur la photo, ça se voit qu’on est soudés.

Bichara Ali, 16 ans

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Sur la photo, c’est Abdoulaye. On joue dans la même équipe au Red Star. Pendant l’un des ateliers, on devait prendre des photos en noir et blanc. Comme c’est mon pote, je lui ai demandé de poser. Lui, il est gardien, alors sur le terrain, il prend tout le temps le ballon à la main. Pour la photo, il a reproduit les gestes qu’il fait pour s’entraîner. Jongles, dribbles, lancers, et tu refais. Il était plutôt concentré. Quand tu regardes la photo, tu vois une expression déterminée. Mais en vrai il aime bien rigoler, il fait tout le temps des blagues.

Avec un téléphone, tu prends des photos partout, tout le temps. Tu fais moins attention à la lumière, au décor, aux couleurs. C’est comme tout, plus t’en as, moins c’est précieux. Pour l’atelier, j’ai surtout photographié mon quartier, le 20e arrondissement de Paris. Je voulais le mettre en valeur, le faire connaître. J’aime bien le parc de Belleville. On y a voit tout Paris. A côté, il y a une petite place avec une école maternelle. Tout le monde se rassemble là-bas, pour traîner, discuter. Avec mes potes on y va depuis toujours. J’ai pris des photos là-bas parce que c’est important comme endroit pour moi.

Mais ce que j’aime bien avec les images, c’est que chacun voit ce qu’il veut. Un texte, c’est plus explicite. Sur la photo que j’ai prise d’Abdoulaye par exemple, moi je vois mon pote, je pense à nos entrainements de foot. Si tu ne le connais pas, tu penseras peut-être à ton frère, au match que tu as regardé hier… ou à rien du tout.

« BAN », du 14 mars au 5 avril aux Magasins généraux, 1 rue de l’ancien canal, 93 500 Pantin.

Photographes : Henrike Stahl, Anton Renborg, Valérie Kaczynski, Leo d’Oriano, Adrien Vautier, Louisa Ben, Marvin Bonheur, Tabatini et Alcaide, Aurelien Gillier, Antoine Massari, Lucien Courtine, et les jeunes du Red Star Lab.

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