Avec un collectionneur compulsif de billets de match de foot

Adrien Bottiglione est tombé amoureux du ballon rond, comme beaucoup, grâce à son papa : « En février 1998, j’avais alors neuf ans, je suis allé voir un Metz-Strasbourg avec mon père. C’était le début d’une grande histoire d’amour avec le football. » Année de Coupe du monde oblige, le petit Adrien ne tarde pas à succomber aux charmes des Bleus et, dans le même temps, de son équipe locale, le Football Club de Metz. « Pour moi, c’était pile la bonne année, ironise le collectionneur de 29 ans. La France remporte le Mondial à la maison et Metz joue le titre. Tous les astres étaient alignés ! » Attaché à son premier billet comme Charlie à son ticket d’or, Adrien avoue l’avoir rangé dans une boîte en carton, son coffre-fort à lui. Le premier billet de match d’une très longue série, qui comporte aujourd’hui 9 444 unités.

Dès quatorze ans, alors habitué aux travées du stade Saint-Symphorien, le Lorrain, abonné à Onze Mondial, décide de passer une petite annonce dans les pages du magazine. Sans réels espoirs de retours, Adrien se réveille un matin avec la bonne – ou mauvaise – surprise d’avoir reçu du courrier à ce sujet. « Ma boîte aux lettres dégueulait d’enveloppes », se souvient-il avec le sourire aux lèvres. Du Nord au Sud, presque toutes les régions de France ont répondu au jeune féru de billets. « J’ai même reçu une enveloppe bien garnie d’un Français expatrié en Grèce. » Si la première semaine après la publication de l’annonce a été une « pure folie », Adrien Bottiglione reconnaît que « peu à peu, cela s’est calmé ». Malgré tout, cette correspondance lui a permis, à diverses reprises, de tisser des liens avec ses donateurs : « Il y a une fille qui habite à Lille, avec qui j’échange toujours. C’était il y a presque quinze ans pourtant ! Mais elle vient à Metz une fois par an et moi je monte la voir dans le Nord. »

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Si la collection d’Adrien a énormément pris d’ampleur grâce à cette petite annonce passée à l’adolescence, notre collectionneur admet que la plus importante vague de billets a été rendue possible grâce à Internet et aux réseaux sociaux : « Je suis sur Facebook depuis sept ans maintenant. Ça a été les plus gros arrivages de billets. Avec Instagram aussi les choses vont plus vite. Je recherche le hashtag du match et je contacte les gens. Souvent, ça les fait rire et ils me répondent illico. » Des donneurs anonymes donc, mais parfois aussi officiels « J’ai envoyé une demande à tous les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 au moment de mon inscription sur les réseaux, se souvient Adrien. Tous ne m’ont pas répondu mais j’ai eu de très belles surprises. » Surtout une d’ailleurs, venue tout droit d’un département situé à l’opposé de sa Meurthe-et-Moselle natale, la Gironde. « Bordeaux m’a envoyé un colis énorme avec plus de 200 billets rangés par thématique : Coupe d’Europe, championnat, Coupe de France. Ma demande les avait intrigués. Le club au scapulaire, chapeau ! »

Contrairement aux croyances, Adrien Bottiglione n’est pas unique en son genre. Au rayon des collectionneurs, les puristes font la loi. Le jeune homme de 29 ans n’en a que faire. Pour lui, un billet reste un billet : « Certains vous diront : ”Je ne prends que les billets des matches auxquels j’ai assisté.” D’autres qu’un billet sans sa souche ne vaut rien. C’est sûr que si j’ai le choix, je prends le billet avec sa souche, mais selon moi, un ticket c’est avant tout une histoire. » Et des histoires, ses sésames compostés en ont à raconter. « Un jour, un Anglais assez âgé m’a envoyé plusieurs de ses billets. Parmi eux, un datait du 18 novembre 1972. Un match entre Wolverhampton et Ipswich Town. Rien que de le voir, ça me fait voyager. C’est le plus ancien que j’ai. J’en ai aussi qui me rappelle des souvenirs moins gais. Par exemple, j’ai un attachement particulier à mon billet du France-Allemagne du soir des attentats à Paris. Celui-là, j’y étais… Sale soirée. »

Sa passion cartonnée, Adrien Bottiglione y consacre énormément de temps depuis vingt ans. Entre sollicitation, récolte, rangement, classement informatique, il confesse y passer au moins une heure par jour. Un chantier colossal. « Les plus anciens ou abîmés, je dois les plastifier. La plastifieuse, c’était un bon investissement. Après, je dois les ranger dans leurs boîtes pour protéger l’encre des UV et les classer sur mon fichier Excel. Ce n’est pas de tout repos. » Une plastifieuse qui est, à quelque chose prêt, le seul investissement dans sa collection : « En Belgique, tout le monde achète ou revend. Moi, je pense qu’une collection se base sur les valeurs du don. J’envoie régulièrement mes doubles à d’autres collectionneurs, mais je n’achète jamais de pièces. Les seuls frais que je tolère, c’est de payer le timbre et l’enveloppe à mes donateurs. »

Désireux de partager son amour du billet avec les autres, le Lorrain a ouvert depuis deux ans un site Internet, www.fcmetztickets.fr, sur lequel il a scanné toutes ses entrées pour des rencontres des Grenats. « Ça m’a pris des heures, des jours, des semaines. » De quoi le faire réfléchir à l’heure d’évoquer une telle tâche pour toute sa collection : « Je le ferai un jour, je le sais. Mais ça me prendra des mois. Je pense que j’ai l’une des plus grandes collections de France. » Si grande, que l’idée d’exposer lui a même déjà traversé l’esprit. « Logistiquement, ça serait compliqué, mais j’aimerais le faire. »

À l’aube de la saison 2017-2018, sa vingtième en tant que collectionneur, Adrien Bottiglione aspire à passer un cap : « En mai prochain, avant la Coupe du monde en Russie, je veux avoir dépassé la barre des 10 000 billets de match. » Pourtant, cet amoureux du papier cartonné et estampillé déclare la mort dans l’âme que les difficultés guettent sa passion : « De nos jours, avec les e-billets et les abonnements à carte, cela devient dur de trouver des billets originaux. Je sais que c’est plus rapide et plus écolo, mais les gens se rendent-ils vraiment compte de la beauté du papier et de l’odeur de l’encre ? Un ticket, c’est le symbole même du match de foot. » Sésame indispensable pour entrer dans une enceinte de football, la possible disparition du billet de match ferait donc des malheureux. Mais elle nous priverait surtout du malin plaisir que l’on ressent lorsque l’on agite frénétiquement cet objet et que l’on dit à qui veut l’entendre : « Eh oui, j’y étais ! »