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Avec son nouvel extrait Festival, Crabe s’intègre à l’industrie

Avec son nouvel extrait Festival , Crabe s’intègre à l’industrie

Trois ans après le célébré Le temps f33l (album punk de l’année au GAMIQ 2016, quand même), faisant suite à un bluffant autant que fructueux passage au concours-vitrine Les Francouvertes l’an dernier (une troisième place en finale, quand même itou), Crabe est sur le point de faire paraître son sixième album, Notre-Dame de la vie intérieure, sous le label Pantoum Records. Toujours autonomes et affairés à se surprendre eux-mêmes pour pouvoir en faire autant alentour, Mertin Hoëk et Gabriel Lapierre en présentent aujourd’hui le deuxième extrait, Festival, en primeur sur VICE Québec, qui les a rencontrés pour jaser de monde qui connaît du monde, d’épiphanie sous influence et du FUTUR.

VICE : Salut Crabe. Est-ce que ça va normal?

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Gabriel : On est en train de monter notre nouveau set électronique, avec V-Drum et sampler – c’est pas mal de job, faut qu’on alterne entre notre set habituel et ça, qui devait être une joke, à la base, mais qui va finalement devenir un album complet, qu’on va enregistrer bientôt. Ça s’enligne pour sonner comme un mélange de Death Grips, The Residents pis Dan Bigras qui chante du Evanescence.

Mertin : On s’est rappelé qu’on avait dit à Victime qu’on ferait un petit split avec eux, aussi.

G : Pis l’an passé, aux Francouvertes, on a gagné l’enregistrement d’une pièce au Studio Wild à Saint-Zénon. On veut faire une toune le plus pop possible, avec un mastering pour Énergie, pis idéalement un featuring de Loud.

M : Pis de Cœur de Pirate.

La dernière fois qu’on s’est jasé , c’était quelques mois après la parution de Le temps f33l , qui, en fait de break-up album, en était un inouï. Qu’est-ce qui s’est passé pour vous depuis?

G : On stagne pas. Ça a quand même été rapide de monter Notre-Dame de la vie intérieure, qui est plus immédiat et coloré que Le temps f33l, je trouve, et qui représente plus la personnalité du band.

M : On a fait des shows, comme un band québécois non populaire, dont une série en ouverture de la tournée 25e anniversaire d’Arseniq33 – des idoles. Pis on a été le house band du dernier GAMIQ.

Un moment charnière, audacieux, dédié, insolent et anecdotique, et puis finalement récompensé de votre histoire récente, ç’a été votre participation au concours-vitrine des Francouvertes en 2018. C’était quoi l’intention initiale derrière votre inscription, et qu’est-ce que vous en avez retiré au final?

M : C’était l’idée de Gab qu’on s’inscrive, il trouvait ça drôle. Moi, je savais pas c’était quoi. Quand j’ai reçu l’appel comme quoi on était acceptés, j’ai un peu freaké, j’ai dit : « Madame, je vais devoir vous rappeler, je sais pas si je suis prêt pour ça. »

G : On voulait sortir de notre zone de confort.

M : Une affaire qui m’a convaincu, c’est qu’Arseniq33 nous ont dit l’avoir fait à l’époque. Ça m’a laissé présumer qu’il y avait peut-être de la place pour un groupe comme nous là-bas.

G : Ça en prend pas beaucoup pour être différent. Jacques Bertrand Junior l’a fait, lui aussi, mais ça l’a découragé, notamment de constater que certaines ficelles étaient probablement tirées d’avance, que des contrats étaient déjà signés.

M : Au début c’était un peu une joke, on était certains de se faire éliminer. Se rendre en finale, c’est vraiment devenu angoissant, s’imposer des juges, c’est angoissant. En même temps, on était vraiment touchés d’être toujours deuxième ou troisième au palmarès tout au long du processus. Je m’explique ça de deux façons : d’une part, je pense que le monde aime être sorti de sa zone de confort, mais l’oublie facilement; mais aussi, avec le recul, j’ai constaté que la longévité du groupe, la couverture médiatique qu’on a pu avoir par le passé, le monde qu’on connaît, ça a sûrement eu une incidence sur notre classement – qu’il y avait probablement des ficelles tirées pour nous autres aussi, dans le fond.

