Il y a près d’un an, et deux ans après avoir surfé Nazaré en tow-in, Benjamin Sanchis, réalisait son rêve, son fantasme : surfer Jaws, l’immense vague hawaïenne. Le surfeur d’Hossegor vit pour ça et n’a jamais aimé la compétition, qui ne correspond pas à sa vision du surf, comme il l’expliquait en septembre 2016 à Sport & Style, le supplément de L’Equipe magazine.
VICE Sports a toujours été fasciné par les grosses vagues, et de ce fait, par les mecs qui s’y aventurent. On les appelle les surfeurs de gros et Benjamin Sanchis en est un. Rencontre.
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VICE Sports : Salut Benjamin, tu peux nous expliquer ce qui te fait vibrer dans le surf de grosses vagues ?
Benjamin Sanchis : C’est simple. Pour moi, le surf c’est se faire plaisir, surfer des vagues parfaites et avoir ces montées d’adrénaline que seules les grosses vagues peuvent procurer. Et puis, il faut dire que cela me permet aussi de beaucoup voyager et que je suis un très mauvais compétiteur…
C’est vrai que tu ne participes ni aux compétitions classiques, ni à celles dans les grosses vagues. Qu’est-ce qui te déplaît là-dedans ?
J’ai peur de faire des choses stupides ou trop risquées si je suis en série, alors que là, j’ai mes propres objectifs et je prends le temps d’arriver à mes fins. J’ai la liberté d’aller surfer quand j’en ai envie, c’est une autre logique que celle de la compétition. Prendre une belle vague à Jaws et avoir le respect de mes pairs, c’est largement suffisant pour moi.
Penses-tu que les Français ont des chances d’être plus nombreux sur le Championship Tour ces prochaines années ? Selon toi, qui sont les prochains espoirs pro français ?
Marc, Ramz, Joan (Marc Lacomare, Ramzi Boukhiam et Joan Duru qui a réussi à se sélectionner depuis la réalisation de cette interview, ndlr) et d’autres s’entraînent très dur et ont un super niveau. Ils mettent toutes les chances de leur côté et je suis sûr qu’à un moment donné ça va payer. Il n’y a pas de secret, ça marche seulement si tu le veux vraiment et que tu travailles dur.
Aujourd’hui, quels sont tes spots de prédilection ?
J’ai passé énormément de temps à Tahiti à surfer Teahupoo (il s’est même blessé là-bas en tapant le récif de corail en 2013, ndlr). J’aime aller en Irlande, au Maroc, aux Canaries, en France et au Portugal lorsque les conditions sont bonnes. J’aimerais aussi découvrir quelques vagues en Australie de l’ouest en tow-in (tracté par un jet-ski, ndlr). Mais lors l’hiver 2015-2016, je suis tombé amoureux de Jaws à Hawaï.
Là-bas, tu as pris à la rame des vagues qui ont pu monter jusqu’à 18 mètres alors que la plupart des surfeurs privilégient le tow-in dans ces conditions…
Certaines vagues sont faites pour repousser ses limites à la rame plus que d’autres. Jaws est vraiment faite pour la rame s’il n’y a pas trop de vent. Elle casse plus ou moins au même endroit et le take off n’est pas trop extrême. D’autres comme Teahupoo, Mullaghmore ou Nazaré restent des vagues où je prefere m’éclater en tow-in.
Penses-tu qu’il y a une « limite » pour le surf à la rame ?
Non pas vraiment. Ca dépendra plus du vent et de la vitesse de la houle.
Peux-tu revenir sur ta relation avec Shane Dorian ?
Cela fait maintenant plusieurs années qu’il vient surfer en Europe avec nous. J’adore son approche, c’est pour moi le meilleur surfer au monde aujourd’hui. Il me donne des conseils essentiels, c’est vraiment grâce à lui et à Greg Long que j’ai atteint mes objectifs à Jaws cet hiver.
Outre Jaws, quelles ont été tes meilleures sessions de ces derniers mois ?
Ces derniers mois, j’ai eu pas mal de choses à faire pour mes sponsors : photoshoots, évènements, etc… ce qui fait que j’ai loupé plus ou moins tout ce qui s’est passé ce printemps. La surf house que j’ai monté chez moi, à Seignosse dans les Landes, m’a également pris pas mal de temps. Mais je n’ai aucun regret, je suis extrêmement content du résultat.
Est-ce que tu peux nous parler de cet endroit qui a l’air de beaucoup compter pour toi ?
Seignosse, c’est là où j’ai fait mes débuts. Mon père avait un club de plage aux Estagnots. C’est là que j’ai appris à nager et c’est aussi là qu’il m’a mis sur une planche un été, quand j’avais 7 ans. Par la suite, tout s’est enchainé assez rapidement : les compétitions le weekend avec les potes, les premiers succès… C’est incroyable d’avoir ouvert une surf house juste là, exactement au même endroit ! Je l’ai appelée “Les Estas”. C’est un super spot pour ceux qui veulent profiter du surf et du cadre de vie qu’offre notre région.
Une autre région qui a l’air de te plaire, c’est l’Irlande. J’imagine que surfer là-bas doit être une expérience assez unique…
Là-bas, les conditions sont en général très rudes. L’eau est très froide, le vent souffle fort, il y a des falaises à descendre et il y a des châteaux en ruines un peu partout. Cela donne une atmosphère assez unique, c’est vrai. Par contre le jour où les vagues sont bonnes, il n’y a pas mieux au monde. Ce sont des vagues très creuses et puissantes. Mettre des combinaisons de 6mm ne rend pas la tâche facile. Les Irlandais sont très chaleureux et l’on y passe à chaque fois des moments inoubliables.
Les voyages mis à part, à quoi ressemble ton quotidien ? Comment t’entraînes-tu ?
J’aime habiter au bord de l’eau, écouter le bruit de l’océan. Ça me permet de rester connecté. Je me lève, je prépare un bon jus de fruit et des céréales puis je fonce surfer ou je vais à mon cours de boxe. Ensuite, j’essaye de manger quelque chose de sain, pas trop de viande. Parfois, quand je suis fatigué, j’opte pour un petit spa. J’essaye d’avoir cette routine au moins 4 à 5 jours par semaine. C’est important d’avoir cette constance, et surtout pas évident. Le week-end c’est plus souple, je vais surfer avec ma copine ou je reste plus tranquille.
Pour tenir le rythme, pratiques-tu d’autres disciplines ?
J’essaye de faire des entraînements en piscine avant l’hiver, ça me donne énormément de confiance. Et je mise aussi beaucoup sur la boxe.
Quels sont tes objectifs pour ces prochains mois ?
Avec la Billabong Adventure Division nous sommes en train de réaliser un documentaire sur le surf de grosses vagues avec Shane Dorian, Eric Rebière et d’autres. Nous avons ramené des images exceptionnelles de Jaws. Pour l’hiver à venir (2016-2017, ndlr), nous comptons montrer que l’Europe n’est pas en reste et qu’il y a des vagues incroyables ici aussi, tout en prenant en compte la préparation, le stress et la difficulté de lutter contre les conditions extrêmes. Il vaut mieux prendre un peu plus de temps et avoir quelque chose dont nous allons être fiers plutôt que d’avoir un travail bâclé.
Espères-tu toujours surfer à nouveau une vague comme celle de Nazaré, au Portugal, en 2014 ?
Bien évidemment. Je repartirai à Nazaré, mais à la rame cette fois-ci. Je pense avoir fait ce qu’il fallait en tow…
Est-ce que beaucoup de choses ont changé pour toi depuis que tu as surfé la vague de Nazaré ?
Oui, j’ai eu énormément d’exposition à travers les médias grands publics et quelques nouveaux contacts. Mais ce dont je suis le plus fier c’est d’avoir par la suite montré que je pouvais surfer Jaws à la rame.
Tu es chez Billabong depuis plusieurs années. Comment ça se passe et comment se déroulent vos voyages avec la Billabong Adventure Division ?
On a une équipe très soudée, qui est prête à faire beaucoup de sacrifices. On dort très peu et ça va très vite. Je pense qu’avec le peu de budget que l’on a, nous ramenons des images et une atmosphère incroyable. Et franchement, cela nous permet de vivre des moments inoublibables.
Photos publiées avec l’aimable autorisation de la Billabong Adventure Division / D.R