G : On s’est imposé de faire une thématique différente à chaque ronde, on remaniait toujours 80 % du set. On s’est challengés, on en ressort avec une plus grande adaptabilité. Pis Mertin est ben ému d’avoir remporté le prix d’auteur-compositeur de la SOCAN, aussi.

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Photo par Yuki BT

Là, vous êtes au ras de dévoiler votre sixième album, Notre-Dame de la vie intérieure , pis ça se passe de façon considérablement pro : vous avez de la promo, un petit label, vous avez enregistré ça avec l’éminent Guillaume Chiasson de Ponctuation : vous baignez dans l’huile de l’industrie comme jamais auparavant. Comment vivez-vous votre nouvelle vie?

M : C’est cool de pouvoir travailler avec des amis, surtout des amis qui t’aident avec ce que tu peux pas faire ou que ça te tente pas de faire.

G : C’est cool d’avoir l’impression d’être pro. Mais on reste autonomes : l’album a été produit avec l’argent des shows qu’on a faits.
M : Ou pas faits : la plus grosse paye qu’on a jamais eue – pis on parle juste d’une couple de centaines de dollars – c’était une gig qu’on a gagnée aux Francouvertes, un concert extérieur sur l’heure du dîner dans le Vieux-Port, qui a été annulé à cause de la pluie, mais on a eu le cachet quand même.

Parlant d’industrie, votre nouveau single s’intitule Festival , et ça jase d’une épiphanie sous influence de Mertin lors d’un festival.

M : Quand je jouais dans I.D.A.L.G., on était dans un festival extérieur, j’avais pris de la MD pis je m’étais assis tout seul dans un champ en obsédant sur le fait que c’était beige, ce genre d’événements. En même temps, j’avais peur d’aller me chercher à manger, parce que j’allais croiser d’autres artistes. Pis sur la scène, je voyais Klô Pelgag et ses musiciens, qui font de la belle musique intègre et quand même wack, mais plus accessible. Ils étaient déguisés en fruits, ils faisaient leur truc, ils s’amusaient, et ça m’a apaisé. J’ai compris que les artistes menaient toutes et tous le même combat, qu’on était dans le même bateau, avec les mêmes intentions pures.

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Dans le fond, Festival , ça jase d’avoir le blues lors du festival. Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon blues?

G : Quand j’habitais à Amos, quelqu’un avait demandé à un prof de guitare c’était quoi le blues. Il a répondu que c’était « une base de langage qui, si tout le monde l’apprenait, pourrait permettre de tout dire ». C’est un peu comme l’espéranto de la musique, dans le fond.

Le thème de Festival , ça serait plutôt la communauté? C’est quoi les autres thèmes de l’album?

M : Pour Festival, la communauté, oui. La résilience, la résignation, faire la paix, aussi. Le thème de l’album, c’est l’étang : la mare noire qui représente la part d’ombre qu’on a à l’intérieur. C’est d’essayer de comprendre ce dans quoi on s’enfonce quand on a des patterns d’autodestruction, et être capable de s’arrêter en chemin, même si c’est tellement facile d’y aller. Festival, c’est à peu près la seule toune qui aborde pas ça, mais un peu, en même temps.

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Vous sortez un album dans quelques semaines, vous allez en enregistrer un nouvel incessamment itou, pis vous êtes déjà sur le cas de la suite de la suite. Je sais que ça se pourrait que Crabe réalise le prochain album d’un artiste plutôt pop, entre autres. Bref, comment est-ce que vous allez continuer à vous intégrer à l’industrie?

G : Suite à ce contrat-là, on se disait qu’on pourrait devenir une compagnie de réalisation : on arrête le band pendant trois, quatre ans, on revient…

M : Ça se peut que ça soit même plus nous autres dans le groupe, à un moment donné.

G : On va engager du monde pour jouer à notre place.

M : On va devenir une entité, quelque chose de malléable, plus comme une idée.

G : Checke ben ça, le titre de l’article, ça va être : « Crabe commencent dans l’industrie et ils vont devenir une compagnie ».

Notre-Dame de la vie intérieure paraîtra le 3 mai sous le label Pantoum Records.

Benoit Poirier est sur Twitter (des fois).